Des manifestants ont défilé dans les rues de Lyon, jeudi 13 avril, pour protester contre la réforme des retraites. © AFP

La réforme des retraites en France va-t-elle passer ? Les 3 scénarios sur la table

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Le Conseil constitutionnel français se prononce ce vendredi après-midi sur la très contestée réforme des retraites. Outre l’analyse constitutionnelle des textes législatifs, les « Sages » doivent également donner leur feu vert – ou non – à la demande émise par la gauche d’un référendum d’initiative partagée.

L’important dispositif policier déployé vendredi matin aux abords du Conseil constitutionnel français, dans le 1er arrondissement de Paris, témoigne de l’importance de l’événement. Et de la fébrilité qui entoure le débat sur les retraites depuis trois mois dans l’Hexagone. Après une douzième journée de mobilisation jeudi, la réforme portée par la Première ministre Elisabeth Borne est soumise à un test crucial ce 14 avril : les neuf membres du Conseil constitutionnel – surnommés les « Sages » – doivent se prononcer sur la valeur constitutionnelle du texte. «  Le Conseil va pointer les éléments qui sont en contradiction avec les normes supérieures à la loi, à commencer par la constitution nationale, explique Christophe Sente, docteur en sciences politiques à l’ULB. Le Conseil ne va pas dire ‘oui ou non’ à l’ensemble du texte, mais bien ‘oui ou non’ à chacune des dispositions qui composent le texte ».

Feu vert, feu orange ou feu rouge ?

Trois hypothèses se présentent. L’instance, présidée par l’ancien Premier ministre socialiste Laurent Fabius, peut valider l’entièreté de la réforme, la censurer partiellement ou encore la censurer totalement. Pour la majorité des observateurs, le scénario du « feu orange », à savoir la censure de certaines dispositions, est le plus probable. Avec des conséquences plus ou moins sérieuses pour l’exécutif français. Si des dispositions périphériques sont rejetées par les Sages, ce ne serait pas la bérézina pour le gouvernement Borne. « Mais si des dispositions centrales tombent – la plus emblématique étant celle relative à l’âge du départ à la retraite à 64 ans – ce serait évidemment interprété au minimum comme un camouflet, au pire comme une défaite », observe Christophe Sente.

Au-delà de l’analyse constitutionnelle des textes, les neuf membres du Conseil doivent également se prononcer sur la demande, émise par la gauche, d’un « référendum d’initiative partagée » (RIP), qui pourrait aboutir à une loi interdisant le report de l’âge de la retraite au-delà de 62 ans. Si le Conseil constitutionnel donne son feu vert à la première étape du RIP, qui consiste en un dépôt de la proposition de loi, les députés auront ensuite neuf mois maximum pour obtenir le soutien de 10% de la population en âge de voter, soit environ 4,8 millions de signatures. « Ce serait une nouveauté, car jusqu’à présent, ce dispositif n’est jamais parvenu à aller jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à l’étape de la votation », rappelle Christophe Sente. « Si référendum il devait y avoir, on se retrouverait clairement dans la continuité de la stratégie de Jean-Luc Mélenchon, qui consiste à dissocier démocratie représentative et manifestation populaire, mais cette fois-ci en donnant à la manifestation populaire un cadre légal et constitutionnel. »

Vers de nouvelles manifestations?

Quel qu’il soit, le verdict rendu par les Sages pourrait encore déboucher sur de nouvelles mobilisations dans les jours à venir. La gauche a d’ailleurs prévenu qu’elle ne plierait pas. « On ne lâchera rien, a mis en garde l’eurodéputée LFI Manon Aubry. Constitutionnelle ou pas, cette réforme est brutale et injuste ! Macron est isolé, on va le faire craquer ! »

« Si la décision du Conseil constitutionnel devait être contestée dans la rue, ce ne serait pas un indice de bonne santé démocratique »

« Si la décision du Conseil constitutionnel devait être contestée dans la rue, ce ne serait pas un indice de bonne santé démocratique », s’inquiète pour sa part Christophe Sente, qui insiste sur le devoir d’impartialité qui incombe aux Sages. « Le Conseil constitutionnel, de par sa composition et ses procédures, est quand même l’une des institutions les plus importantes de la république française. C’est difficile de faire plus consensuel et plus représentatif que de prévoir que tous les anciens présidents de la république y siègent, quels que soient leurs résultats électoraux. »

Le verdict des Sages est attendu ce vendredi, à 18h tapantes.

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