Franklin Dehousse

Elections françaises: Macron, pour l’Europe (chronique)

Franklin Dehousse Professeur à l'ULiège

On ne peut contester à Macron un impressionnant bilan européen.

Chaque élection dans un Etat membre comporte un enjeu collectif pour l’Union européenne. Cela vaut spécialement dans les grands Etats, car ils y disposent d’une plus forte capacité d’influence. A cet égard, au milieu d’une multitude de crises simultanées (climat, guerre en Ukraine, pandémie et déstabilisation socio-économique), les élections françaises (notons le pluriel) présentent un caractère crucial pour tous les Européens.

Jusqu’ici, Emmanuel Macron survole un paysage politique très éclaté et immensément médiocre. Marine Le Pen et Eric Zemmour se révèlent simplement incapables d’exercer la fonction présidentielle. Valérie Pécresse et Anne Hidalgo apparaissent comme des créatures robotiques débitant sans la moindre conviction les messages de leurs consultants, Jean-Luc Mélenchon comme un obsédé de son image messianique. Revoir les débats télévisés entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand de 1974 et 1981 permet de mesurer l’incroyable dégénérescence du personnel politique français – qui touche tout le monde occidental.

Certes, Emmanuel Macron ne manque pas de défauts. Narcissique (mais qui ne l’a été à l’Elysée depuis 1958?), dépourvu de fibre sociale et environnementale (ce qui pourrait provoquer des mouvements forts après sa réélection), incapable d’esprit d’équipe (ce qui explique l’état calamiteux de son parti), le président français est un orateur quelconque (trop nombriliste, trop ampoulé et trop long), même s’il est, en revanche, un remarquable débatteur. Par contre, on ne peut lui contester un certain bilan économique, une indéniable capacité de gestion de crise, l’opiniâtreté dans la défense de ses idées, et un impressionnant bilan européen. En synthèse, plus de cohérence que Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande.

Le bilan européen, particulièrement, frappe. Sans Macron, il n’y aurait certainement pas eu d’emprunt européen, de programme commun de relance économique, de réponse européenne sur le coronavirus, ni de relance du débat sur la capacité militaire européenne. Il suffit d’imaginer trente secondes Marine Le Pen, François Fillon ou Jean-Luc Mélenchon à l’Elysée en 2017 pour s’en convaincre. Si les crises ont aidé, il fallait un acharnement persistant, et souvent solitaire, pour remuer une Europe à moitié fossilisée par le « leadership » immobile de Merkel.

Le président français manque encore d’un agenda institutionnel, sans lequel ses propositions ambitieuses n’ont aucune chance de voir le jour. Là réside d’ailleurs la faiblesse endémique de la France depuis 1958. La pensée de Jean Monnet a toujours rencontré des résistances à Paris. Pour le reste, aucun président français depuis Mitterrand n’a autant contribué à l’avancée de l’intégration européenne. Et il déteint singulièrement dans un Conseil européen où les chefs de gouvernement sombrent dans une communication simpliste qui ne vise qu’à leur reconduction et ne prend en compte aucun enjeu à long terme.

Certes, le président Macron n’est pas parfait. On espère toutefois que nos voisins français, obnubilés par des fantasmes divers, ne suivront pas les Américains. Ceux-ci, à force de trouver Hillary Clinton trop technocratique, trop arrogante ou trop opportuniste, se sont retrouvés avec Donald Trump. Le prix a été colossal. On peut toujours trouver pire. Ce n’est pas l’intérêt de la France, et encore moins celui des Européens, qui entrent dans une période extrêmement dangereuse pour la survie de l’Union.

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