L'Allemand Helmut Kohl et le Français François Mitterrand : les pères de la monnaie unique européenne. © GéRARD CERLES/belgaimage

Le 2 juin 1988, le jour de la conception secrète de l’euro

Il a été conçu dans un prestigieux hôtel situé sur les bords du lac Léman. D’un père français – François Mitterrand – et d’un père allemand – Helmut Kohl. Les deux hommes avaient l’habitude de se rencontrer dans les grandes capitales ou sur des sites touristiques. En des circonstances très officielles ou dans des cadres plus intimes. Ils échangeaient, papotaient, mangeaient, jouaient au golf… Mais ce tête-à-tête-ci est historique.

En amont, les dirigeants ont su convaincre les plus fervents opposants. Désormais, ils se sentent suffisamment forts pour engager leurs pays – et toute l’Europe – vers un projet fou. Indiscutablement, c’est à Evian que l’euro a été conçu.

L’idée, certes, n’était pas neuve. En mai 1968, le printemps révolutionnaire français entraîne une profonde instabilité du franc. Dans la foulée, le président Georges Pompidou procède à une dévaluation de la monnaie nationale. Quelques mois plus tard, c’est le gouvernement ouest-allemand qui joue avec sa devise. Aucune de ces opérations n’est concertée. Elles impactent pourtant chacun des six Etats de la jeune Communauté économique européenne, et le fonctionnement global de celle-ci. Tout le monde est conscient qu’une coordination des politiques monétaires est nécessaire. Un plan est même dessiné par le Luxembourgeois Pierre Werner. Mais il reste lettre morte. Pas étonnant : la monnaie, c’est sacré ; y toucher, c’est attenter à la souveraineté des Etats.

Dans les années 1980, l’idée revient. L’Acte unique européen de 1986 évoque la nécessité de réaliser une union économique et monétaire. Simple déclaration. Mais qui donne le ton. Début 1988, le ministre français des Finances Edouard Balladur est envoyé en éclaireur : ouvertement, il plaide pour la création d’une monnaie commune. Dans son viseur : le tout-puissant mark allemand. Quelques mois plus tard, Mitterrand est réélu à la présidence de la République. Il peut passer à l’action.

Arrive Evian. Du côté français, seuls Jacques Attali et Elisabeth Guigou, de proches conseillers, accompagnent le président. Dans les discussions, Kohl se dit prêt à lâcher le mark. Mais, en échange, il veut la liberté de mouvement des capitaux – à laquelle s’oppose le ministre français des Finances Pierre Bérégovoy.  » Je vais débloquer cela « , confie Mitterrand. Le deal est historique ; pour l’heure, cependant, il demeure secret. Lors de la conférence de presse qui suit la rencontre, le président français parle de la Commission européenne, de Moscou et de Reagan. Mais de monnaie, il n’est pas question. A peine souligne-t-il que la création d’une banque centrale européenne  » est un objectif qui nous convient « .

Il faudra attendre fin juin et le sommet de Hanovre. Sous présidence allemande, les  » Douze  » commandent un rapport sur la faisabilité de la monnaie unique. Celui-ci sera réalisé par les gouverneurs des banques centrales, sous la direction de Jacques Delors, président de la Commission européenne. C’est ainsi que s’ouvrira la marche vers l’euro.

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