Pierre Hazette

Barcelone mérite mieux…

Pierre Hazette Sénateur honoraire, ancien ministre MR

Deux romans viennent de nous rappeler les beautés de Barcelone : Dan Brown situe dans la capitale catalane une part importante de son chef d’oeuvre  » Origine  » et dans  » Le bourreau de Gaudi « , Sainz de la Maria nous fait découvrir au fil d’une histoire haletante, les merveilles architecturales dont le maître a enrichi sa ville.

Malheureusement l’actualité politique fait de l’ombre à ces deux pièces maîtresses de la littérature de cet automne.

Il est curieux et inquiétant de lire les déclarations des uns et des autres à propos du conflit qui oppose la Catalogne à l’Espagne. Que les choses soient claires : nous ne sommes pas les spectateurs d’un western. Nous sommes les témoins d’un affrontement dangereux pour la démocratie.

Essayons de poser le problème en termes mesurés.

L’Espagne est une monarchie constitutionnelle. Elle s’est dotée d’une Constitution qui respecte la séparation des pouvoirs. Le pays n’est pas monolithique. On l’a vu naguère avec la revendication du Pays Basque. Les passions y sont parfois violentes et la guerre civile de 1936 à 1940, puis la dictature franquiste restent douloureuses dans la mémoire du peuple espagnol. Les régions constitutives du Royaume sont hérissées de châteaux et de forteresses qui rappellent les luttes intestines. L’Andalousie porte les traces de la conquête arabe. La Galice évoque son passé celtique. Les Asturies s’enorgueillissent d’avoir lancé la Reconquista. La Castille étale la richesse qu’elle doit à l’empire sur lequel soleil ne se couchait pas.

La Catalogne ne le cède en rien à ses voisines. Elle est riche. Elle est glorieuse. Sa capitale éblouit.

Toute ces Régions ont négocié une forme d’autonomie avec le pouvoir central. On parle le valencien à Valence et le catalan en Catalogne. On le parle, on l’enseigne, on l’utilise dans l’administration régionale.

L’autonomie, quoique partielle, est une réalité : la Généralitat a son Parlement et son Gouvernement.

L’application de la Constitution est contrôlée par la Cour constitutionnelle, pour les matières qui relèvent du pouvoir central.

En 2015, les élections régionales ont donné des résultats qui ont permis la coalition de partis favorables à l’indépendance. Le gouvernement, s’appuyant sur une majorité en sièges au Parlement, à défaut de l’avoir dans la population, a décidé d’organiser un référendum sur la question de l’indépendance. Madrid a soumis à la Cour Constitutionnelle le projet de référendum et les juges l’ont estimé contraire à la Constitution. Carles Puidgemont, le leader catalan, n’en a pas tenu compte et a fixé au 1er octobre la date du vote. Madrid a interdit l’opération, fait fermer des mairies, détruit le matériel électoral et, finalement, a amené en Catalogne des forces de police pour faire respecter la Charte fondamentale de l’Espagne.

L’usage, parfois démesuré, de la force au service du droit a suscité quelques froncements de sourcils internationaux, mais au sein de l’Union européenne, Mariano Rajoy ne compte que des soutiens officiels.

Après que l’indépendance a été proclamée, sur la base du scrutin contesté du 1.0, comme on dit en Espagne, des ministres régionaux ont été arrêtés et le Premier d’entre eux s’est réfugié à Bruxelles, au plus près des institutions européennes, où il est, semble-t-il, ignoré. Il ne l’est pas de la justice belge tenue de l’entendre sur la base du mandat d’arrêt européen délivré à la demande du gouvernement espagnol.

La question se pose donc : quelle est la légitimité de Carles Puidgemont, en face du juridisme dont ne se départ pas le pouvoir de Madrid ?

Son gouvernement a le soutien de son parlement régional. L’indépendance qu’il réclame a été approuvée par un référendum, certes contesté. Sa qualité de représentant élu et de ministre en exercice devrait lui assurer l’immunité.

Deux logiques sont, dès lors, confrontées : le gouvernement espagnol a le devoir de préserver l’intégrité du territoire national. Il s’y emploie.

Le gouvernement régional catalan met en oeuvre le mandat reçu de son peuple: il proclame l’indépendance.

Le souverain espagnol a commis une erreur en prenant publiquement parti pour son Premier Ministre. Le silence qu’il aurait dû garder lui permettrait, aujourd’hui, de convoquer en son Palais les responsables de toutes les Régions d’Espagne et de négocier avec eux les termes d’une collaboration interrégionale, repensée au vu des revendications raisonnables.

C’est aussi l’erreur qu’a commise Puidgemont : il aurait pu jouer ce rôle et gagner à sa cause des régions qui, aujourd’hui, semblent peu disposées à le soutenir. Un projet confédéral aurait vraisemblablement convaincu certains Premiers ministres régionaux.

L’Union européenne pourrait, à tout le moins, proposer à Madrid d’accueillir une mission d’observation qui, avec diplomatie, pourrait proposer une formule d’arbitrage.

On ne gagnera rien dans un conflit en voie de pourrissement. Ni la Catalogne, ni l’Espagne, ni l’Europe.

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