Gérald Papy

C’est la hess par Gérald Papy: l’autre plafond de verre de Le Pen (chronique)

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’échec du RN au premier tour des régionales interroge sa stratégie de fond, la dédiabolisation.

Parmi les enseignements à tirer du premier tour des élections régionales en France, il en est un qui défie les règles traditionnelles de la politique. Le Rassemblement national, ex-Front national, était réputé avoir une base de sympathisants prompte à se mobiliser lors des rendez-vous électoraux, plus en tout cas que dans d’autres formations handicapées par une certaine lassitude de leurs partisans face à l’exercice démocratique. Les élections régionales du 20 juin ont démenti cette ligne de force. L’importante, inquiétante et inédite (dans son ampleur, 66,7%) abstention enregistrée lors du premier tour a touché prioritairement le parti de Marine Le Pen. Résultat: donné vainqueur dans six des treize régions métropolitaines, le RN n’arrive en tête que dans une seule, la Provence-Alpes-Côte d’Azur.

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Ce fait politique qui explique en partie l’échec de l’extrême droite lors de ces élections régionales conduit à un constat. Le Rassemblement national est bien devenu le parti des classes populaires. Comme la désertion des bureaux de vote a été en priorité observée dans cette catégorie de la population et parmi les jeunes, il était logique que les troupes de Marine Le Pen en pâtissent le plus. Cette désaffection a d’ailleurs inspiré à la cheffe du parti une réaction courroucée. Elle a exhorté ses électeurs à « prendre cinq minutes de (leur) temps pour faire entendre la voix du peuple, ce peuple qui souffre, qui aspire au renouveau ». Pas sûr, cependant, que pour une population souffrante, l’admonestation sous forme d’engueulade aura été la meilleure médication pour retrouver le chemin des bureaux de vote, le dimanche 27 juin.

La faible participation à ce scrutin n’est en effet pas la seule explication au recul de l’extrême droite française. La responsabilité de celui-ci ne repose pas uniquement sur les flemmards de la démocratie. Et le Rassemblement national devrait sans doute procéder à quelques introspections sur sa stratégie. En l’occurrence, ses dirigeants et ses candidats ont mis à l’avant-plan de la campagne des régionales les thèmes de la sécurité et de l’immigration, pourtant étrangers au champ de compétences des régions. L’artifice censé amener les débats sur les terrains de prédilection de l’extrême droite a ajouté un peu plus de confusion dans l’esprit des électeurs, déjà perturbés par l’amalgame fait avec les enjeux de la présidentielle rapprochée de 2022.

Ensuite et surtout, l’échec du Rassemblement national interroge sa stratégie de fond. La dédiabolisation voulue et mise en oeuvre par Marine Le Pen depuis son accession à la tête de celui-ci n’a-t-elle pas atteint ses limites lors de ces régionales? A force de lisser son discours au plan national sur l’économie, sur l’Europe et de ne plus être transgressive que sur la sécurité et l’immigration, la formation d’extrême droite ne s’est-elle pas normalisée au point de faire figure, somme toute, de parti comme les autres et d’être in fine victime, comme les autres, de la défiance générale à l’égard du personnel politique? Après avoir connu le plafond de verre de la progression contenue de l’extrême droite dans une démocratie occidentale, le RN serait donc entravé sur sa « gauche » par le plafond de verre des limites de sa « transformation » en parti de la droite républicaine. L’élection présidentielle de 2022 dira si ce constat d’un double endiguement du Rassemblement national est confirmé ou démenti.

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