Le Premier ministre Sébastien Lecornu a remis sa démission à Emmanuel Macron, 27 jours à peine après son entrée en fonction. Le président de la République l’a acceptée.
Sébastien Lecornu a remis, lundi, sa démission à Emmanuel Macron, qui l’a acceptée, plongeant un peu plus la France dans l’impasse politique. Le Premier ministre démissionnaire fera une déclaration depuis Matignon à 10h45.
Nommé le 9 septembre, M. Lecornu était sous le feu des critiques des opposants et de la droite après avoir dévoilé, dimanche soir, une partie de son gouvernement. Il devait prononcer, mardi, sa déclaration de politique générale à l’Assemblée.
«Les conditions n’étaient plus remplies», a déclaré Sébastien Lecornu pour justifier sa démission. Le renoncement à l’article 49.3 de la Constitution, pour redonner la main au Parlement, «n’a pas permis ce choc de se dire qu’on peut faire différemment», les partis politiques «continuent d’adopter une posture comme s’ils avaient tous la majorité absolue» et la composition du gouvernement «a donné lieu au réveil de quelques appétits partisans», a affirmé le Premier ministre démissionnaire dans une déclaration sur le perron de Matignon.
Des difficultés dès le début
Le gouvernement de Sébastien Lecornu est le troisième nommé en un an. Il est aussi le plus court -y compris de la Ve République-: 27 jours. Déjà menacé d’une censure dans les jours suivants, le Premier ministre a vu sa fragile coalition gouvernementale, baptisé «socle commun», se fissurer à peine plus d’une heure après sa présentation.
Le patron du parti de droite Les Républicains (LR), Bruno Retailleau, qui venait d’être reconduit au ministère de l’Intérieur, a dénoncé une composition qui «ne reflète pas la rupture promise» et convoqué une réunion des instances de son parti.
En cause, selon plusieurs sources: le retour surprise aux Armées de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie (2017-2024) -et transfuge du parti LR-, symbole pour la droite du dérapage budgétaire des dernières années de gouvernements macronistes; ou encore la large part réservée au parti macroniste Renaissance dans la répartition du gouvernement (10 ministres, contre 4 à LR).
Plusieurs cadres du camp présidentiel envisageaient également, dès dimanche soir, l’hypothèse de voir la droite sortir du gouvernement. Les oppositions d’extrême droite (Rassemblement national, RN) et de gauche (notamment LFI, gauche radicale) fustigeaient quant à eux un gouvernement dont 12 des 18 membres étaient déjà dans l’équipe précédente, renversée début septembre.
Lire aussi | Tout comprendre à la crise politique en France
Des appels à la dissolution et à la démission
Dans la foulée de l’annonce de la démission, le président du RN, Jordan Bardella, a appelé le chef d’Etat français à dissoudre l’Assemblée nationale. «Il ne peut y avoir de stabilité retrouvée sans un retour aux urnes et sans la dissolution de l’Assemblée nationale», a-t-il réagi en arrivant au siège de son parti.
Le vice-président des Républicains, François-Xavier Bellamy, a affirmé que son parti n’avait rien «à redouter (…) d’une dissolution», excluant toute responsabilité de LR si Emmanuel Macron devait convoquer des législatives anticipées. Il a, en outre, rappelé que son parti a connu plusieurs succès ces derniers mois lors de législatives partielles. LR ne pouvait «offrir un dernier tour de piste»à la macronie, a-t-il ajouté.
La France insoumise demande, quant à elle, «l’examen immédiat» à l’Assemblée nationale de sa motion de destitution du président Emmanuel Macron, a indiqué Jean-Luc Mélenchon. «Après la démission de Sébastien Lecornu, nous demandons l’examen immédiat de la motion déposée par 104 députés pour la destitution d’Emmanuel Macron», a insisté le leader de LFI.
Cette motion de destitution a été signée par les députés insoumis, mais aussi par des députés des groupes écologistes et communistes.
Un pays plongé dans l’instabilité
La balle est désormais dans le camp du président Emmanuel Macron, omniprésent sur la scène internationale, mais qui voit sa ligne politique sombrer dans le chaos sur la scène intérieure. Pour beaucoup, il est le responsable de l’instabilité qui ronge la France depuis juin 2024.
Depuis sa décision de dissoudre l’Assemblée dans la foulée des élections européennes, l’hémicycle est fracturé en trois blocs (alliance de gauche/macronistes et centristes/extrême droite). Aucun ne dispose de la majorité absolue.
Trois ministres, Michel Barnier (septembre – décembre 2024), François Bayrou (décembre 2024 – septembre 2025), et désormais Sébastien Lecornu (nommé le 9 septembre), se sont heurtés à cette équation insoluble, qui se double d’une situation financière désastreuse avec une dette de 3.300 milliards d’euros, représentant 115% du PIB.
Pas de gouvernement sans la gauche
Nul ne pourra gouverner «en faisant l’économie de la gauche», a affirmé la ministre de la Transition écologique du gouvernement démissionnaire, Agnès Pannier-Runacher.
«À ceux qui pensent encore que l’on pourrait gouverner en faisant l’économie de la gauche, je dis: vous vous trompez. On ne peut pas avancer sans envoyer des signaux forts, sans tendre la main à ceux qui, malgré nos différences, partagent une même exigence: celle de servir la France et les Français», a écrit la ministre macroniste.