Philippe Charlier © BELGAIMAGE

Le Dr Charlier désormais à l’écoute des « patients du lointain »

Le Vif

Il a raccroché sa blouse blanche pour diriger la recherche au musée du quai Branly: après avoir autopsié les restes de morts célèbres, le médecin Philippe Charlier cherche désormais à percer le mystère des objets venus d’ailleurs.

A 41 ans, ce médecin légiste, anthropologue et paléopathologiste, qui a opté pour le pseudonyme humoristique de « doctrotard » sur Twitter, a choisi d’ouvrir une nouvelle page de sa vie en s’occupant de « patients atypiques: squelettes, momies, objets d’art premier ».

« J’ai pratiqué des autopsies pendant dix ans. Ensuite je me suis occupé de patients vivants – des prisonniers et des migrants – pendant trois ans. Maintenant je m’occupe de patients du lointain », résume-t-il en recevant l’AFP dans son bureau aux murs végétalisés du musée du quai Branly.

Dédié aux arts et civilisations extra-occidentaux, tourné vers l’ethnologie, le musée présidé par Stéphane Martin veut « recentrer la recherche vers l’étude des collections, leur histoire et leur parcours », déclare le médecin à la silhouette longiligne. Pour cela il compte faire davantage appel à l’anthropologie, la biologie et la médecine.

Depuis son arrivée en octobre, Philippe Charlier a impulsé de nouvelles fouilles archéologiques et monté des missions anthropologiques de terrain pour remettre ces objets dans leur contexte, « leur redonner du sens ». Après les momies et les céramiques précolombiennes de l’Equateur, c’est aux palais du peuple Bamiléké au Cameroun que l’équipe de Philippe Charlier s’intéresse. Une mission autour des cimetières vaudou est prévue en Haïti en fin d’année.

A Paris, le musée a entrepris de passer au scanner portatif une sélection d’objets de la collection pour réaliser à partir de mai leur « autopsie virtuelle ».

L’imagerie de ces objets, dont certains sont rituels, permettra de voir par exemple s’ils possèdent une « charge magique à l’intérieur », explique le scientifique. Son équipe va aussi étudier au microscope électronique et de façon chimique les croûtes de matière sacrificielle présentes sur certaines statues d’Afrique sub-sahariennes.

– Migrants, détenus –

Auteur d’une vingtaine de livres – le dernier s’intitule « Autopsie des morts célèbres » (Tallandier) -, Philippe Charlier insiste sur « la cohérence » de son parcours.

« Je fais exactement ce que je voulais faire lorsque j’étais plus jeune. Je voulais avoir plusieurs vies. Je voulais être un médecin au service de l’histoire et de l’archéologie, un médecin-anthropologue ».

Né le 25 juin 1977, à Meaux, en région parisienne, Philippe Charlier est le fils d’un médecin et d’une pharmacienne. Il a trois thèses en poche, en anatomo-pathologie et médecine légale, en ostéo-archéologie et en éthique.

Parfois surnommé « l’Indiana Jones des cimetières », il s’est fait un nom en étudiant les restes de personnages historiques.

Son authentification de la tête momifiée d’Henri IV a suscité des débats passionnés. Il s’est aussi penché sur les restes présumés de Jeanne d’Arc conservés à Tours, établissant qu’il ne s’agissait pas d’elle.

Il a aussi analysé les restes de Diane de Poitiers, le coeur embaumé de Richard Coeur de Lion, le crâne du philosophe Descartes, celui de l’homme de Cro-Magnon et plus récemment un morceau de mâchoire humaine conservé à Moscou, confirmant qu’il s’agissait bien de celle d’Hitler.

Mais il s’intéresse aussi aux « vivants » anonymes. Ces dernières années, il était chef de service à l’hôpital de Nanterre où il avait monté une consultation d’anthropologie médicale destinée aux migrants demandeurs d’asile.

« Pendant trois ans j’ai établi des certificats », avec « un oeil de médecin légiste spécialisé dans les traumatismes et un oeil d’anthropologue spécialiste des rituels magico-religieux », décryptant les cicatrices, les meurtrissures de la peau, les scarifications.

« J’espère et je pense avoir été utile aux centaines de migrants que j’ai reçus », dit-il en désignant leurs dossiers réunis en une grosse pile posée sur son bureau, dont il est en train de réaliser la synthèse.

Dans le même temps, il était responsable de l’unité sanitaire à la maison d’arrêt des Hauts-de-Seine. Là aussi, il utilisait l’anthropologie pour mieux soigner certains de ses patients, par exemple africains ou des Caraïbes. « Certains de leurs traumatismes, leur façon de vivre la maladie n’étaient pas accessibles à la médecine moderne ».

Marié à une radiologue d’origine chinoise et de religion bouddhiste, « doctrotard » a trois petits garçons, qu’il élève au milieu de sa collection personnelle d’art extra-occidentale.

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