Bertrand Candelon

Le décodeur de l’économie de Bertrand Candelon: un vaccin nommé BCE (chronique)

Bertrand Candelon Professeur de finance à l'UCLouvain et directeur de la recherche Louvain-Finance.

Au cours des vingt dernières années, la BCE s’est imposée comme la pierre angulaire des politiques anticrises.

Si on devait lister les aspects positifs de l’intégration européenne depuis le début du millénaire, nul doute que l’introduction de la monnaie commune se situerait en haut du classement. La stabilité financière que nous a apportée l’euro tranche avec les épisodes de panique observés auparavant sur le marché des changes. Je n’ose par exemple pas penser aux effets néfastes qu’auraient pu avoir les deux précédentes périodes interminables de formations gouvernementales sur la crédibilité du franc belge. Le bénéfice de ce résultat revient en grande partie à la Banque centrale européenne (BCE), créée pour diriger la politique monétaire, à la place des banques centrales nationales, qui ont renoncé à cette action avec l’adoption de l’euro.

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Au cours des vingt dernières années, la BCE s’est ainsi imposée comme la pierre angulaire des politiques anticrises. Tout d’abord, dans le sillage des banques centrales américaine et japonaise, elle a abandonné en 2012 sa politique monétaire dite conventionnelle, qui consistait à fixer des taux directeurs de court terme, pour mettre en place une politique d’assouplissement quantitatif, dite non conventionnelle. Elle a donc développé des programmes de rachat (et de prise en pension) de titres publics et privés de long terme, afin d’éviter des faillites et de permettre un refinancement à un taux plus faible que celui fixé par le marché. Ces opérations ont permis aux pays en difficulté de pouvoir rembourser leurs créditeurs et même de continuer à emprunter. La BCE a aussi mis en place une série de règles afin de limiter les risques pris par le secteur bancaire, renforçant ainsi la stabilité financière. Elle a donc contribué à la survie de l’euro au cours des deux dernières décennies, mais en sera-t-il de même avec la crise de la Covid?

Dès mars 2020, la BCE a proposé de maintenir ses taux de refinancement à 0% ainsi que de porter sa politique de rachat de titres à 750 milliards d’euros. Ce message est clair et souligne la détermination des autorités monétaires européennes à intervenir pendant la crise de la Covid quel que soit le coût dans le sillage de la décision de Mario Draghi, son président en août 2012, pendant la crise de la dette souveraine. Les conséquences de cette décision sont multiples. Tout d’abord, les marchés financiers, qui avaient dévissé au début de la crise, atteignent désormais des sommets, dopés par l’afflux de liquidités. Les investisseurs sont aussi poussés à prendre toujours plus de risques afin d’éviter les rendements nuls des actifs sans risques. On observe que la masse monétaire continue à s’accroître et ne semble pas vouloir atteindre de limite. Dans le même temps, l’activité économique reste toujours très faible en Europe, associée à la crainte d’une résurgence d’une inflation importante. La remontée tendancielle des taux longs, accentuée ces deux dernières semaines, en est la preuve. Finalement, il apparaît que la transmission de la politique monétaire n’est pas identique pour tous les pays européens et tous les secteurs d’activité, entraînant déjà une plus grande hétérogénéité de la zone euro.

Les mesures d’urgence prises par la BCE ont donc permis aux Etats européens de traverser au mieux les premières vagues de la crise de la Covid, mais ont aussi engendré des vulnérabilités structurelles qu’elle ne pourra combler à elle seule. Un nouveau choc serait difficile à surmonter pour une Europe fragilisée, en n’utilisant que le seul outil monétaire. Il est donc urgent de consolider les politiques visant à intensifier la convergence réelle. Le plan de relance est un bon point de départ, mais reste timide (moins de 1,5% de niveau des dettes) et doit s’accompagner d’un contrôle renforcé des dépenses publiques par les instances européennes ainsi que des avancées sur la convergence sociale, fiscale et sanitaire. La route est longue, mais il faut espérer que face aux défis infligés par la crise de la Covid, ces décisions s’imposeront d’elles-mêmes et permettront d’éviter une fragmentation de la zone euro.

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