Des canonniers de la batterie A du 17ème bataillon d'artillerie de campagne de la 8ème armée U.S. rechargent leur obusier de 8 pouces après avoir fait feu sur des positions chinoises pour appuyer les unités d'infanterie au sud-est de Chorwon le 10 juin 1951. © U.S. ARMY CENTER OF MILITARY HISTORY, Photographs SC369802 - KOREAN CONFLICT Signal Corps Photo, 8A/FEC-51-19240

La Corée : d’une guerre à l’autre ?

Le Vif

Tir de missile nord-coréen, exercice aérien conjoint USA-Corée du Sud,… les provocations se multiplient et les tensions entre Donald Trump et Kim Jong-Un sont plus que jamais présentes. Dans ce climat instable, il est bon de rappeler que soixante-sept ans auparavant, la péninsule coréenne s’était déjà embrasée et avait plongé le monde au bord de la troisième guerre mondiale.

Depuis quelques semaines, Donald Trump et Kim Jong-Un se livrent des attaques ad personam via Twitter ou la Télévision centrale coréenne. Les tensions concernant la détention d’armes atomiques et le lancement de missiles balistiques par la Corée du Nord, sont à leur comble avec les États-Unis. La communauté internationale tempère. Dans ce climat instable, il est bon de rappeler que soixante-sept ans auparavant, la péninsule coréenne s’était déjà embrasée et avait plongé le monde au bord de la troisième guerre mondiale.

La guerre débute le 25 juin 1950 par une offensive nord-coréenne, après des échanges musclés entre les dirigeants des deux Corées (Kim Il-Sung pour le Nord et Syngman Rhee pour le Sud). Localisé dans un pays divisé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le conflit éclate suite à la polarisation des idéologies importées par deux puissances extérieures ; l’U.R.S.S. et les États-Unis. Du côté communiste, les Chinois engagent des troupes pour venir en aide aux Nord-Coréens, les Soviétiques se contentent de fournir du matériel et quelques pilotes de chasse. Du côté occidental, Washington, bien que ne définissant pas dans un premier temps la Corée du Sud comme faisant partie de sa zone d’influence, décide de contenir l’avancée communiste sur cette partie de l’Asie. Dans leur action, les États-Unis entraînent les pays signataires du traité de l’O.T.A.N. malgré les réticences de certains d’entre eux, à l’instar de la Belgique.

Lors de la guerre, si les tensions sont à leur apogée, il n’en demeure pas moins que les pôles Est/Ouest aspirent au début des années 1950′ à un objectif commun, la détente. Malgré son coût en hommes et en matériel, le conflit se cantonne à la Corée. De par son caractère limité, la guerre fut un laboratoire pour les nouvelles armes et les nouveaux moyens de défense, comme l’hélicoptère, le gilet pare-balles ou l’effet psychologique de l’arme atomique. Contre la supériorité technologique américaine, les forces communistes pratiquent les techniques de guérilla. Dans un certain sens, le « dernier » conflit conventionnel préfigure déjà les guerres postérieures, à l’instar du conflit vietnamien.

En ce qui concerne le bilan des combats, la Corée se retrouve dévastée. Une grande partie des infrastructures du Sud sont touchées, tandis que celles du Nord sont entièrement détruites. 600.000 habitations sont réduites en cendres. Les terres rizicoles sont impropres à la culture et la famine touche les civils coréens. Les chiffres récents avancés au sujet des pertes[1] font état de 2 à 3,5 millions de morts, en majorité civils. Les Sud-Coréens perdent 500.000 compatriotes, civils et militaires. L’U.S. Army dénombre 33.500 tués, 1260 pour le Commonwealth, 700 pour la Turquie. Le bataillon français totalise quant à lui 290 décès et le bataillon belge 108 (dont deux Luxembourgeois). Les pertes des armées communistes sont plus complexes à estimer. Les estimations basses retenues[2] totalisent 520.000 morts dans les rangs des forces nord-coréennes, 1.500.000 pour les soldats chinois. À la suite des combats de « Crèvecoeur » en septembre 1951, le général Monclar, ancien combattant de 14-18, dit à son bataillon français : « Vous pourrez dire à vos anciens que vous avez vécu quelque chose qui ressemble à Verdun !« [3] Les combattants et prisonniers de guerre reviendront pour bon nombre d’entre eux avec des séquelles physiques, mais surtout psychologiques.

Si aucun véritable vainqueur ne peut être désigné à la sortie du conflit le 27 juillet 1953, chaque belligérant tire profit de la situation. Les Américains n’hésitent pas à s’impliquer militairement dans le conflit, et envoient un signal fort pour Moscou. Taïwan (la Chine nationaliste) est préservée d’une invasion par les troupes de Mao grâce à la présence militaire de l’U.S. Army. La Chine communiste entre dans l’arène des grandes nations. Elle a infligé des revers militaires à l’O.N.U., mais ses infrastructures industrielles ont été sévèrement bombardées. Leur reconstruction ralentit son développement économique. Son homologue du Sud tend à se démocratiser après la guerre, en tout cas un peu plus après le départ de Syngman Rhee (au pouvoir entre 1948 et 1960). Par ailleurs l’économie de la Corée du Sud, dopée par les capitaux américains, devint rapidement florissante, et enfante les géants industriels que nous connaissons aujourd’hui. La Corée du Nord parvient à sauver ses territoires repris par la coalition militaire de l’O.N.U. grâce à l’intervention de l’armée chinoise, et le régime est toujours en place grâce notamment à sa possession d’armes atomiques.

Malgré une augmentation du nombre des travaux sur le sujet, la guerre de Corée n’a pas marqué les esprits. Elle reste méconnue de beaucoup et les vétérans ont souffert d’un manque de reconnaissance officielle, tout comme de la société civile. Gageons que la situation actuelle s’apaise, les deux opposants, américains comme coréens, n’ayant aucun intérêt à se déclarer la guerre. Celle-ci engloutirait des capitaux (humains et financiers) faramineux pour les États-Unis et risquerait de provoquer la disparition du régime nord-coréen, ce que ne souhaitent pas ses dirigeants.

Par Ben Schraverus, Historien

[1] CADEAU, I., La guerre de Corée, Paris, 2013, p. 313.

[2] Ibidem.

[3] CADEAU, I., op. cit., p. 268.

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