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« Elle est encore jeune et belle, on peut la donner pour rien »

Wided Bouchrika
Wided Bouchrika Journaliste free-lance

 » Il avait peur que je sois mariée à un autre et c’est pour cela qu’il m’a fait ça « . Une jeune fille explique pourquoi elle a été violée à 14 ans par un garçon de sa classe.  » Il y a une épidémie de mariages d’enfants au Bangadesh  » ressort-il d’un rapport d’Human Rights Watch.

La maltraitance sexuelle touche tous les milieux. Ceux qui sont nantis marient leurs filles très jeunes par peur du viol et ceux qui sont pauvres le font pour des raisons financières. « Je n’ai pas assez d’argent pour nourrir les filles. De cette façon c’est moi qui détermine quand elles se marient » précise Fatima, mère de cinq filles.

29 % de la population s’est mariée avant ses 15 ans

Les mariages d’enfants sont illégaux depuis 1929 et l’âge minimum pour convoler dans ce pays est de 18 ans pour les filles et 21 pour les hommes. Pourtant 29 % de la population se marie avant ses quinze ans. L’un des plus hauts pourcentages au monde selon Unicef. 2 % des filles se marient même avant leur onze ans.

L’association Human Rights Watch se bat pour que les autorités du Bangladesh mettent fin aux mariages d’enfants. Mais au lieu de cela, ces dernières prennent des mesures qui iraient plutôt dans le sens inverse. Après avoir juré qu’il mettrait fin à ces mariages d’enfant pour 2041, le premier ministre a proposé d’abaisser l’âge minimal pour les filles à 16 ans. Pourtant c’est presque anecdotique tant on ne peut pas dire que la limite d’âge empêche la pratique. Avec la complicité des autorités locales, ces mariages d’enfants perdurent. Toujours selon l’association, il est urgent que les autorités bangladaises réagissent sous peine de perdre encore une nouvelle génération de femmes.

Les catastrophes climatiques renforcent le phénomène

Le Bangladesh est souvent victime de catastrophes naturelles ce qui accrut les risques pour les jeunes filles. Leurs familles sont plongées dans la pauvreté ce qui les pousse à marier leurs filles très jeunes. Sultana raconte que c’est lorsque « la terre de mon père et sa maison furent englouties par les flots, qu’ils ont décidé de me marier ». Sultana avait alors 14 ans. Aujourd’hui âgée de 16 ans, elle est enceinte de 7 mois. Les parents Azima lui ont pour leur part expliqué que la région s’érode. « Si la rivière emporte notre maison, il sera très difficile de te marier. Alors c’est mieux de le faire maintenant ». Elle avait treize ans.

Le dossier de 134 pages d’Human Rights Watch est réalisé à partir d’une centaine de témoignages récoltés dans tout le pays. Ce sont principalement des jeunes filles mariées qui n’ont parfois pas dix ans. « Mon oncle m’avait promis d’appeler la police si ma famille me mariait », se rappelle Ruhana. Elle avait douze ans. « Mais mes parents ont supplié mon oncle en argumentant que j’étais encore jeune et belle et qu’il pouvait me donner pour rien. En précisant que si la police intervenait ils auraient des problèmes lorsqu’elle sera plus âgée. » « Avec des filles plus âgées, la dote est en effet une obligation » précise Asma à HRW. Ses trois filles adolescentes ont été mariées à leur 14e, 15e et 16e anniversaire.

Une fille ne se marie pas deux fois

Hafsa s’est mariée à ses douze ans. Sa famille n’a, du coup, pas dû prévoir de dote. Lorsque son mari la congédie parce que sa mère ne la trouvait pas assez bien, c’est pire encore. « J’ai supplié mon mari à genoux pour qu’il me reprenne, mais il n’a rien voulu entendre. Pour une fille, la maison de sa belle-famille est son second foyer. Je voulais y retourner. Une fille ne se marie pas deux fois. Je n’avais pas d’autre choix. »

Celles qui ne sont pas tout bonnement congédiées courent le risque d’être maltraité par leur mari. « Il m’a attaché les mains et les pieds avant de me mettre dans un sac », se rappelle Rashida de l’homme qu’elle a épousé vers 10 ou 11 ans. « Il a dit qu’il voulait me tuer à coup de machette et jeter mon corps dans la rivière. »

Pour tenter d’enrayer le phénomène, le rapport conclut qu’il est primordial de faire davantage pour maintenir les filles à l’école. Et ce pour soutenir celles qui risquent le mariage forcé et éviter les maltraitances sexuelles.

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