L'ex-président islamiste égyptien Mohamed Morsi, destitué par l'armée en 2013. © REUTERS/Stringer

Egypte: l’ex-président Mohamed Morsi condamné à mort

L’ex-président islamiste égyptien Mohamed Morsi, destitué par l’armée en 2013, a été condamné à mort en première instance samedi pour des évasions de prison et des violences durant la révolte populaire de 2011.

Une centaine d’autres hommes et une femme, dont des dirigeants éminents de sa confrérie des Frères musulmans, ont également écopé de la peine capitale qui doit, pour tous les accusés, recueillir l’avis, non contraignant, du mufti d’Egypte avant d’être confirmée ou infirmée le 2 juin.

Mohamed Morsi, premier président jamais élu démocratiquement en Egypte, peut faire appel. Il avait déjà été condamné à 20 ans de prison il y a trois semaines dans un premier procès pour des violences contre des manifestants durant sa courte mandature d’un an.

Le tribunal qui le jugeait au Caire devait prononcer les verdicts dans deux procès: le premier concernant Mohamed Morsi et 128 co-accusés, dont des membres des Frères musulmans, du Hamas palestinien et du Hezbollah libanais, pour des évasions massives de prison suivies de violences pendant la révolte populaire de 2011 ayant chassé le président Hosni Moubarak du pouvoir; le second pour espionnage, de 2005 à 2013, notamment au profit du Hamas, du Hezbollah et de l’Iran. Dans ce second procès, l’ex-président égyptien, qui comparaissait souriant dans une cage insonorisée, a échappé à la peine capitale, dont ont écopé 16 accusés.

Morsi, président « marionnette » des Frères musulmans

L’islamiste Mohamed Morsi, premier président élu démocratiquement en Egypte en 2011 et condamné à mort samedi en première instance, moins de deux ans après sa destitution par l’armée, était considéré comme une marionnette aux mains des Frères musulmans alors au pouvoir.

Ingénieur de 64 ans, M. Morsi fut le premier civil élu à la tête de l’Egypte. Issu d’une famille d’agriculteurs, il s’était affiché lors de la présidentielle de 2012 comme le garant des idéaux démocratiques de la révolte de 2011, déclenchée par la jeunesse libérale et laïque, mais à laquelle les Frères s’étaient ralliés, par opportunisme selon leurs détracteurs.

Il avait été surnommé « la roue de secours », remplaçant de dernière minute du premier choix des Frères musulmans, l’homme d’affaires Khairat al-Chater, inéligible, mais avait remporté le scrutin, de justesse, face à un cacique du régime Moubarak.

Les manières simples et l’air affable de Mohamed Morsi, marié et père de cinq enfants, avaient contribué à un certain état de grâce durant ses premiers mois de présidence.

Puis il s’est rapidement attiré les foudres d’une grande partie de la population qui l’accusait d’être une « marionnette » aux mains des Frères en les aidant à accaparer tous les pouvoirs, tout en étant incapable de rétablir la sécurité ou de relancer une économie à genoux.

Dans un pays sous la férule de l’armée depuis des décennies, les pro-Morsi soulignent qu’il a tenté d’évincer les militaires des principaux rouages de l’Etat, ce qui a causé sa perte.

« Il était perçu comme la marionnette des Frères, dont il a placé des éléments à des postes-clés de l’administration, ce qui a irrité la bureaucratie au sommet et la population », estime Moustapha Kamel al-Sayyid, politologue.

Les crises se sont succédées, et un an après son élection, le 30 juin 2013, des millions d’Egyptiens sont descendus dans la rue pour réclamer son départ.

Son tombeur, l’ex-chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, a invoqué ce mouvement pour justifier la destitution de Mohamed Morsi trois jours plus tard et lancer une sanglante répression contre ses partisans.

Policiers et soldats ont tué plus de 1.400 manifestants pro-Morsi en quelques mois. Des centaines ont été condamnés à mort, dans des procès de masse expéditifs, qualifiés par l’ONU de « sans précédent dans l’Histoire récente » du monde.

Mohamed Morsi peut faire appel du verdict de mardi mais, dans trois des quatre autres procès qui lui sont intentés, il encourt la peine capitale, pour espionnage et évasion de prison durant la révolte de 2011.

Elu député « indépendant » de 2000 à 2005, ce technocrate a gravi les échelons des Frères musulmans sans se faire particulièrement remarquer.

Emprisonné en 2006 pendant sept mois, il est brièvement incarcéré durant le soulèvement contre Moubarak. Après la révolte, il prend la tête du parti de la Liberté et de la Justice, vitrine politique des Frères.

Aujourd’hui, ses détracteurs retiennent ses discours interminables souvent inintelligibles et ses maladresses et gaffes protocolaires lors des rencontres avec des chefs d’Etat.

Au cours de ses procès, il apparaît dans le box des accusés derrière des parois en verre insonorisées pour empêcher ses diatribes: il ne cesse, prenant un air martial un peu forcé, de se présenter comme le président victime d’un « coup d’Etat » militaire.

Contenu partenaire