Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens: 23% de femmes dans l’armée ukrainienne. Pourquoi ne les voit-on nulle part? (chronique)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Trouver une photo d’une soldate ukrainienne ? Quasi mission impossible. Pourtant, les femmes représentent 23% des effectifs de l’armée. Mais en matière d’images et de guerre, les stéréotypes de genre restent tenaces. D’autres conflits l’ont démontré: les femmes peuvent tout autant combattre que les hommes. Avec la même cruauté.

Il y a le sang, les pansements grisâtres, mais, surtout, ce regard bleu hagard. Si cette photo avait été un tableau, son titre aurait été tout trouvé: Celle qui avait vu la guerre. S’abattre précisément sur sa maison d’enseignante, dans la banlieue de Kharkiv, un 24 février qui aurait dû être une banalité du calendrier. D’autres images iconiques de cette guerre ont suivi, évidemment. Malheureusement. Celle de cette dame enceinte portée sur un brancard, couchée sur une couverture rose à pois noirs, étrange tâche colorée au milieu d’un paysage carbonisé. Ou celle de cette femme au manteau de fourrure sur fond d’immeubles bombardés, la main s’élevant devant le visage, comme pile avant d’éclater en sanglots.

Olena Kurilo, institutrice de 52 ans
Olena Kurilo, institutrice de 52 ans© Getty

Mais où sont les images de guerrières en treillis, l’ arme en bandoulière? Eclipsées par toutes celles montrant l’exode de mères avec leurs enfants? Comme si toutes les Ukrainiennes avaient fui… Alors que, selon la chercheuse en sciences politiques Anastasia Fomitchova (université Paris 1-Panthéon Sorbonne), citée dans L’Express, plus d’un tiers des combattants volontaires seraient des femmes. « Poutine a fait un mauvais calcul. Il n’avait jamais compté sur [elles] en calculant la résistance ukrainienne », a déclaré à Knack la députée ukrainienne et présidente de parti Kira Rudyk.

Les femmes représentent 23% de l’armée ukrainienne. Mais, sauf rares exceptions, bonne chance pour dénicher la photo d’une militaire. Petite recherche dans l’une des principales banques d’images « femmes soldats Ukraine », résultats: une civile qui embrasse un soldat sur un quai, une civile qui enlace un soldat sur un quai, une civile qui salue un soldat sur un quai, une autre qui enlace un soldat dans la rue, une (vieille) autre encore qui tient la main d’un soldat dans la rue, une (vieille) civile aidée par deux soldats dans la rue…

« La guerre ramène les vieux stéréotypes avec les hommes courageux et les femmes en pleurs« , dixit l’écrivaine Geneviève Brisac, dans une tribune publiée dans Le Monde. Les femmes et les enfants d’abord, ce vieux cliché. Difficile à démonter lorsque les hommes reçoivent l’interdiction de quitter leur territoire…

Mais donner l’illusion qu’ils sont seuls à combattre tient de l’illusion d’optique. Les femmes ne sont pas naturellement pacifistes. « Loin du mythe de leur innocence, les femmes ont tué lors des guerres, des révolutions ou mues par un idéal politique ou patriotique », affirmait, en 2017, l’historienne Anne Morelli (ULB), coautrice de l’ouvrage Les femmes aiment-elles la guerre? . Oui, en fait. Ou ni plus ni moins que les hommes. Elles sont tout autant capables de piller, tuer, tirer. Ça s’est vu au Congo, dans le conflit israélo-palestinien, en Syrie… « Et peut-être que leur désespoir les rend encore plus cruelles. »

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null© AP

L’ouvrage se terminait sur cette question: la société deviendrait-elle plus pacifique s’il y avait davantage de femmes au pouvoir? Cfr le fameux mème, qui circule depuis l’invasion de l’Ukraine: une reproduction de l’ Origine du monde, célèbre tableau poilu de Gustave Courbet. Côte à côte avec l’image d’un phallus, au-dessus de cette légende: « L’ origine de la guerre. » Poutine aurait-il envahi l’Ukraine s’il avait eu un vagin? Vaine question. Un sondage datant de 2018 révélait que seuls 31% des Russes accepteraient de voir une femme diriger leur gouvernement. Vu l’écrasante majorité de pays où les hautes sphères du pouvoir restent monogenrées, la guerre restera encore longtemps un « privilège » masculin.

Cachez cette queue-de-cheval…

Au Japon, une école sur dix interdit la queue-de-cheval aux filles pour éviter « d’exciter les garçons », rapporte le magazine Vice. D’autres règles sont imposées aux écolières japonaises: port de l’uniforme, longueur de leur jupe, de leurs chaussettes… Même la couleur de leurs sous-vêtements, qui doivent être blancs pour ne rien laisser transparaître, est réglementée. Quant aux élèves qui, par nature, n’ont pas les cheveux noirs et lisses, elles doivent le prouver, photos à l’appui.

(E.G. st.)

6,65%

C’est, dans la capitale, le pourcentage de rues qui portent le nom d’une femme. Pour tendre vers plus de parité, la majorité bruxelloise a déposé un texte pour systématiquement nommer les futures stations de la Stib par des noms féminins. Début mars, elle avait déjà renommé quatre arrêts. L’ arrêt Reniers, à Jette, a ainsi été rebaptisé du nom de la résistante belge Fernande Volral. (E.G. st.)

Les hommes savent pourquoi

Quatre-vingt-quatre pour cent des brasseries bruxelloises sont détenues par des hommes et 96% par des personnes blanches, d’après une récente enquête menée par Beer.be, relève la rubrique Les grenades, sur rtbf.be. La mixité n’est pas davantage présente dans leurs équipes puisqu’elles ne comptent que 28% de femmes et 8% de personnes racisées. Un quart des brasseries sont même entièrement masculines. Quand on sait qu’ à l’origine, la bière était d’abord brassée par les femmes… (E.G. st)

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