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Comprendre le scandale News of the World

Un scandale d’écoutes téléphoniques a contraint Rupert Murdoch à sacrifier le tabloïd News of the World. Et il songe à fermer ses autres titres britanniques. Jusqu’où s’étendra l’incendie, au sein de l’empire News Corp?

Le tabloïd News of the World a mis la clé sous la porte, emporté par le scandale des écoutes téléphoniques. Rupert Murdoch, le magnat des médias, perd le fleuron de son groupe News Corp au Royaume-Uni, et songe à fermer ses autres titres britanniques, alors que les Etats-Unis pourraient enquêter sur les pratiques des titres américains du groupe.

Ecoutes téléphoniques: trop c’est trop!

Les pratiques douteuses du News of the World (NotW) n’ont pas été découvertes la semaine dernière. Le tabloïd était déjà visé par une vaste enquête, lancée en 2005, sur le piratage de messageries de stars et de membres de la famille royale. Le Telegraph et la BBC en ont établi une chronologie.

Mais une enquête du Guardian a relancé l’affaire, début juillet. Le quotidien britannique a démontré que le tabloïd avait franchi une ligne jaune et macabre: un détective privé engagé pour enquêter sur la disparition d’une adolescente de 13 ans, en mars 2002, a piraté sa messagerie téléphonique, alors qu’elle était déjà morte.

Dans la foulée, les Britanniques horrifiés ont découvert que le tabloïd avait aussi, par l’intermédiaire de détectives privés, piraté les messageries de proches de victimes de l’attentat de Londres en 2005, ou de familles de soldats tués en Irak ou en Afghanistan. La liste se complète de jour en jour, mais cette ébauche a suffi pour que NotW se saborde.

Les adieux d’un monument de presse

« Merci et adieu ». Cette Une, paru dimanche 10 juillet, sera la dernière pour le tabloïd vieux de 168 ans. Dans un éditorial couvrant une page entière, le NotW reconnaît « s’être perdu »… mais assure sans modestie avoir « fait l’Histoire ». Dans un dernier baroud d’honneur, NotW a réalisé un pot-pourri des plus gros succès qui ont fait de lui le journal à plus fort tirage du Royaume-Uni: « l’enfant caché » du tennisman Boris Becker; les affaires extra-maritales de tel évêque ou du footballeur David Beckham; la liste des « pervers sexuels » ayant purgé leur peine…

L’édition souvenir reste en vente en ligne jusqu’au 22 juillet. Les profits de cette édition quasi dépourvue de publicités, en raison du boycott d’annonceurs, seront reversés à des oeuvres caritatives.

Les visages du scandale

L’attention des médias britanniques se concentre sur le nom de plusieurs protagonistes de l’affaire. Certains (Murdoch père et fils, ainsi que Rebekah Brooks) sont priés par le Parlement de venir s’expliquer lors d’une audition devant la commission des médias, dont la dernière réunion est prévue le 19 juillet avant les vacances. La police pourrait les convoquer aussi, indique le Telegraph: ont-ils menti lors des enquêtes lors des précédents « épisodes » du scandale des écoutes? Le New York Times a réalisé une infographie complète.

Rupert Murdoch. Le tout-puissant patron du groupe transatlantique News Corp a fait le déplacement à Londres pour circonscrire l’incendie. Agé de 80 ans, le magnat australo-américain est à la tête d’un véritable empire. Le Parlement britannique veut l’entendre.

James Murdoch. Le fils du magnat dirige les opérations européennes et asiatiques de News Corp, et donc celles au Royaume-Uni, où la filiale est baptisée News International. Le Parlement lui demande aussi des comptes.

Andy Coulson. Ancien rédacteur en chef du NotW, il était devenu le directeur de la communication du Premier ministre David Cameron. Il a démissionné de ce poste en janvier et a été entendu dans le cadre de l’affaire des écoutes illégales. Il aurait autorisé des paiements à la police pour obtenir des informations quand il dirigeait la rédaction.

Rebekah Brooks. La directrice générale de News International nie fermement avoir cautionné ou même avoir été au courant du piratage de messageries au sein du tabloïd dont elle a été rédactrice en chef en 2000, avant de passer au Sun en 2003. Elle a démissionné vendredi matin. Soutenue jusqu’à ce jour par son patron Rupert Murdoch, elle aurait déjà offert à deux reprises sa démission depuis la tempête qui s’est abattue sur le groupe il y a une semaine.

Glenn Mulcaire. Les affaires de ce détective auquel NotW déléguait ses basses oeuvres semblaient fructueuses: quelque 4000 personnes sont recensées dans ses carnets, donc susceptibles d’avoir vu leur vie privée espionnée. Il a été condamné à une peine de prison ferme après un premier scandale d’écoutes, en 2007.

Le scandale s’étend au Royaume-Uni

L’affaire fait tache d’huile, malgré la tentative de circonscrire l’incendie en fermant NotW. Mardi, l’ancien Premier ministre Gordon Brown a mis dans le même sac NotW et d’autres journaux nationaux de News International: le Sunday Times et le Sun (qui se défend, ce mercredi).

Après le « hacking » ou piratage, les Britanniques ont découvert le « blagging », au travers des accusations de Gordon Brown, qui se dit victime de pratiques « criminelles ». Cette technique de dissimulation et/ou d’usurpation d’identité aurait été utilisée par des journalistes, des détectives ou même des acteurs à leur solde, en vue d’obtenir des informations confidentielles. Au nombre des « blaggers » figureraient des « criminels ayant un casier judiciaire. »

Outre ces pratiques, contestables voire illégales, l’affaire s’étend sur le plan purement économique… L’action du groupe News Corp a perdu 14,6% entre la clôture du 5 juillet et celle de lundi soir. De nombreux annonceurs ont aussi décidé de suspendre leur campagne publicitaire, dissuadés par le déluge de révélations.

Eviter une contamination, notamment aux Etats-Unis

Débarqué dimanche des Etats-Unis, le magnat de 80 ans a convoqué une réunion de crise à son domicile londonien à son arrivée. Prêt à combattre, en première ligne. Après la fermeture de NotW, il multiplie les annonces pour contenir l’incendie qui couve, comme un programme de rachat d’actions de 5 milliards de dollars sur douze mois.

Et la possible cession des autres titres britanniques de son conglomérat reste une option. La publication qui évoque cette dernière piste, le Wall Street Journal, fait lui-même partie de l’empire Murdoch, via Dow Jones & Company racheté par News Corp en 2007. Rupert Murdoch cherche peut-être ainsi à protéger ses intérêts américains… alors même qu’un sénateur américain demande une enquête pour déterminer si le groupe a eu recours aux mêmes pratiques aux Etats-Unis.

La police fédérale américaine a lancé une enquête sur des écoutes téléphoniques présumées aux Etats-Unis menées par le groupe, a indiqué jeudi une porte-parole du FBI. « Nous sommes au courant des allégations (concernant des écoutes téléphoniques présumées, ndlr) et nous les examinons », a indiqué la porte-parole du FBI à New York.

Le Vif.be, avec L’Express.fr et Belga

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