Donald Trump

Comment Donald Trump se protège des accusations judiciaires en étant candidat: «Une situation complètement folle»

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Déclaré responsable d’agression sexuelle par un tribunal civil de New York, Donald Trump ne perd pas la fidélité de son électorat. « Il garde une avance importante en vue de la primaire. Cette situation agace les ténors du Parti républicain », relève Serge Jaumain (ULB), spécialiste des Etats-Unis. « Le fait d’être candidat le protège contre ces affaires en cours. » En revanche, la probabilité de voir Trump réélu président s’amenuise fortement. Entretien.

Serge Jaumain, Donald Trump a été reconnu responsable d’agression sexuelle. Une première dans l’histoire des Etats-Unis ?

Trump a collectionné beaucoup de « premières » de ce type pendant sa présidence. C’en est une supplémentaire. Dans l’histoire américaine, des candidats à la présidence sont déjà tombés pour des questions beaucoup moins graves. N’importe quelle autre personne que Trump aurait été complètement disqualifiée.

Pourquoi Trump semble-t-il toujours s’en sortir ?

Sa particularité, c’est qu’il n’a jamais cessé de dépasser les limites. Sa base électorale lui a toujours tout pardonné, a été d’une fidélité absolue, et le restera. Dans les sondages, il garde une popularité assez impressionnante, parfois au coude-à-coude avec Joe Biden. Dans les deux partis, il y a un problème commun en vue de la future présidence. L’un est considéré comme très vieux, l’autre est condamné pour agression sexuelle. Cependant, le fait que Trump soit jugé au civil est évidemment différent que s’il l’était au pénal.

Trump reste-t-il en pole position en vue de la primaire républicaine ?

Oui, il conserve une avance importante. Les problèmes accumulés jusqu’ici n’ont jamais eu d’impact. Pour le moment, les sondages montrent qu’il écrase tous ses adversaires républicains, et de très loin. Les intentions de votes pour Ron DeSantis sont par exemple très problématiques. En revanche, ça l’éloigne d’une possibilité d’être réélu président. Car pour l’être, il faut aller chercher une partie d’électeurs modérés ou du « centre ». Des ténors du parti républicain vont également se rendre compte qu’il peut gagner la primaire, mais pas l’élection présidentielle.

On imagine que la situation ne plaît pas à tout le monde, chez les Républicains…

En effet, elle agace énormément les ténors du Parti républicain. Beaucoup le détestent en interne mais le soutiennent publiquement parce que c’est une machine à voix, avec un socle électoral d’une fidélité absolue. Mais un certain nombre de personnes vont commencer à le soutenir davantage du bout des lèvres. La situation qui le verrait gagner la primaire et perdre les élections ensuite est complètement folle.

La situation agace énormément les ténors du Parti républicain. Beaucoup le détestent en interne mais le soutiennent publiquement parce que c’est une machine à voix, avec un socle électoral d’une fidélité absolue.

Serge Jaumain

Certains observateurs pensent que ce jugement pourrait paradoxalement lui être bénéfique, dans le sens où il jouirait d’une exposition médiatique supplémentaire pour jouer la victime, et le discours du « je suis seul contre le système ». Votre avis ?

D’une certaine manière, la vie de Trump, c’est les médias. Le fait d’être candidat, c’est ce qui le protège le mieux contre ces affaires en cours. Car sa défense est de dire que toute ces procédures sont lancées dans le but de l’empêcher de se présenter. Il utilise fortement ce contre-argument.

Ceci dit, Trump est une bête politique et médiatique. Ce genre d’affaires le desservent plus qu’elles ne lui servent. Lui retourne l’argument en disant : « Vous voyez, on fait tout contre moi parce qu’on a trop peur que je redevienne président ». C’est son discours habituel. Mais globalement, cette condamnation est clairement une mauvaise nouvelle pour lui.   

Quelle est, selon vous, la probabilité qu’il soit réélu ?

Il faut se montrer extrêmement prudent au jeu des pronostics avec Donald Trump. Lors de son élection en 2016, il avait déjoué toutes les estimations. Et en 2020, même si Biden a gagné, le score de Trump a été absolument exceptionnel. Ce précédent nous oblige à une grande prudence. Si les primaires avaient lieu aujourd’hui, il serait très probable qu’il les remporte. Si les élections à la présidence avaient lieu aujourd’hui, il serait très probable qu’il les perde. Mais d’ici-là, beaucoup de choses peuvent encore changer. Surtout en politique américaine, et surtout avec une personnalité comme Trump. Mais, globalement, ses chances d’être réélu sont très limitées.

Si les primaires avaient lieu aujourd’hui, il serait très probable qu’il les remporte. Si les élections à la présidence avaient lieu aujourd’hui, il serait très probable qu’il les perde.

Serge Jaumain

D’autant plus que toute une série d’affaires sont encore en cours…

Oui, et elles sont également très graves. On attend les prochains verdicts. Il n’échappera pas à la justice éternellement, mais certaines procédures prennent plus de temps. La justice fait un travail très sérieux à son égard. L’enquête qui a été réalisée sur l’assaut du Capitole a été exceptionnelle. Tout est dans les mains d’un procureur spécial -Jack Smith- qui suit cette affaire du Capitole mais aussi celle des documents secrets conservés à Mar-a-Lago, en Floride. Ces deux affaires, c’est du très lourd, mais ça prend un certain temps avant d’avoir un jugement.

Il est peu probable d’obtenir d’autres verdicts avant les élections ?

Ce n’est pas exclu, mais il faut d’abord qu’il soit mis en accusation, ce qui n’est pas encore le cas. Ceci dit, il a toujours la possibilité de faire appel, et il ne faut pas oublier qu’un candidat président peut continuer à faire campagne même en étant en prison. Il reste éligible tant qu’il n’est pas déchu de ses droits. La procédure qui concerne le 6 janvier est différente, car on est dans un cas d’insurrection. Si elle va à son terme, il pourrait alors perdre le droit d’être réélu.

Par contre, il pourrait être condamné pour les affaires des documents secrets, sans que cela entrave le droit d’être président. Après la première guerre mondiale, un leader socialiste était candidat et a réalisé un beau score alors qu’il était en prison. Il a fait campagne à partir de sa cellule.

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