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1000km de murs dans l’UE depuis la chute du mur de Berlin (infographie)

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Dans un nouveau rapport publié par l’organisation Transnational Institute, on révèle que les États membres de l’Union européenne et de l’espace Schengen ont fait construire près de 1000km de murailles aux frontières. Soit, l’équivalent de plus de six fois la taille du mur de Berlin.

Le 9 novembre 1989, le tristement célèbre mur de Berlin est tombé : un événement qui marque la fin d’une séparation de l’Europe en deux camps. La disparition de ce que l’on surnomma « le mur de la honte » mène alors à de nouveaux espoirs d’ouverture et de coopération au-delà des frontières. Et pourtant, 30 ans plus tard, un mouvement inverse semble se produire : de nouveaux murs sont érigés – toujours plus longs et plus grands -, et les idéologies anti-migratoires gagnent du terrain.

Un rapport récemment publié met en lumière l’émergence de ces murailles. La plaie est profonde : l’ensemble de ces frontières physiques mesurerait près de 1000 kilomètres de long. Depuis 1990, on serait ainsi passé en Europe de 2 à 14 murs, dans le seul but de ralentir ou d’empêcher l’arrivée des migrants sur le territoire européen. À ces remparts de pierres ou de briques (ou même de barbelés) viennent s’ajouter les murs « maritimes », les murs « virtuels » et les murs « idéologiques ».

La question migratoire et les fondements de l’ « Europe forteresse »

L’année 2015 a été marquée par une crise migratoire : « Nous avons connu un quadruplement du nombre de demandeurs d’asile en Europe« , annonce le Centre national de coopération au développement. À l’origine de ce flux de personnes : une dégradation de la situation dans des pays en guerre, comme la Syrie. La réponse de nombreux pays européens face à ces flux migratoires : militarisme, contrôle et surveillance.

L’Europe n’a pourtant pas toujours fermé ses portes aux migrants : rappelons-nous des alliances signées dans l’après-guerre entre l’Italie et la Belgique par exemple, ou encore le Maroc et la Turquie, afin d’échanger de la main-d’oeuvre et reconstruire les nations brisées par la guerre. Entretemps, l’économie ralentit suite au choc pétrolier de 1973 et les pays européens décident alors de fermer les vannes migratoires – ces politiques anti-migratoires étaient à ce moment-là exclusivement nationales.

Lors de la création de l’espace Schengen en 1985, les mentalités commencent doucement à changer et les anciennes frontières internes disparaissent. L’espace Schengen encourage en effet le libre-échange et la libre-circulation entre presque tous les pays européens. Cette ouverture interne a des conséquences internationales puisqu’elle entraîne la fermeture des frontières externes. La volonté d’éviter à tout prix les migrations entre l’UE et le voisinage devient une véritable obsession.

Ces réactions, que certains qualifieront de « xénophobes », n’ont fait que se multiplier depuis les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, annonce le CNCD. Cet événement a en effet transformé les politiques européennes, autrefois axées sur un agenda social, en des politiques tournées vers la sécurité. Les migrations et les mouvements de personnes sont depuis considérés comme des menaces à la sécurité de l’État.

Cloisons aux frontières

Outre l’augmentation des contrôles et de la surveillance aux frontières, la construction de remparts physiques s’est avérée l’une des réponses les plus courantes depuis 2015 pour « lutter » contre la migration. Cette année-là, le nombre de murs en Europe est passé de 5 à 12.

Selon le rapport de la Transnational Institute, 9 des 28 États membres sont les auteurs de ces nouvelles « fortifications » : l’Espagne, la Grèce, la Hongrie, la Bulgarie, l’Autriche, le Royaume-Uni, la Lettonie, l’Estonie et la Lituanie. À l’exception de la Bulgarie et du Royaume-Uni, tous font partie de l’espace Schengen. La Norvège, non membre de l’Union européenne, mais appartenant à l’espace Schengen, a elle aussi construit un mur. Un autre pays, la Slovaquie, a quant à lui perpétué l’ancienne tradition anti-migratoire nationale en faisant bâtir des murs intérieurs pour la ségrégation raciale. Au total, on comptabilise 14 murs dans l’Union européenne et l’espace Schengen.

Des navires de surveillance …

Il n’y a pas que les frontières terrestres qui sont passées au crible, l’environnement maritime est également soumis à des contrôles, en particulier la Méditerranée. La mer fournit parfois plus de barrières en raison de la dangerosité de la traversée que vivent les migrants.

Actuellement, huit opérations maritimes majeures sont menées dans les océans européens : Mare Nostrum, Poséidon, Hera, Andale, Minerve, Hermès, Triton et Sophia. L’analyse rapporte que malgré les risques pris par les migrants et les nombreux morts, aucune de ces opérations n’a le mandat exclusif de sauver des personnes. Leur objectif : lutter contre la criminalité dans les zones frontalières. Seule l’une d’entre elles, Mare Nostrum, possédait des organisations humanitaires dans sa flotte, mais elle a été en partie remplacée par l’opération « Triton » de Frontex chargée de poursuivre les auteurs de crimes liés aux frontières.

… et des murs « virtuels »

Il existe également un nombre croissant de murs « virtuels » visant à contrôler et surveiller les déplacements. 2013 marque la naissance et l’expansion de plusieurs programmes informatiques dont l’objectif est de limiter les mouvements de populations et collecter des données biométriques, tel que VIS (le Système d’information sur les visas), SIS II (le Système d’information Schengen) ou le RTP (programme européen d’enregistrement des voyageurs).

Les informations ainsi récoltées sont immédiatement stockées dans la base de données EURODAC, mise en place dans l’Union européenne. Dotée d’un système de reconnaissance d’empreintes digitales, cette base de données a pour objet de déterminer l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile.

Toutes ces mesures portent préjudice autant aux migrants qu’aux pays européens, estiment les auteurs du rapport. « Ces mesures conduisent les réfugiés et les personnes déplacées à être traités comme des criminels « , déclare notamment Ainhoa Ruiz Benedicto, chercheuse au Centre Delàs et co-auteur de l’étude. « En fin de compte, cela nuira également à ceux qui les construisent, car cela crée une forteresse dans laquelle personne ne veut vivre. Plutôt que de construire des murs, l’Europe devrait investir pour mettre fin aux guerres et à la pauvreté qui alimentent les migrations « , conclutNick Buxton, chercheur à l’Institut transnational et rédacteur en chef.

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