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La fausse bloggeuse syrienne indigne le web

La création d’un blog par un Américain se faisant passer pour une homosexuelle basée à Damas, Amina Arraf, a scandalisé la blogosphère.

En prétendant défendre la cause des opposants syriens, la vraie-fausse bloggeuse Amina Abdallah a surtout nui à leurs combats. Celle qui se présentait comme une homosexuelle américano-syrienne, auteur du blog « A gay girl in Damascus », était en fait un étudiant américain installé en Ecosse. Dans un message d’excuse, Tom MacMaster écrit qu’il ne s’attendait pas à susciter une telle attention. Mais, précise-t-il, si la blogueuse n’existe pas réellement, « les faits relatés sur le blog sont vrais et pas trompeurs sur la situation sur le terrain. » « Je ne pense pas avoir fait de mal à quiconque », dit-il tout en reconnaissant qu’il a « heurté des gens dont il partage les opinions et les luttes. »

MacMaster utilisait le nom d’Amina comme pseudo en ligne depuis 5 ans selon le Washington Post, une des premières sources à révéler l’information. Tom MacMaster a créé le blog « A gay girl in Damascus » en février, peu après que la vraie-fausse Amina a annoncé qu’elle rentrait des Etats-Unis en Syrie. Son histoire jusque-là était plausible. Et quand une personne se disant son cousin, Rania O Ismail, a annoncé sa disparition, le 6 juin, ses « fans » ont créé une page Facebook pour la défendre, « Free Amina Abdallah ».

Sur son blog, Amina racontait sa participation aux protestations de rue et comment elle avait dû se cacher, après une tentative d’arrestation, à son domicile, à laquelle son père se serait opposé. C’est à ce moment, alors que tous les médias relaient cette « disparition » tout en lui consacrant des portraits parfois détaillés comme celui du Guardian, que les doutes sur son identité apparaissent.

Les blogueurs Liz Henri et Andy Carvin, responsable de la stratégie médias pour le site de la radio publique américaine (NPR), devenu une célébrité en ligne depuis qu’il suit en direct les révoltes arabes, sont parmi les premiers à avoir douté: « Il y a quelques jours, j’ai reçu un tuyau d’une source LGTB (lesbiennes, gays, bi et trans) syrienne qui pensait qu’Amina n’existait pas », raconte Andy Carvin, le 8 juin. Cette source avait interrogé d’autres membres de la communauté et personne ne la connaissait. Ceux-ci s’inquiétaient d’ailleurs du fait que son blog attirait l’attention sur les homosexuels de Syrie et pouvait les mettre en danger. Andy Carvin raconte avoir alors demandé sur Twitter si quelqu’un avait rencontré Amina et n’avoir trouvé personne.

Une photo volée sur Facebook

Puis, des membres du consulat américain à Damas et l’Etat de Virginie, où la bloggeuse était censée être née, indiquaient qu’ils n’avaient aucune trace d’une Amina Abdallah Arraf.

Et le 8 juin, une jeune Croate vivant à Londres, Jelena Lecic, a révélé que les photos d’Amina qui illustraient le portrait publié sur le site du Guardian avaient été volées sur son profil Facebook. Dans le même temps, une Canadienne qui avait prétendue être une ancienne grilfriend d’Amina révélait qu’elle ne l’avait jamais rencontré, raconte le site Firstpost.

Et c’est l’enquête menée par le site Electronic Intifada qui a remonté la piste de Tom MacMaster et de son épouse Britta Froelicher, malgré leurs premiers démentis.

Colère des défenseurs des droits de l’Homme

Cette imposture a scandalisé nombre de défenseurs des droits de l’Homme qui mettent en avant les dégâts causés par cette affaire. Ainsi, Reporters sans frontières a mis en ligne un communiqué qui « condamne l’irresponsabilité dont a fait preuve cet étudiant ». L’organisation rappelle que cette affaire ne doit en rien décrédibiliser le travail des blogueurs et militants syriens qui, malgré la répression brutale imposée par le régime de Bachar Al-Assad, font leur possible pour continuer d’informer leurs concitoyens et le reste du monde ». Cette imposture peut les avoir mis en danger, déplore RSF qui relève que cette affaire est « désormais instrumentalisée par les autorités syriennes et leurs partisans afin de décrédibiliser l’information diffusée sur la Toile par les opposants syriens ».

« A cause de vous, M. MacMaster, de nombreux activistes homos se sont retrouvés sous les projecteurs des autorités syriennes. Vous n’imaginez pas les difficultés que vous nous avez causé », invectivent Sami Hamwi and Daniel Nassar sur le site Gay Middle East.

Catherine Gouëset

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