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La fausse une du « Boston Globe » contre Donald Trump

Stagiaire Le Vif

Le  » Boston Globe « , un journal américain, a publié ce dimanche une fausse  » une  » pour dénoncer ouvertement la politique de Donald Trump. Une méthode qui a déjà été utilisée dans les médias par le passé.

 » Les déportations sont sur le point de commencer », titrait hier le journal américain « The Boston Globe » en une de son édition dominicale . Dans cette une, le quotidien annonce que le Président Trump a finalement décidé de mettre en application ses promesses de campagne et de tripler le nombre d’agents fédéraux chargés du contrôle de l’immigration et des douanes. L’homme d’affaires devenu homme d’Etat manifeste à nouveau sa volonté de se débarrasser de 11,3 millions de travailleurs illégaux présents sur le sol américain, et ce dans les deux années à venir. Des émeutes sont en cours à Washington et à Boston. Un autre titre présent à la une annonce l’arrivée d’une nouvelle loi contre la diffamation, censée mettre fin aux abus de la presse, décrite comme la « racaille absolue » par le nouveau Président. En tout petit en bas de la page, une « note de l’éditeur » ajoute : « Voici l’Amérique de Trump ».

Si ces informations sont donc fausses et ont été inventées par la rédaction du « Boston Globe », elles ne sortent pourtant pas tout à fait de nulle part. Elles se basent sur des promesses électorales faites par Donald Trump durant sa campagne pour les primaires républicaines. En fabriquant de toutes pièces cette fausse une dans un exercice cherchant à « prendre un homme à ses propres mots », les journalistes du « Boston Globe » ont voulu alerter l’opinion américaine sur ce qui l’attendait dans le futur si jamais le candidat venait à remporter l’élection présidentielle. La rédaction a d’ailleurs tenu à expliquer sa démarche dans un éditorial placé en deuxième page de l’édition du jour. Elle y explique ses craintes par rapport au candidat et encourage les électeurs républicains n’ayant pas encore voté à se poser de sérieuses questions à son sujet.

Une riche tradition journalistique

Ce n’est pas la première fois qu’un média, pourtant reconnu comme sérieux et fiable, décide de fabriquer de toutes pièces une fausse information pour mettre le doigt sur de vraies questions de société et attirer l’attention dessus. La méthode semble à vrai dire aussi vieille que la tradition journalistique. Retour sur trois exemples qui ont fait date en la matière:

  • Le « great moon hoax », une des premières démonstrations du pouvoir des médias de masse : ce « grand canular lunaire » consiste en une série de six articles publiés en 1835 dans le New York Sun, et faussement attribués à Sir John Herschel, un astronome reconnu de l’époque. Les articles décrivent l’existence de créatures imaginaires peuplant la Lune, que Sir Herschel aurait eu la chance d’observer grâce à un nouveau télescope ultra-performant. L’astronome niera par après être l’auteur des articles. Ce canular sera finalement attribué à Richard Adams Locke, reporter pour le Sun. Ses motivations, expliquera-t-il plus tard, étaient de dénoncer par l’absurde l’influence de la religion sur la science.
  • « I, Libertine », le best-seller américain qui n’existait pas : Jean Shepherd est reconnu comme un des premiers grands hommes de radio américain. En 1956, il anime la nocturne sur WOR Radio, une fréquence new-yorkaise. Fatigué par ce qu’il décrit comme une obsession des New-Yorkais pour les listes de type « Top 10 » et leur habitude de considérer ces listes comme des références en matière de bon goût, il décide de piéger la plus éminente d’entre-elles : le classement des best-sellers publiés par le New York Times. Il sollicite alors ses auditeurs, qui décident ensemble d’un titre et d’un nom d’auteur pour un bouquin qui n’existe pas. Ainsi, plusieurs de ses auditeurs iront dès le lendemain en librairies réclamer « I, Libertine », livre imaginaire du tout aussi imaginaire Frederick R. Ewing. La mobilisation de ses auditeurs est telle que le faux livre finit par entrer dans la liste du New York Times, venant au passage prouver l’hypothèse de Shepherd selon laquelle ces listes ne font pas appel à l’esprit critique des lecteurs. Le canular sera finalement révélé par un journaliste du Wall Street Journal, fervent éditeur de l’émission.
  • « Bye Bye Belgium », une histoire belge : impossible de passer à côté de ce canular qui a fait le tour du monde et qui est déjà rentré à sa manière dans l’histoire des médias. Pour rappel, la RTBF interrompait le 13 décembre 2006 son programme « Question à la Une » pour laisser place à une édition « historique » de son journal télévisé. François de Brigode y annonçait aux téléspectateurs francophones la décision de la Flandre de proclamer son indépendance unilatérale. Malgré le fait que de nombreux indices étaient disséminés à l’écran pour alerter les téléspectateurs du caractère fictionnel de l’émission, le programme a provoqué un vent de panique parmi une partie de l’audience. Beaucoup ont critiqué la chaîne et les créateurs du programme pour leur manque de déontologie, pendant que d’autres ont félicité la prise de risque et l’originalité de la démarche. La RTBF s’est quant à elle justifiée en insistant sur la nécessité d’ouvrir le débat à propos d’une possible scission du pays.

A.S. (stg.)

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