Kohl et Mitterrand en 1984. © Belga

Kohl et Mitterrand, une amitié politique qui a façonné l’Histoire

Le Vif

L’amitié politique nouée par le chancelier conservateur allemand Helmut Kohl, mort vendredi, et le président socialiste français François Mitterrand a façonné l’Histoire, contribuant au rapprochement de leurs deux pays et à une accélération de la construction européenne.

Pendant 13 ans, de 1982 à 1995, les deux hommes qu’a priori rien ne rapprochait se sont rencontrés des dizaines de fois, en Allemagne comme en France, transformant peu à peu un partenariat en amitié politique durable.

Dès janvier 1983, Mitterrand jetait les bases d’une relation de confiance, en allant soutenir au Bundestag (la chambre basse du parlement) l’initiative de Kohl de déployer en Allemagne de l’Ouest des fusées Pershing pour répondre au programme soviétique de missiles SS-20, une décision qui était alors vigoureusement contestée par une grande partie de l’opinion allemande.

Main dans la main

Les deux hommes allaient ensuite sceller leur rapprochement par une image forte, restée comme le symbole de la réconciliation franco-allemande : un moment de recueillement, main dans la main, à Verdun, pour le 70e anniversaire du déclenchement de la Première guerre mondiale, en 1984.

« Tous deux marqués par l’expérience traumatisante de la guerre », ils sont devenus « de très proches alliés au service de l’idée européenne », juge Joachim Bitterlich, ancien conseiller diplomatique de Kohl, ajoutant : « Il y a eu des oppositions mineures mais ils ont toujours gardé un cap résolument européen ».

Un certain nombre d’initiatives communes en témoignent, à l’instar de la mise en place de la brigade franco-allemande et la création de la chaîne de télévision Arte.

Hubert Védrine, l’un des ministres des Affaires étrangères sous Mitterrand, se souvient d’avoir assisté à une centaine de rencontres entre les deux hommes : « ils se voyaient près de dix fois par an.

A chaque sommet européen ou du G8, ils prenaient leur petit-déjeuner ensemble et bientôt ils en vinrent à s’inviter dans de bons restaurants, en Allemagne et en France », raconte-t-il.

Kohl et Mitterrand ont été un moteur au coeur de la construction européenne, travaillant en étroite collaboration pour la faire avancer avec leur ami commun, Jacques Delors, président de la commission de 1985 à 1995. Résultats, l’Acte Unique en 1996 puis, plus tard, le traité de Maastricht.

Quelques nuages ont par moment assombri leur entente, comme lorsque Mitterrand, soucieux des conséquences de la chute du Mur le 9 novembre 1989, décida d’un voyage un mois plus tard dans une RDA (Allemagne de l’Est) dont Kohl avait déjà annoncé l’absorption par la RFA (Ouest).

Réserves françaises

A une époque où la France était une des puissances tutélaires à Berlin-ouest et dans une partie de la RFA, avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, « Mitterrand avait des réserves, en tout cas au début, sur la Réunification allemande », affirme Joachim Bitterlich.

Car en Europe, la perspective d’une Allemagne unie au coeur du continent en inquiétait plus d’un.

« Mais une fois que (Mitterrand) a été convaincu des bonnes intentions du chancelier, il a donné son feu vert », assuré M. Bitterlich.

L’éclatement de la Yougoslavie donna également lieu à quelques désaccords, l’Allemagne – quasiment seule en Europe – ayant rapidement reconnu l’indépendance de la Croatie et de la Slovénie.

L’histoire retiendra surtout d’autres images de cette période : Kohl et Mitterrand côte à côte sur les Champs-Elysées, assistant au défilé de soldats allemands de l’Eurocorps pour la fête nationale du 14 juillet, en 1994, près de cinquante ans après la fin de la Deuxième guerre mondiale, ou encore l’émotion manifeste du chancelier aux obsèques de celui qu’il appelait son « bon ami » dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, deux ans plus tard.

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