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Cambodge: le drame de la bousculade en trois questions

Un mouvement de panique dans la capitale Phnom Penh, lors d’un festival populaire traditionnel, a fait 378 morts et 755 blessés.

Pourquoi y a-t-il eu autant de morts?

Pendant la Fête des Eaux, qui dure trois jours, la capitale Phnom Penh double sa population qui passe à 3 millions de personnes. Les provinciaux viennent en masse assister aux courses traditionnelles de pirogues sur le fleuve. Cette fête extrêmement populaire se déroule quand s’inverse le cours des eaux du fleuve Tonlé Sap, à la fin de la saison des pluies, un phénomène hydrographique quasi unique au monde. Elle marque aussi le début des récoltes de riz. Pendant ces trois jours, les Cambodgiens sortent en famille ou entre amis. Cette année, des concerts et une foire étaient notamment organisés sur la petite île de Koh Pich reliée au centre-ville par deux ponts. Au dernier jour de la fête, 500 000 personnes se sont rendues sur l’île, selon les autorités.

Le pont où a eu lieu le drame, large d’à peine 8 mètres, était ce soir-là traversé par une foule compacte. Dans la panique les corps se sont retrouvés agglutinés, enchevêtrés. Devant les images diffusées en boucle à la télé, un Phnompenhois les comparait à « un noeud humain ». Le dernier bilan officiel annoncé s’élève à 378 morts et plus de 755 blessés.

Où en est la recherche des responsabilités?

Le Premier ministre Hun Sen, intervenu à trois reprises à la télévision dans la nuit du drame, a exigé la mise en place d’une commission d’enquête. Les enquêteurs étaient à pied d’oeuvre dans les heures qui suivaient, sur le lieu de l’accident, et dans les hôpitaux, où ils interrogeaient les rescapés sur les causes de la bousculade.

Pour Yim Sovan, porte-parole du parti d’opposition Sam Rainsy, le problème majeur est que le pont, inauguré il y a quelques mois, n’était pas adapté: « Nous pensons qu’il s’agit là d’une grave erreur. Il n’y a qu’à voir l’étroitesse de l’entrée du pont pour comprendre qu’il est impossible pour une foule d’y circuler de manière fluide. » Il appelle à la démission des responsables et à la tenue d’une enquête réellement indépendante.

A ce jour, différentes hypothèses demeurent, étayées par les témoignages des rescapés: celle d’une double pression des promeneurs de chaque côté du pont ayant conduit à des évanouissements et à un mouvement de panique, ou celle d’une rumeur d’un effondrement du pont. La thèse de l’électrocution comme cause du drame a été écartée par le ministre de l’Information, Khieu Kanharith.

Les autorités ont-elles fait ce qu’il fallait ?

Les avis sont partagés. Yim Sovan pointe le manque d’équipements pour répondre à une telle situation d’urgence et regrette le retard des secours. Pourtant des policiers affirment avoir été sur place avant l’accident car des provocations entre jeunes avaient eu lieu près du pont. Par ailleurs une polémique a surgi sur l’arrosage au canon à eau des personnes évanouies sur le pont dans l’idée de leur donner de l’oxygène. Cette décision aurait, selon certains récits, amplifié la panique.

Des journaux étrangers établissent un rapport entre le nombre de victimes et le sous-développement du système de santé du Cambodge. Mais de nombreux témoins ayant assisté au ballet des ambulances et des camions ont rapporté avoir été surpris et impressionnés par l’organisation et l’efficacité des secours au regard des moyens disponibles, sur place comme dans les hôpitaux.

Ce débat n’est cependant pas celui qui préoccupe au premier plan les Cambodgiens. Ils veulent avant tout comprendre ce qui s’est passé pendant cette nuit du 22 novembre.

Anne-Laure Porée

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