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L’affaire George Floyd, fil rouge d’une année américaine tumultueuse

Le Vif

« Le jour de la prise de conscience »: c’est ainsi que des proches de George Floyd ont rebaptisé le 25 mai 2020, date à laquelle le quadragénaire noir a succombé sous le genou d’un policier blanc. Selon eux, « le monde a ouvert les yeux sur les souffrances des Américains noirs ».

Depuis un an, ce sursaut antiraciste s’est exprimé dans les rues, les médias, l’arène politique ou juridique des Etats-Unis, même si ses effets concrets restent difficiles à mesurer.

En ce soir de long week-end férié, George Floyd, 46 ans, achète des cigarettes à l’épicerie « Cup Foods » à Minneapolis, métropole du nord du pays. Mais le billet semble faux et un employé appelle la police. Incapables de faire monter ce colosse de quasi deux mètres dans leur véhicule, les agents le plaquent au sol, menotté.

Derek Chauvin s’agenouille sur son cou et y reste pendant près de dix minutes, indifférent aux râles du quadragénaire, qui répète: « Je peux pas respirer » avant de perdre conscience. Des passants, affolés, tentent en vain d’intervenir. Une jeune fille de 17 ans filme tout avec son téléphone portable. Mise en ligne, sa vidéo fera le tour du monde.

Indignés, les Américains descendent dans les rues pour réclamer la fin du racisme et des violences policières. Coincés à leur domicile depuis des semaines à cause de la pandémie de Covid-19, les manifestants forment des cortèges inédits depuis le mouvement de lutte pour les droits civiques des années 1960.

Dans les grandes villes, la colère explose, des commerces sont pillés, un commissariat brûle même à Minneapolis. Partout, des statues de personnalités liées à l’esclavage sont déboulonnées, alors que les Etats-Unis se lancent dans une relecture critique de leur passé.

Le déploiement de la garde nationale, des couvre-feux et l’inculpation des policiers ramènent le calme, même si des tensions persistent tout l’été à Portland.

A Paris, Londres, Lisbonne, Téhéran, Sydney ou Séoul, des foules battent aussi le pavé, par solidarité envers les Noirs ou pour dénoncer les violences de leurs propres forces de l’ordre.

Le candidat démocrate à la présidentielle Joe Biden, populaire chez les Afro-Américains depuis qu’il a été le numéro 2 de l’ancien président américain Barack Obama, se range immédiatement du côté des victimes. Il participe par vidéo aux funérailles de George Floyd, va au chevet d’un homme blessé par la police durant l’été et promet de s’attaquer au « racisme systémique », qui ronge la société américaine.

A l’inverse, le président sortant Donald Trump se pose en candidat de « la loi et de l’ordre », apporte un soutien inébranlable à la police et dénonce sans cesse les violences menées, selon lui, par des militants « antifa » d’extrême gauche.

Le 3 novembre, les électeurs noirs font pencher la balance en faveur de Joe Biden, qui devient président des Etats-Unis d’Amérique. Dans son discours d’acceptation de la victoire, il leur rend hommage: « Ils me soutiennent toujours, comme je les soutiendrai », dit-il, en promettant de « restaurer l’âme de l’Amérique ».

Avant même son investiture, Joe Biden nomme pour la première fois des Noirs à la vice-présidence ou au Pentagone. Six jours après son entrée à la Maison-Blanche, il signe de premiers décrets pour améliorer la « justice raciale ». Mais ses mesures ont une portée très limitée.

Il a beau réclamer que le Sénat adopte une vaste réforme de la police pour le premier anniversaire de la mort de George Floyd, les républicains bloquent, refusant de toucher à la large immunité dont bénéficient les forces de l’ordre.

Faute de « grand soir » au niveau fédéral, les Etats et les villes avancent en ordre dispersé, selon les rapports de forces locaux. Certaines localités tentent des expérimentations pour diminuer le risque de bavure, en désarmant par exemple les agents chargés de la sécurité routière.

Mais les réformes en profondeur se font attendre et le nombre de victimes de la police reste identique, avec environ un millier de décès sur les douze mois, dont toujours plus d’un quart de Noirs, alors qu’ils ne représentent que 13% de la population.

Un changement est à noter toutefois: les médias portent un intérêt grandissant à ces affaires. Les noms de Rayshard Brooks, Andre Hill ou Daunte Wright, tous tués par des policiers, deviennent familiers dans les foyers américains.

Toujours à fleur de peau, l’Amérique a replongé dans le drame à la fin mars lors du procès pour meurtre du policier Derek Chauvin. Vidéos-chocs diffusées en boucle, témoignages poignants: les audiences hors normes ont tenu les Etats-Unis en haleine pendant trois semaines.

Ce « référendum sur le chemin parcouru » par les Etats-Unis, selon l’avocat de la famille Floyd, se conclut le 20 avril par un verdict de culpabilité. Le pays, qui appréhendait un nouvel embrasement en cas d’acquittement, pousse un soupir de soulagement.

Hasard ou non du calendrier, deux policiers ont depuis été inculpés pour meurtre et un troisième condamné par un jury de l’Alabama pour avoir abattu un homme suicidaire. Avant l’affaire Floyd, les policiers échappaient pourtant presque toujours aux condamnations.

Le dossier n’est pas bouclé pour autant: Derek Chauvin sera fixé sur sa peine le 25 juin et ses trois anciens collègues, jugés pour complicité en mars. Un autre procès, devant la justice fédérale, les guette aussi.

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