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Faut-il interdire la fessée ? La France relance le débat

Le Vif

Faut-il interdire les fessées, tapes ou gifles données aux enfants ? La question, sensible et récurrente, fera débat jeudi à l’Assemblée entre les opposants aux « violences éducatives ordinaires » et ceux qui voient dans leur interdiction une atteinte à la liberté des parents.

Le MoDem, soutenu par le gouvernement, LREM et des élus d’autres groupes, présente dans la soirée une proposition de loi à la portée largement symbolique, mais qui relance une controverse toujours vive sur les châtiments corporels en France, où le proverbe « qui aime bien châtie bien » a toujours ses partisans.

Selon la Fondation pour l’Enfance, 85% des parents français ont recours à des violences dites éducatives. La proposition MoDem réclame au gouvernement un « état des lieux » sur le sujet avant septembre 2019.

Les tenants de l’interdiction mettent notamment en avant, études à l’appui, les conséquences sur la santé physique et mentale des enfants.

Examiné en première lecture, le texte ne prévoit pas de nouvelles sanctions pénales car elles existent déjà, et a une « visée pédagogique », de l’aveu même de la rapporteure centriste Maud Petit.

Il s’agit d’inscrire dans le Code civil, à l’article lu lors des mariages, que « les titulaires de l’autorité parentale l’exercent sans violence » et qu' »ils ne doivent pas user à l’encontre de l’enfant de moyens tels que la violence physique, verbale ou psychologique, les châtiments corporels ou l’humiliation ».

Cela permettra, a expliqué la rapporteure, de « mettre un terme définitif à la possibilité pour les juges de reconnaître un droit de correction hérité du XIXe siècle qui n’a pourtant aucune existence en droit pénal ».

L’interdiction formelle permettrait également à la France d’être « en conformité avec les traités internationaux », alors que le pays a été épinglé à plusieurs reprises sur ce sujet, par le Conseil de l’Europe en 2015 ou le comité des enfants de l’ONU l’année suivante.

La France deviendrait ainsi le 55e État à interdire totalement les châtiments corporels, selon l' »Initiative mondiale pour mettre un terme à tous les châtiments corporels sur les enfants », une ONG basée à Londres. La Suède avait légiféré sur le sujet dès 1979.

« Sourires narquois »

Ce n’est pas la première tentative: après plusieurs textes inaboutis, la mesure avait été inscrite dans la loi « Égalité et citoyenneté », mais avait été censurée en janvier 2017 au motif qu’il s’agissait d’un « cavalier législatif », c’est-à-dire sans rapport avec l’objet du projet de loi.

Outre le soutien du gouvernement, le texte MoDem a l’appui de différentes organisations (Fondation pour l’Enfance, Association STOP VEO…) ou du Défenseur des droits, Jacques Toubon qui a défendu « un signal politique fort » afin de changer les mentalités.

Mais dès les débats en commission, des élus de droite et d’extrême droite ont dénoncé une « ingérence » dans la vie des familles et l' »ineptie », voire le « ridicule » de la proposition. Des élues d’extrême droite ont déposé des amendements pour supprimer les deux articles du texte, dans lequel l’eurodéputé RN Nicolas Bay a vu jeudi « une grosse erreur politique » en confondant « la fessée éducative avec la violence physique ».

Julien Dive (LR) a aussi pointé « l’ironie de l’histoire » de voir ce texte porté par un parti dont le président, François Bayrou, avait giflé un enfant pendant la campagne présidentielle de 2002.

La rapporteure lui a rétorqué que cet enfant, qui avait tenté de faire les poches du leader centriste, était « devenu délinquant ». « Donc CQFD, au MoDem nous avons testé la gifle, nous avons constaté que ça ne marche pas! », avait-elle lancé dans un « clin d’oeil ».

Reste que pour Jean-Christophe Lagarde (UDI-Agir), la proposition sera « vide d’effet, sinon vide de sens », même si elle sera « très médiatiquement ressentie ».

En face, le patron du groupe MoDem Patrick Mignola se dit « stupéfait que ce sujet soit aujourd’hui encore à ce point caricaturé ». « A tous ceux qui voudraient ironiser sur le sujet, je les renvoie à ce qu’étaient les violences faites aux femmes il y a une décennie qui étaient accueillies avec les mêmes sourires narquois ».

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