Theresa May

Le DUP, l’allié qui saborde l’accord de Brexit de Theresa May

Le Vif

Le Parti unioniste démocrate (DUP), qui vient d’annoncer son refus de soutenir l’accord de Brexit de Theresa May, est une petite formation ultra-conservatrice à l’intransigeance forgée pendant la guerre civile qui a ensanglanté l’Irlande du Nord.

Depuis toujours eurosceptique, le DUP a voté pour le Brexit contrairement à la population nord-irlandaise qui s’est exprimée à 56% contre. Aujourd’hui, il refuse d’entériner l’accord de divorce négocié par la Première ministre conservatrice avec Bruxelles, estimant qu’il risque d’aboutir à un traitement différent de l’Irlande du Nord par rapport au reste du Royaume-Uni, voire à une réunification de l’Irlande, son cauchemar.

En cause à ses yeux: le « filet de sécurité » (« backstop ») qui maintiendrait le Royaume-Uni dans une union douanière avec l’Union européenne avec un alignement plus poussé sur les normes de l’UE pour l’Irlande du Nord. Ce dispositif est conçu comme un dernier recours pour éviter le retour d’une frontière physique avec la république d’Irlande voisine. Or le soutien de ses 10 députés qui siègent à Westminster est indispensable à Mme May, qui a perdu sa majorité absolue lors des législatives anticipées de juin 2017. Cette déconvenue avait obligé la cheffe de gouvernement à négocier une alliance, monnayée contre une rallonge budgétaire d’un milliard de livres (1,1 milliard d’euros) sur deux ans pour la province.

La semaine dernière, le ministre des Finances Philip Hammond avait refusé de démentir la possibilité d’une nouvelle injection d’argent si le DUP se montrait coopératif. Mais fidèle à sa réputation d’inflexibilité, le DUP, créé en 1971 par le pasteur fondamentaliste Ian Paisley, a décidé de camper sur ses positions. « Nous ne laisserons pas la Première ministre ou la horde de +Remainers+ (en faveur d’un maintien dans l’UE, ndlr) nous forcer à soutenir un accord de Brexit toxique », a twitté mardi Sammy Wilson, député chargé du Brexit au sein de cette formation.

« Sauver l’Ulster de la sodomie »

Violemment anti-catholique avant le tournant des années 2000, le DUP avait refusé toutes les discussions proposées pour sortir du conflit dans les années 1970, 1980 et 1990. Il s’était également opposé aux Accords du Vendredi saint, adoptés largement par référendum en 1998, qui ont mis fin à trente ans de violence entre catholiques nationalistes et protestants unionistes après avoir fait plus de 3.500 morts. C’est pourtant en vertu de ces accords qu’il partage le pouvoir pour gouverner la province avec son ennemi juré, le Sinn Féin, principal parti républicain de la province britannique.

Au plan sociétal, il est ultra-conservateur: il refuse le moindre assouplissement de la législation sur l’avortement, interdit en Irlande du Nord sauf en cas de danger de mort pour la mère. En 1977, il n’avait pas hésité à lancer une campagne baptisée « Sauver l’Ulster de la sodomie » pour combattre la dépénalisation de l’homosexualité. Et il s’est évidemment opposé au mariage homosexuel, autorisé partout ailleurs au Royaume-Uni ainsi qu’en République d’Irlande mitoyenne. Des élus ou ex-élus du DUP, adeptes de courants créationnistes comme la Caleb Foundation, se sont aussi prononcés pour la peine de mort et ont mis en doute le changement climatique.

Premier parti d’Irlande du Nord même s’il a perdu du terrain aux élections de 2017, le DUP est aujourd’hui dirigé par Arlene Foster, dont le père, un policier, avait reçu une balle dans la tête pendant les Troubles, cible des paramilitaires de l’Armée républicaine irlandaise (IRA), attaque à laquelle il avait survécu. Un scandale lié à la gestion par Mme Foster d’un programme de subventions destiné à encourager les énergies renouvelables a provoqué l’éclatement du gouvernement en janvier 2017. Depuis, le DUP et le Sinn Féin n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur un nouveau gouvernement de coalition et les affaires courantes sont gérées par Londres.

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