Le personnel armé des forces spéciales du Corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC) surveille une zone alors que des Iraniens assistent aux funérailles des martyrs inconnus de la guerre Iran-Irak (1980-88) dans le centre de Téhéran, le 27 décembre 2022. © Morteza Nikoubazl/NurPhoto via Getty Images

Iran: les eurodéputés votent pour l’inscription des Gardiens de la Révolution comme organisation terroriste, Téhéran met en garde l’UE

Le Parlement européen a demandé jeudi à l’UE d’inscrire les Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de Téhéran, sur la liste noire des « organisations terroristes ».

Les eurodéputés, réunis en session plénière, ont adopté à main levée une résolution invitant l’Union européenne et ses États membres à inscrire les Gardiens de la révolution islamique sur la liste de l’UE en matière de terrorisme. Le texte adopté jeudi souligne en particulier explicitement que les forces Qods et la milice Bassidj, qui sont affiliées aux Gardiens de la Révolution, doivent aussi être inscrites sur la liste noire.

Prenant en compte le fait que les Gardiens sont présents dans l’économie iranienne par l’intermédiaire de nombreuses entreprises qu’ils contrôlent directement ou indirectement, le texte réclame par ailleurs l’interdiction de « toute activité économique ou financière » avec ces dernières.

Pour Yannick Jadot, eurodéputé Europe Ecologie-Les Verts, il est temps d’ajouter « le bras idéologique et répressif du régime des Mollahs » à la liste européenne des organisations terroristes. « C’est ainsi que l’Europe sera à la hauteur du combat magnifique des Iraniennes et des Iraniens pour leurs libertés et des valeurs de l’Union », a-t-il ajouté, soulignant que la balle était désormais dans le camp du Conseil européen.

L’Iran est secoué par une vague de contestation contre le pouvoir depuis la mort, le 16 septembre, de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans, décédée trois jours après avoir été arrêtée à Téhéran par la police des mœurs pour avoir mal porté le voile islamique. Plusieurs personnes ont été condamnées à mort et exécutées en lien avec les manifestations.

L’Iran met en garde l’UE 

Téhéran a averti qu’une telle décision aurait des « conséquences négatives », alors que les sujets de friction avec l’Union européenne (UE) se multiplient depuis plusieurs mois sur fond de mouvement de contestation dans le pays et de guerre en Ukraine.

Cette tension est susceptible de franchir un nouveau palier si l’UE se rangeait à l’avis d’une majorité d’eurodéputés qui lui ont demandé de qualifier le Corps des Gardiens de la Révolution (CGRI) d' »organisation terroriste », comme l’ont fait les Etats-Unis en 2019.

In fine, la décision –complexe à mettre en œuvre juridiquement– revient au Conseil européen, seul habilité à appliquer des sanctions. Certains Etats membres s’y sont déclarés favorables tandis que d’autres se montrent plus prudents. Un quatrième paquet de sanctions contre l’Iran sera au menu de la prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères le 23 janvier.

La prise de position des eurodéputés est « inappropriée » et basée sur « une approche émotionnelle », a dénoncé le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, au cours d’un échange téléphonique avec le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.

Pour lui, l’UE « se tirerait une balle dans le pied » en plaçant sur sa liste noire le CGRI, considéré par les experts comme étant la force militaire et sécuritaire la plus puissante de l’Iran.

« Rôle vital »

« Le CGRI est une institution officielle et souveraine qui joue un rôle vital pour assurer la sécurité nationale de l’Iran et de la région, en particulier dans la lutte contre le terrorisme », a expliqué le ministre. Le placer sur la liste noire « affecterait la sécurité, la tranquillité et la paix », a renchéri l’état-major de l’armée. En affirmant que, sans l’engagement des Gardiens, « les gouvernements européens seraient sous le contrôle de Daech », le groupe Etat islamique actif notamment en Syrie et en Irak.

Créés en 1979 après la victoire de la révolution contre le pouvoir du Chah, les Gardiens (« Sepah-é Pasdaran » en persan) disposent de forces terrestres, navales et aériennes avec des effectifs évalués à plus de 120.000 hommes. Parmi les rôles dévolus aux Gardiens figurent la sécurité du Golfe et du détroit d’Ormuz, par où passent de nombreux pétroliers, et la gestion des programmes de développement balistique.

La résolution adoptée par le Parlement européen souligne explicitement que les forces Qods –qui interviennent hors des frontières– et la milice Bassidj, toutes deux affiliées au CGRI, doivent être inscrites sur la liste noire. Et il réclame l’interdiction de « toute activité économique ou financière » avec les nombreuses entreprises contrôlées directement ou indirectement par les Gardiens.

Les pays européens sont en outre mobilisés pour obtenir la libération de leurs ressortissants, dont plusieurs binationaux, détenus en Iran. La France s’est ainsi dite mardi « extrêmement inquiète » de l’état de santé de Bernard Phelan, un Franco-irlandais de 64 ans, qui a engagé une grève de la faim et de la soif.

Les 27 Etats membres de l’UE ont vivement dénoncé l’exécution le 14 janvier de l’Irano-Britannique Alireza Akbari, un ancien responsable au ministère de la Défense iranien condamné à mort pour espionnage pour le compte des services de renseignements britanniques.

Ces tensions viennent renforcer les difficultés des négociations sur le nucléaire iranien, plus que jamais dans l’impasse même si M. Borrell a affirmé à M. Abdollahian sa volonté de poursuivre ses « efforts » pour parvenir à un accord, selon le ministère iranien des Affaires étrangères.

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