Attentats de Boston : la folle chasse à l’homme sur les réseaux sociaux, critiquée

Le Vif

Alors que le FBI vient de lancer un appel au public pour retrouver deux suspects dangereux qu’il vient d’identifier, de nombreux internautes s’improvisent détectives pour tenter de traquer les terroristes sur le net et les réseaux sociaux. Cette chasse aux sorcières inquiète certains experts et journalistes qui appellent à la prudence.

Les détectives en herbe n’ont pas attendu l’appel du FBI jeudi après-midi, pour rechercher les suspects des attentats de Boston. Depuis lundi, s’appuyant sur les photos et les vidéos diffusés dans la presse et sur Internet, de nombreux internautes se sont rués sur les réseaux sociaux pour tenter d’identifier les coupables.
Reddit et 4chan, deux forums très populaires sur le net, ont même lancé leur propre moteur de recherche en ligne pour traquer d’éventuels suspects. Celui de Reddit s’appelle Find Boston Bombers (Trouvez les poseurs de bombe de Boston).

Les internautes y postent et y analysent minutieusement des photos, cerclées de rouge ou annotées de flèches et de commentaires, dès qu’ils pensent avoir identifié une personne suspecte. Ainsi, sur la toile, de nombreux individus porteurs de sac à dos (une indication fournie mercredi par le FBI, après avoir retrouvé sur les lieux de l’attentat des restes de sacs en nylon), se sont-ils retrouvés pointés du doigt sur le net.Une fois que le visage d’un potentiel coupable a été identifié, la traque sur Facebook et les réseaux sociaux se poursuit.

« J’ai peur de retourner à l’école »

Salah Barhoum en a fait les frais. Ce jeune homme de 17 ans, d’abord identifié sur Reddit sous le nom de Blue Track Suit Guy (L’homme au survêtement bleu), s’est très vite retrouvé tagué sur Facebook et identifié comme le principal suspect ! Puis, quelle ne fut pas sa surprise de voir quelque temps plus tard sa photo cerclée de rouge à la Une du New York Post, qui s’interrogeait sur sa culpabilité dans les attentats, ainsi que celle d’un ami présent avec lui au marathon, Yassine Zaime.

« Quand j’ai vu le titre du journal, « Les hommes aux sacs » avec ma photo… Je n’ai jamais rien ressenti d’aussi atroce. Je n’ai que 17ans ! » a-t-il indiqué horrifié à la chaîne ABC. Il a confié à plusieurs médias craindre pour sa vie, avoir peur de sortir de chez lui et de retourner à l’école. Le jeune homme a reçu plus de 200 messages d’internautes mercredi. Bahroum a décidé de porter plainte.

Appel à la prudence et colère des journalistes

Depuis ces incidents, les appels à la prudence et les interrogations sur ce phénomène et son pouvoir de nuisance, se multiplient dans la presse et sur le net. Certains journalistes notamment, ne voient pas d’un très bon oeil ce nouveau type d’investigation citoyenne qu’ils jugent dangereuse et amateur.
Un autre journaliste du journal en ligne « The Atlantic », Alexis Madrigal met lui aussi en garde les apprentis détectives: »Ils pensent qu’ils vont trouver les suspects ! Comme de vrais flics à la télévision ! Mais ils ne sont pas flics. Ils sont bien intentionnés mais n’ont pas pris en compte l’impact moral que peut avoir leur action » s’énerve-t-il. « C’est une illusion de croire que ce que l’on fait en ligne n’est pas aussi grave que ce que l’on fait dans la vraie vie (…). Imaginez que les gens se promènent à Boston et se mettent à pointer du doigt toutes les personnes apparues sur des photos, et à les accuser (en gros) de terrorisme ! ».

Les images du FBI « les seules qui doivent être utilisées par le public »

Faut-il craindre de nouveaux débordements, maintenant que le FBI a ouvertement demandé au public de les aider à retrouver les deux suspects dont ils ont diffusé les photos et les vidéos jeudi?
Lors de sa dernière conférence de presse, le responsable du FBI Rick DesLauriers a fait preuve de prudence en demandant à la population de se concentrer uniquement sur les photos fournies par le FBI : « Ces images doivent être les seules que le public utilise pour nous aider » a-t-il insisté, en mettant en garde contre d’autres sources qui pourraient déstabiliser l’enquête.

Par Noémie Taylor

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