Pour la première fois aux Etats-Unis, deux femmes étaient assises derrière Joe Biden: sa vice-présidente Kamala Harris et la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi. © BELGAIMAGE

Biden vante une Amérique retrouvée, défend réformes et justice sociale

Le Vif

Le président américain Joe Biden a dressé mercredi face au Congrès le tableau d’une Amérique de nouveau debout après une série de redoutables crises, et affiché sa volonté réformatrice, appelant les plus riches à « payer leur juste part ».

A la veille du cap symbolique de ses 100 jours de présidence, le locataire de la Maison Blanche a décliné son « Projet pour les familles américaines », d’un montant total de près de 2.000 milliards de dollars, qu’il entend financer par des hausses d’impôts.

Il a décrit un « pays en crise » à son arrivée au pouvoir: crise sanitaire et économique mais aussi l’assaut contre le Capitole du 6 janvier par des partisans de Donald Trump, « la pire attaque contre notre démocratie depuis la guerre de Sécession ». Mais il a aussi souligné le chemin parcouru.

« Après 100 jours, je peux le dire au pays: l’Amérique va de nouveau de l’avant », a-t-il lancé.

Pour la première fois dans l’Histoire, deux femmes avaient pris place derrière le président, dans le champ des caméras: Nancy Pelosi, présidente démocrate de la Chambre, et Kamala Harris, devenue en janvier la première femme à accéder à la vice-présidence.

« Il était temps! », a lancé le président américain, sous des applaudissements nourris, juste avant d’entamer son discours.

– Américains « oubliés » –

Se posant en défenseur de la classe moyenne, Joe Biden a vanté un gigantesque plan d’investissement visant à créer « des millions d’emplois » pour les Américains qui se sentent tenus à l’écart.

« Je sais que certains d’entre vous se demandent si ces emplois sont pour vous. Vous vous sentez abandonnés et oubliés dans une économie qui change rapidement », a déclaré M. Biden, dans une allusion à peine voilée à son prédécesseur Donald Trump qui se posait en champion des « oubliés ».

« Près de 90% des emplois dans les infrastructures (prévus dans son plan présenté le mois dernier) ne nécessitent pas de diplômes universitaires », a-t-il insisté.

Le plan, qui suscite déjà la colère des républicains, est ambitieux: 1.000 milliards d’investissements, en particulier dans l’éducation, et 800 milliards de réductions d’impôts pour la classe moyenne.

Pour le financer, le démocrate propose d’annuler les baisses d’impôts pour les plus riches votées sous Donald Trump, et d’augmenter les impôts sur les revenus du capital pour les 0,3% d’Américains les plus fortunés.

« Il est temps que les entreprises américaines et que les 1% d’Américains les plus riches commencent à payer leur juste part », a-t-il martelé.

Avec une promesse martelée sur tous les tons: aucun Américain gagnant moins de 400.000 dollars par an ne verra ses impôts augmenter.

Cette allocution marquait aussi le début d’un âpre combat au Congrès: si son plan de soutien à l’économie de 1.900 milliards de dollars a franchi l’obstacle sans véritable difficulté, les discussions sur ses gigantesques programmes d’investissement dans les infrastructures et l’éducation s’annoncent beaucoup plus houleuses.

– « Vision socialiste » –

A la tribune, le président démocrate a estimé que le plan de vaccination mis en place aux Etats-Unis contre le Covid-19 était « l’un des plus grands succès logistiques » de l’histoire du pays.

Plus de 96 millions de personnes, soit près de 30% de la population, sont considérées comme totalement vaccinées. Et, dans une décision chargée en symboles, les autorités sanitaires ont annoncé mardi que les Américains ayant reçu les piqûres salvatrices n’avaient désormais plus besoin de porter de masque en extérieur, sauf au milieu d’une foule.

Revenant sur un autre sujet de société brûlant, le président a appelé le Sénat à adopter dès mai un vaste projet de réforme de la police, à l’occasion de l’anniversaire de la mort de l’Afro-Américain George Floyd, sous le genou d’un policier blanc.

Sur le front diplomatique, Joe Biden a martelé sa fermeté vis-à-vis de Pékin et de Moscou, tout en disant prêt au dialogue.

Assurant ne pas « chercher le conflit avec la Chine », il a insisté sur le fait qu’il était « prêt à défendre les intérêts américains dans tous les domaines ».

Le sénateur républicain Ted Cruz a dénoncé la « vision socialiste » du président démocrate. Et offert en résumé en trois mots du discours présidentiel: « Ennuyeux mais radical ».

Si le discours présidentiel sur la colline du Capitole est un rituel qui rythme la vie politique américaine, celui de cette année s’est déroulé dans une atmosphère singulière, Covid-19 oblige.

– Pas de discours déchiré –

Seules quelque 200 personnes, contre plus de 1.600 habituellement, se sont retrouvées dans la prestigieuse enceinte de la Chambre des représentants pour y assister. Et les élus ont été priés cette année de présenter une liste d’invités « virtuels »…

John Roberts était le seul juge de la Cour suprême présent. Le chef de la diplomatie, Antony Blinken, et le chef du Pentagone, Lloyd Austin, étaient également sur place mais le reste du gouvernement a regardé le discours à la télévision.

Autre rupture avec la tradition: il n’a pas été nécessaire cette année de choisir un « designated survivor », un membre du gouvernement désigné chaque année pour ne pas assister au discours et qui reste dans un endroit tenu secret afin d’être en mesure de prendre les rênes du pouvoir en cas d’attaque visant le bâtiment.

« Je n’ai jamais été aussi confiant et optimiste pour l’Amérique », a conclu le 46e président de l’histoire, à l’issue d’un discours d’un peu plus d’une heure.

L’atmosphère était nettement moins tendue que lors de la dernière intervention de Donald Trump dans cette enceinte, en février 2020.

Avant le discours, il avait ostensiblement évité de serrer la main que lui tendait Nancy Pelosi. Une fois l’allocution terminée, cette dernière avait déchiré sa copie du discours d’un geste théâtral.

Deux femmes derrière Biden pour son discours au Congrès, une première

Pour la première fois aux Etats-Unis, deux femmes étaient assises derrière Joe Biden lors de son grand discours de politique générale au Congrès mercredi soir: sa vice-présidente Kamala Harris et la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi.

Une vision inédite qui accompagnait d’autres premières historiques.

Pour cause de pandémie, ce grand rendez-vous annuel de la politique américaine se faisait devant un auditoire très clairsemé, et masqué.

Le président des Etats-Unis se tenait dans l’hémicycle qu’avaient tenté de forcer des assaillants pro-Trump le 6 janvier. Un assaut meurtrier, sans précédent, qu’il a évoqué.

« Alors que nous nous rassemblons ici ce soir, les images d’une horde violente attaquant ce Capitole, souillant notre démocratie, restent vivaces dans tous nos esprits », a lancé Joe Biden aux parlementaires qui avaient dû, ce jour-là, fuir l’hémicycle, protégés par des masques à gaz.

« L’insurrection fut une crise existentielle, un test pour voir si notre démocratie survivrait. Et elle l’a fait », a-t-il ajouté vers la fin de son discours.

Il l’avait entamé en soulignant le caractère historique de la soirée:

« Madame Speaker, Madame la vice-présidente », avait-il lancé en direction de Nancy Pelosi et Kamala Harris, sous les applaudissements de la salle. « Aucun président n’a jamais dit ces mots. Il était temps. »

A 81 ans, la cheffe des démocrates au Congrès a déjà assisté, depuis le perchoir, à de nombreux discours présidentiels.

Elle y avait fait des étincelles en février 2020 en déchirant, devant les caméras, le discours sur l’état de l’Union que Donald Trump venait de prononcer.

Mais avec Kamala Harris pour la première fois à ses côtés, les deux femmes ont marqué les près de 245 ans d’histoire américaine.

Fille d’immigrés, d’origine indienne et jamaïcaine, l’ex-sénatrice et ancienne procureure de 56 ans est la première femme vice-présidente des Etats-Unis.

« Comme tellement d’autres femmes, je me sens fière de ce moment, en nous voyant représentées », a tweeté une élue démocrate de la Chambre, Barbara Lee. « Cela aurait dû arriver il y a longtemps ».

– Abîme de l’insurrection –

Le ton contenu, posé, de Joe Biden devant quelque 200 parlementaires et rares représentants de l’administration a offert un contraste saisissant avec les discours de son prédécesseur Donald Trump.

Et plus largement avec l’ambiance de ce grand rendez-vous annuel que sont les discours présidentiels de politique générale, donnés depuis quarante ans devant quelque 1.500 invités qui se pressent d’ordinaire sur les sièges de la Chambre des représentants dans un joyeux bouillonnement à leur arrivée, puis un silence respectueux interrompu par des applaudissements tonitruants.

Dans les tribunes, son épouse Jill Biden était cette fois assise à bonne distance, à cause du Covid, de l’époux de Kamala Harris, Douglas Emhoff, dans un balcon vide de tout autre invité.

Revenant sur une année marquée par la pandémie, la fin tumultueuse de la présidence Trump et le traumatisme de l’assaut du Capitole, Joe Biden a voulu, encore une fois, comme au cours de toute sa campagne, se présenter en rassembleur.

« Nous avons contemplé l’abîme de l’insurrection et de l’autocratie, de la pandémie et de la souffrance, et +Nous, le peuple+ n’avons pas flanché », a déclaré le démocrate, en hommage au préambule de la Constitution américaine.

« Nous sommes les Etats-Unis d’Amérique », a-t-il ajouté, en reprenant l’une de ses célèbres phrases de campagne. « Il n’y a rien que nous ne puissions faire, rien (…) si nous le faisons ensemble. »

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