© Reuters

G20 : les divisions sur la guerre en Syrie perdurent

Le Vif

Les leaders des pays du G20 sont entrés jeudi à Saint-Pétersbourg de plain-pied dans la crise syrienne, mais n’ont pu que constater leurs divisions sur une éventuelle intervention militaire, cristallisées autour des tensions entre Barack Obama et Vladimir Poutine.

Le chef du gouvernement italien Enrico Letta, lui-même hostile à toute intervention armée, a déclaré sur Twitter que le dîner avait « confirmé les divisions à propos de la Syrie ».

Ce repas, qui s’est achevé vers 01H00 du matin locales (23H00 en Belgique) a été une tribune pour aborder la crise syrienne, source de très vives tensions diplomatiques entre les États-Unis et la Russie depuis plusieurs jours, Moscou soutenant Damas et s’opposant à l’option militaire américaine.

Dès l’ouverture officielle du sommet jeudi après-midi sous les ors du palais de Constantin, M. Poutine avait proposé que cette guerre soit abordée au dîner de travail du G20, enceinte habituellement consacrée aux problèmes économiques, cette fois totalement écrasés par le dossier syrien.

Selon une source diplomatique française, les dirigeants qui se sont exprimés l’ont fait à tour de rôle pour exposer leur position, « l’objet étant un échange entre les grands leaders du monde et non de se mettre d’accord ».

M. Obama, qui s’est entretenu avec Dilma Rousseff, s’était rendu en dernier à ce dîner, ne participant pas à une arrivée groupée autour de Vladimir Poutine.

Depuis plusieurs jours la crispation entre États-Unis et Russie va croissant, avec menaces d’escalade militaire et rebuffades diplomatiques, et ce malgré la cordialité forcée de la poignée de main officielle à Saint-Pétersbourg.

Jeudi, trois navires de guerre russes ont franchi le détroit turc du Bosphore pour se rendre près des côtes syriennes. L’ambassadrice américaine à l’ONU, Samantha Power, s’en est vivement prise à la Russie, accusée jeudi de « prendre le Conseil de sécurité en otage » en bloquant, avec la Chine, toute décision sur la Syrie.

Un autre sujet de dissension entre Washington et Moscou est le cas de Edward Snowden, l’ancien agent de la NSA qui a révélé le scandale dit « Prism » et a reçu le mois passé l’asile politique en Russie.

À Saint-Pétersbourg, lors d’une rencontre avec le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, M. Obama a déclaré jeudi que les leaders mondiaux réunis devraient « admettre que l’utilisation d’armes chimiques en Syrie n’était pas seulement une tragédie, mais aussi une violation du droit international qui devait être réglée ».

Le président français François Hollande, également partisan d’une intervention, s’est notamment entretenu avec le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, aussi favorable à l’option militaire et dont les troupes se renforcent à la frontière syrienne, selon les médias turcs.

L’autre verrou onusien à une opération militaire, la Chine, a fait savoir jeudi que, selon elle, « la situation actuelle montre que la solution politique est la seule voie » possible pour régler la crise.

Pékin estime de plus qu’une intervention militaire aurait « définitivement un impact négatif sur l’économie mondiale, et particulièrement sur le cours du pétrole », a-t-elle fait savoir via son vice-ministre des Finances.

La tension monte à mesure qu’approche le 9 septembre, date officielle de la rentrée des parlementaires américains qui seront appelés à se prononcer pour ou contre des frappes américaines. Depuis Saint-Pétersbourg, Barack Obama continuait jeudi à exercer une pression sur les élus pour obtenir leur soutien, mais la partie s’annonçait serrée, à tel point que le président a annulé un déplacement prévu lundi pour défendre politiquement l’intervention.

Ce même 9 septembre, le chef de la diplomatie syrienne, Walid Mouallem sera chez son allié russe, à Moscou. Le Premier ministre britannique David Cameron a affirmé avoir de nouvelles preuves de l’utilisation d’armes chimiques en Syrie. Le ministère britannique de la Défense a ainsi confirmé jeudi soir avoir des preuves de l’utilisation de gaz sarin dans la banlieue de Damas.

M. Cameron a cependant nié ne pas disposer d’outils dans la crise syrienne suite au refus de la Chambre des communes d’autoriser une implication britannique dans une éventuelle intervention. Cette décision de s’en remettre aux Communes est sa « responsabilité personnelle et entière », a-t-il indiqué à la BBC. Selon lui, la Grande-Bretagne peut poursuivre son action en aide aux réfugiés et pousser des discussions de paix.

Mais M. Obama ne peut compter dans son bras de fer sur des alliés européens unis, puisque seul François Hollande est aujourd’hui prêt à frapper Damas.

L’Allemagne, notamment, pense que « cette guerre doit prendre fin et cela ne se fera que politiquement », selon la chancelière Angela Merkel qui assure que « l’Allemagne ne s’associera en aucun cas à une action militaire ».

Les leaders européens tentaient jeudi d’accorder leurs violons. Mme Merkel a rendu une visite impromptue à M. Hollande. Peu avant le dîner, les représentants des cinq pays européens présents (France, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie et Espagne) se sont réunis avec ceux de l’UE, pour tenter de trouver une position commune, selon une source française.

Et les dirigeants européens ont aussi eu un aparté avec Barack Obama dans la salle du dîner, juste avant de prendre place, selon les images télévisées.

Les ministres des Affaires étrangères des pays de l’UE vont se réunir vendredi et samedi à Vilnius pour tenter de trouver une position commune.

Dans ce contexte lourd de menaces, l’ONU et le Vatican tentent de peser en faveur de la paix.

L’organisation internationale a annoncé l’arrivée surprise en Russie de son envoyé spécial, Lakhdar Brahimi, qui est également celui de la Ligue arabe, pour aider le secrétaire général, Ban Ki-moon, à faire avancer la conférence internationale pour la Syrie, dite Genève-2.

« Une solution politique est le seul moyen d’éviter un bain de sang », a déclaré Ban Ki-moon dans un communiqué. Il s’est aussi brièvement entretenu brièvement avant le dîner avec un Barack Obama au visage grave.

L’Église catholique se mobilise aussi d’une manière inédite depuis sa campagne contre la guerre d’Irak en 2003, avec notamment une lettre du pape François à M. Poutine, en tant que président du G20, pour prôner une solution de paix en Syrie.

Sur le terrain, la chef des opérations humanitaires des Nations unies, Valerie Amos, est arrivée jeudi à Damas pour des entretiens avec des responsables syriens.

À l’ouest de Damas, quatre personnes ont été tuées et six blessées par l’explosion d’une voiture piégée.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire