Un F16 belge © BELGA

Deux questions embarrassantes à ceux qui envoient des F16 belges contre l’État islamique

Wided Bouchrika
Wided Bouchrika Journaliste free-lance

La Belgique a décidé d’envoyer des F16 en Irak pour lutter contre l’État islamique. Il est en effet devenu inévitable d’intervenir, mais ne participons-nous pas à une aventure sans perspective d’avenir ? Deux questions embarrassantes aux membres de la Chambre qui ont voté pour la participation belge à la campagne contre l’EI.

Pourquoi la communauté internationale accepte-t-elle si facilement d’intervenir contre l’EI et ne pouvait-elle pas le faire contre le régime sanglant d’Assad qui a coûté la vie à des milliers de personnes, qui a utilisé des armes chimiques et fait fuir des millions de gens ?

On ne jugeait pas opportun d’intervenir. Il n’y avait « pas d’intérêts ». En outre, les forces armées d’Assad en Syrie étaient considérées comme trop fortes, davantage qu’en Libye où les troupes contre Mouammar Kadhafi ont été rapidement affaiblies et dispersées sur le gigantesque territoire. Une guerre contre le leader syrien aurait été difficile, si pas impossible, à gagner. Et personne ne souhaitait revivre le même scénario qu’en Irak.

Le chaos

On a également entendu que l’opposition était divisée. On craignait qu’après Assad la Syrie se transforme en vide. Et qui sait qui prendrait le pouvoir ? Personne ne souhaitait causer encore plus de chaos qui contaminerait également les pays voisins.

Non, les États-Unis voulaient laisser les choses suivre leur cours. « Les derniers jours du régime sont comptés » a-t-on entendu en 2012. « Le dictateur tombera, comme les dictateurs précédents » a déclaré le président Barack Obama.

Le soutien aux adversaires d’Assad n’est donc pas venu d’Occident, mais d’ailleurs: des combattants syriens du monde entier sont entrés dans le pays. L’Arabie saoudite, qui est sunnite, a également soutenu les rebelles en leur procurant de l’argent et des armes. De l’autre le Hezbollah chiite a procuré de bons offices à Assad. Et c’est ainsi qu’est arrivé ce que l’Occident souhaitait éviter : la menace de voir les fondamentalistes encore plus dangereux de l’EI à la place d’Assad et la scission entre les chiites et les sunnites. Cela peut sembler cynique, mais l’EI a réussi là où nous avons échoué. Ils ont organisé une coalition internationale contre Assad avant nous. Seulement, ce n’est pas notre coalition.

Comme l’Occident n’intervient que maintenant, nous risquons de créer l’image d’une lutte entre l’Occident et l’islam, une association qui doit être absolument évitée si nous ne voulons pas grandir l’EI. En perpétuant cette image, nous sommes en train de nous faire prendre au piège du mouvement terroriste.

En participant à une coalition occidentale, nous créons également l’image d’une politique occidentale inconsistante au Moyen-Orient. L’OTAN est intervenue en Libye, mais pas en Syrie. On a laissé Assad en grande partie en paix alors que l’EI est attaqué de toute part.

Cette inconsistance mine la confiance en l’Occident dans la région. Pourtant, on perpétue simplement la tendance : car même si on pourrait penser que trois ans suffisent à élaborer une stratégie, on peut parler d’une intervention hâtive et apparemment sans stratégie en Irak. L’EI s’alimente de ce sentiment de méfiance.

À l’heure actuelle, une intervention est effectivement devenue inévitable. Assad était le problème, l’EI a apporté une solution au moins aussi problématique. Cependant nous devons éviter coûte que coûte une intervention sans perspective d’avenir.

C’est la raison pour laquelle ces deux questions sans réponse sont aussi embarrassantes: n’est-il pas trop tard pour nous sentir coupables? Et notre réaction ne nous donnera-t-elle pas encore davantage de sentiments de culpabilité ?

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