Donald Trump, inspirant exclusif, pratique "le culte de la personnalité". © DENNIS VAN TINE/PHOTO NEWS

Gandhi, Steve Jobs, Thatcher ou même Trump… Qu’est-ce qui rend inspirant ?

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

De Gandhi à Steve Jobs en passant par Greta Thunberg, Jean-Charles della Faille analyse les mécanismes de l’inspiration.

Ils sont partout,  » de la cour de récré aux plus hautes sphères de la société. Et ils ont ceci de particulier : ils peuvent se tromper ou prendre des décisions parfois impopulaires sans perdre ni leur légitimité ni leur popularité auprès de leurs supporters ou partisans.  »  » Ils « , ce sont des individus inspirants qui émeuvent parfois et font souvent agir.  » Cela ne signifie pas qu’ils touchent tout le monde, ni que leur effet est général, mais leur influence est réelle « , précise Jean-Charles della Faille, ex-homme de pub et conseiller en entreprise, qui publie Tout le monde peut être inspirant. Maximisez votre potentiel d’inspiration (1).

Margaret Thatcher, inspirante à deux visages, admirée et détestée.
Margaret Thatcher, inspirante à deux visages, admirée et détestée.© RICHARD BAKER/GETTY IMAGES

Dans les premières pages, il y a d’abord ce préalable : pourquoi les inspirants nous font-ils cet effet ? Tout se joue dans le cerveau et, plus précisément, dans le système limbique, épicentre des émotions, une zone qui active les comportements. L’impact émotionnel peut se révéler si fort qu’il entraîne chez des personnes réceptives des actes positifs ou négatifs jusque-là inimaginables.  » L’émotion fait bouger, parce qu’elle est comme un appel personnel – on s’adresse à moi « , écrit Jean-Charles della Faille.

Cela posé, il répond alors à cette question : qu’ont-ils de plus, ces gens inspirants ? Pour l’auteur, les modèles exceptionnels sont toujours ceux qui collent à leurs valeurs. Ils y croient tellement qu’ils se les appliquent, les défendent, prennent tous les risques : c’est leur raison d’être.  » Guidés par leurs valeurs, ils voient plus loin que les autres. Raison pour laquelle ils ont souvent un coup d’avance et peuvent se permettre d’agir à contre-courant, en tout cas avec leurs propres règles. Cela peut faire d’eux des incompris un certain temps, mais quand leur vision devient réalité, les sceptiques s’y alignent petit à petit et les rejoignent.  » Ceux-là montrent une réalité par anticipation qui fait rêver. Autrement dit, il s’agit  » d’avoir une vision : prendre ses rêves et en faire une réalité « . Voilà donc le moteur de l’inspiration : être connecté à ses valeurs et, surtout, le faire savoir. A court terme, les discours auront un effet galvanisant. A moyen terme, cependant, les actions sont indispensables. C’est ce concret qui inspirera à son tour et fera entrer le mouvement dans une spirale positive.

Plastic Bertrand, pseudo-inspirant,
Plastic Bertrand, pseudo-inspirant,  » une marionnette « .© EDMOND SADAKA/ISOPIX

Quatre catégories

Tous les individus peuvent devenir inspirants, à condition qu’ils soient dans leur domaine de prédilection. Dans ce cas,  » ils inspirent globalement d’une seule façon « . Jean-Charles della Faille établit ainsi quatre catégories.

1. Inspirants exclusifs. Ils ramènent tout à eux, sont dans l’apparence et se posent en victimes.  » Ils ne voient que leur propre intérêt ou celui de leur communauté, avec une malveillance assumée.  » Concrètement, leur communauté se construit sur cette exclusion d’ennemis communs. Cela ne pose pas de problème puisque, aux yeux de leurs fans, ils symbolisent une forme de toute-puissance. En appui de la description, l’auteur convoque, Donald Trump, Dieudonné, Jordan Belfort, Elizabeth Holmes ou Adolf Hitler.

2. Inspirants à deux visages.  » On les prend parfois à tort pour des leaders inclusifs (lire point 4).  » Ceux-là sont admirés à l’intérieur et craints à l’extérieur. Certes, ils défendent une cause mais ils sont prêts à tout pour réussir et changent de discours selon leur auditoire. A l’image d’une Margaret Thatcher ou d’un Nicolas Sarkozy.

Denis Mukwege, inspirant inclusif,
Denis Mukwege, inspirant inclusif,  » incarnation de l’empathie « .© GUILLERMO LEGARIA SCHWEIZER/GETTY IMAGES

3. Pseudo-inspirants.  » Ils ne sont que de très bons communicants, d’excellents comédiens. Ce sont surtout des imposteurs et des girouettes.  » Il ne saurait en être autrement puisqu’ils inspirent avec des valeurs qui ne sont pas les leurs, des valeurs à la mode ou des valeurs clichés de leur domaine d’activité. Du coup, ils deviennent  » les marionnettes d’autres ou les victimes de leur avidité de pouvoir, d’argent, de célébrité, d’amour « . On retrouve, ici, Emmanuel Macron, Plastic Bertand ou le cycliste Lance Armstrong.

4. Inspirants inclusifs. C’est le nec plus ultra, simplement parce qu’ils permettent souvent de rallier davantage de personnes à leur cause, parfois même d’anciens opposants. Ils se distinguent parce qu’ils veulent  » atteindre un objectif commun, positif, plus grand qu’eux et dans lequel ils s’incluent eux-mêmes « . De fait, ils ne rejettent personne a priori.  » Ce n’est qu’en dernier recours qu’ils luttent contre des personnes.  » En bref, être inclusif, c’est demander des conseils, assumer ses différences et son originalité, être prêt à sacrifier beaucoup…  » Ils n’ont pas peur parce qu’ils sont alignés à leurs véritables valeurs et que celles-ci leur procurent une confiance quasi sans faille « , souligne Jean-Charles della Faille, qui glisse ainsi les noms de Denis Mukwege, Oskar Schindler ou Barack Obama. Encore faut-il maîtriser les ingrédients de l’inspiration. L’auteur cite, par exemple, la passion, parce qu’elle rend persévérant. La prise de risque,car elle rend légitime à moyen et à long terme. La vision, parce qu’elle s’accompagne souvent d’une remise en question du système actuel.

Jean-Charles della Faille accompagne des entreprises et des personnes. Son but : apporter du sens.
Jean-Charles della Faille accompagne des entreprises et des personnes. Son but : apporter du sens.© DR

Un mot sur toutes les lèvres

L’approche paraît simple, mais le leadership inclusif donnerait des résultats avérés. Ainsi selon Jump, réseau créé pour promouvoir la place des femmes en entreprise, il fait sensiblement progresser la productivité, la flexibilité des équipes, l’innovation et la rétention des talents.

Reste à comprendre pourquoi  » inspirant  » se trouve désormais sur toutes les lèvres. Rien d’explicite à ce sujet dans l’ouvrage, sauf en filigrane. Sans refaire, ici, l’histoire du management de ces cinquante dernières années, on peut affirmer que les modèles traditionnels de leadership sont en crise. Le travail s’est également mué en un monde hiérarchisé et rationalisé en tâches limitées. Chacun est absorbé par une tâche de moins en moins commune. Ce qui engendre une perte de sens : tout paraît complexe, lointain, financiarisé… Les employés ne savent plus pourquoi ils travaillent.  » En réalité, ils ont peu d’éléments pour juger de leur valeur. Ils évoluent dans un système qui isole « , relève Anne Fromont, chercheuse à l’Ecole de santé publique de l’ULB.  » Plus personne ne sait parler du métier, du contenu du travail, alors que c’est précisément ce qui valorise les salariés, les rend fiers et heureux.  » Les conséquences sont terribles : retrait et désinvestissement personnel.

C’est précisément ce que pointent les détracteurs du développement personnel : le coaching et les injonctions de l’estime de soi ne marchent pas, parce que, eux seuls, ne remettent pas en cause l’organisation du travail. Les inspirants, au contraire, auraient tout compris : vivre leurs valeurs, les seules à pouvoir vraiment enclencher le changement.

(1) Tout le monde peut être inspirant. Maximisez votre potentiel d'inspiration, par Jean-Charles Della Faille, InterEditions, 224 p.
(1) Tout le monde peut être inspirant. Maximisez votre potentiel d’inspiration, par Jean-Charles Della Faille, InterEditions, 224 p.

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