Hans Achterhuis © Kick Smeets / HH

Cinq affirmations (in)sensées à propos du terrorisme

Le Vif

À la télévision et sur les réseaux sociaux, mais aussi au bureau et à la maison, les attentats font l’objet de débats houleux sur la faute, la cause et le rôle de la foi. À quel point les arguments entendus après chaque attentat de terroristes islamistes sont-ils valides ? Nous avons soumis une série d’affirmations au philosophe néerlandais Hans Achterhuis, spécialisé en violence, en politique et en religion.

Affirmation 1: « La foi n’a rien à avoir avec les attentats »

Pour Hans Achterhuis, cet argument est populaire auprès des croyants et des non-initiés. Ces derniers disent : « Ce n’est certainement pas le véritable islam, car dans le fond, la religion est pacifique ». Achterhuis ne partage pas cet avis.

« Le monothéisme – donc l’islam, le judaïsme et le christianisme – justifie bel et bien la violence. Évidemment, peu de musulmans interprètent le Coran comme le fait l’EI, mais on ne peut pas continuer à dire que l’EI ne comprend rien au Coran. Ils ont tout simplement un point de vue différent. Comparez le aux croisés chrétiens, on ne les trouve pas moins chrétiens non plus que les moines installés paisiblement dans leur cloître ? « On entend parfois qu’au siècle passé ce sont des athées comme Staline qui ont fait le plus de victimes. Mais pour moi, le communisme a justement repris la structure des religions monothéistes : l’idée qu’il y ait une vérité absolue. »

Affirmation 2: « L’Occident l’a cherché »

« L’Occident n’a pas demandé ces attentats. Mais il a créé une situation qui rend possible la violence. L’Occident fait évidemment la guerre au Moyen-Orient. Ce que les terroristes font maintenant, c’est déplacer la guerre vers des objectifs civils en Europe, une terrasse, une salle de concert. Ce n’est pas la première fois, et malheureusement la stratégie a souvent fonctionné. Après qu’un groupe de guérilla juif ait fait exploser un hôtel rempli de touristes innocents en 1946, les Britanniques se sont retirés de ce qui est à présent l’Israël. Les mouvements sud-américains soutenus par de nombreux intellectuels européens au siècle passé ont également visé des civils en toute conscience. »

En ce qui me concerne, ce n’est pas du tout la même chose de tuer des civiles innocentes par inadvertance lors de bombardements que d’ouvrir le feu volontairement sur des jeunes qui sortent. »

Affirmation 3: « On accorde moins d’attention aux attentats en dehors de l’Europe et c’est hypocrite »

« Hypocrite est un grand mot. On y a de la famille et des amis, on va parfois à Paris, on connaît des personnes qui auraient pu se trouver sur cette terrasse. C’est logique qu’on s’inquiète plus d’un attentat près de chez nous. Mais toute l’explication n’est pas là. Ce weekend, le JT NOS aux Pays-Bas s’est terminé par le rappel d’une série d’attentats, dont celui du 11 septembre, mais sans mentionner l’attentat très récent à Beyrouth alors que là aussi il y avait plus de 40 morts et 200 blessés. Là, je me suis dit : comment peut-on « oublier » l’attentat le plus récent. Les musulmans perçoivent ça à juste titre comme de l’hypocrisie. »

Affirmation 4: « On ne peut plus être naïfs, on doit agir implacablement »

« Quand on voit les images de Paris, on se dit effectivement: exterminons ces djihadistes. Pourtant, une approche implacable peut aussi se révéler naïve, par exemple si on néglige l’aspect religieux de ce conflit. Ces jeunes veulent être martyrs, donc plus on en liquide, plus il y en a qui s’ajoutent, il faut tenir compte de cet effet. À cet égard, il me semble que bombarder l’EI soit peu réfléchi tout comme l’approche très dure de djihadistes européens.

L’approche néerlandaise soft, qui prévient la radicalisation en gardant un lien avec les jeunes en situation de danger, semble plus réaliste.

Les Romains ont d’ailleurs commis la même erreur à l’égard des chrétiens : ils ne réalisaient pas que leur stratégie de persécution et d’extermination ne faisait que stimuler la propagation de la foi. »

Affirmation 5: « Le terroriste est pitoyable. Son comportement s’explique par la discrimination »

« Les terroristes musulmans ne sont pas pathétiques. Et même si leur environnement joue un rôle dans leur radicalisation, ce n’est pas une explication concluante de leur comportement, sinon beaucoup plus de jeunes de banlieue deviendraient terroristes.

« Cela n’empêche pas qu’il faut essayer de comprendre ce qui motive ces jeunes. C’est souvent un point sensible. Lorsque la philosophe juive Hannah Arendt a essayé de comprendre le bras droit d’Hitler, Adolf Eichmann, tout le monde s’est mis en colère. Pourtant, Arendt aussi trouvait qu’Eichmann méritait la peine de mort. Elle voulait comprendre le cerveau de l’Holocauste, pour mieux lutter contre les gens comme lui. »

(Leonie Breebaart/ Trouw)

Cet article est déjà paru le 19 novembre 2015.

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