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« Gilets jaunes »: appel au « calme » du gouvernement français qui tente d’éteindre l’incendie

Le Vif

Face à la fronde de plus en plus violente des « gilets jaunes », qui menacent de réinvestir Paris samedi malgré les concessions du gouvernement, Emmanuel Macron a demandé mercredi aux responsables politiques et syndicaux de lancer un « appel au calme ».

L’inquiétude des autorités françaises était palpable face à la perspective d’une nouvelle journée de violences au coeur de la capitale, encore sous le choc des scènes de guérilla urbaine vécues samedi dernier. Ces images, qui ont fait le tour du monde, ont porté un coup à l’économie et au tourisme.

Quatre personnes sont mortes et des centaines ont été blessées en marge des manifestations contre la politique sociale et fiscale du gouvernement, déclenchées le 17 novembre. Et la colère s’étend désormais aux lycéens, aux agriculteurs et aux étudiants.

« Le président de la République a demandé aux forces politiques, aux forces syndicales, au patronat, de lancer un appel clair et explicite au calme et au respect du cadre républicain », a solennellement déclaré le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, rapportant les propos du président français pendant le Conseil des ministres.

Pour le porte-parole, cet appel s’adresse à « ceux qui font preuve de cynisme, d’opportunisme (…) Inutile de les nommer. Ils se reconnaîtront ».

« Ce qui est en jeu, c’est la sécurité des Français et nos institutions. Je lance ici un appel à la responsabilité », a pour sa part dit le Premier ministre Édouard Philippe dans un discours devant l’Assemblée nationale.

« Tous les acteurs du débat public, responsables politiques, responsables syndicaux, éditorialistes et citoyens, seront comptables de leurs déclarations dans les jours qui viennent », a-t-il ajouté, affirmant que le gouvernement serait « intraitable » face aux « factieux » et aux « casseurs ».

Le chef du gouvernement a réitéré les mesures annoncées mardi afin de tenter d’apaiser la « colère jaune », à savoir notamment une suspension pour six mois de la taxe sur les carburants.

L’Assemblée nationale a approuvé mercredi par 358 voix contre 194 les mesures annoncées par Edouard Philippe, à l’issue d’un débat de près de cinq heures dans l’hémicycle.

Dans la soirée, le ministre de la Transition écologique François de Rugy a affirmé sur BFM TV qu’en fait, les hausses de taxe sur les carburants prévues pour le 1er janvier 2019 sont « annulées pour l’année 2019 ».

Ces mesures constituent le premier recul d’Emmanuel Macron qui, depuis le début de son mandat en mai 2017, s’était fait fort de ne pas céder à la rue. Mais elles n’ont pas convaincu la majorité des manifestants qui multiplient blocages et rassemblements parfois violents depuis trois semaines dans tout le pays.

Seuls deux dépôts pétroliers ont été débloqués, tandis que la plupart des gilets jaunes balayaient du revers de la main des « mesurettes » du gouvernement et promettaient de poursuivre leur mouvement.

« Les Français ne veulent pas des miettes, ils veulent la baguette au complet »

« Les Français ne veulent pas des miettes, ils veulent la baguette au complet », a déclaré à l’AFP Benjamin Cauchy, l’une des figures du mouvement.

« Le fait de reculer si peu et si mal ne peut que conforter l’opinion dans l’idée que ce gouvernement est maladroit, qu’il ne veut pas reconnaître le caractère négatif de sa politique », analyse pour l’AFP Michel Wieviorka, sociologue à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, à Paris.

Pour près de huit Français sur dix (78%), les annonces du gouvernement ne répondent pas aux attentes, selon un sondage Elabe qui confirme que l’approbation de la mobilisation reste élevée, avec 72% des Français.

Face au risque de propagation du mouvement, le gouvernement a semblé prêt à lâcher plus de lest.

Benjamin Griveaux a ainsi entrouvert la porte à un possible rétablissement de l’Impôt sur la fortune (ISF), qui frappait les ménages les plus fortunés avant d’être supprimé par M. Macron. Son retour est réclamé par de nombreux manifestants au nom de la justice fiscale mais le palais présidentiel a semblé clore le débat mercredi soir en faisant savoir que le président avait déclaré en conseil des ministres mercredi qu’il ne voulait « rien détricoter de ce qui a été fait depuis dix-huit mois ».

Signe des tensions dans le pays, le président Macron a été hué et insulté au cours d’une visite surprise mardi soir au Puy-en-Velay (centre-est), où un bâtiment officiel avait été incendié samedi.

Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a demandé mardi soir aux « gilets jaunes raisonnables » de renoncer à un nouveau rassemblement parisien samedi prochain. En vain pour l’instant : les appels à se mobiliser une nouvelle fois dans toute la France sont pour l’heure maintenus.

Éric Drouet, l’un des plus connus des « gilets jaunes », a ainsi appelé à « retourner à Paris » ce jour-là, « près des lieux de pouvoir, les Champs-Élysées, l’Arc de Triomphe, (la place de la) Concorde ».

La contestation a gagné les lycéens, qui protestent notamment contre la réforme du baccalauréat. Au lendemain de heurts parfois violents, le fonctionnement de plusieurs dizaines de lycées restait perturbé mercredi et des syndicats lycéens appelaient à une mobilisation générale à partir de jeudi. Certains étudiants commençaient à rejoindre le mouvement.

Les agriculteurs ont quant à eux annoncé qu’ils manifesteraient la semaine prochaine, contre l' »agri-bashing ».

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