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Ambassadeur russe tué : que faire des images ?

Les images de l’attaque du représentant du Kremlin à Ankara, Andreï Karlov, abattu par un homme armé, ont été largement diffusées dans les médias.

Le traitement de ces images extrêmement violentes posent néanmoins question, alors que les médias sont confrontés de façon toujours plus récurrente à ce type de séquences. Le secrétaire général adjoint de l’association des journalistes professionnels (AJP) a insisté sur l’importance de la mise en balance entre, d’une part, la valeur informative de la séquence et d’autre part le respect de la dignité de la personne. La secrétaire général du Conseil de déontologie journalistique (CDJ), Muriel Hanot, renvoie à la recommandation sur l’information en situation d’urgence formulée par le conseil.

La recommandation sur l’information en situation d’urgence adoptée par le CDJ en juin 2015, à la suite de la couverture des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher à Paris en janvier 2015, rappelle « la nécessité de mettre en balance le droit du public d’être informé et d’autres intérêts légitimes, la liberté de la presse n’implique pas que toute information, même vérifiée, soit diffusée sans délai notamment lorsqu’elle (…) conduirait à des dommages graves pour des personnes. »

Déontologiquement, plusieurs questions se posent par rapport à la diffusion de la scène de tir dans certains médias, estime M. Dumont. Même s’il se dit surpris par la diversité du traitement de ces images et estime que relativement peu de médias ont passé la scène du tir à l’antenne. « Fallait-il montrer ces secondes durant lesquels l’assaillant tire sur l’ambassadeur? S’agit-il d’une information qui relève de l’intérêt général? », s’interroge-t-il.

Le secrétaire général adjoint de l’AJP a fait part de son malaise vis à vis de la diffusion de ces quelques secondes d’images dans certains médias. « Elles mettent en cause la dignité de la personne. Elles peuvent être considérées comme un intrusion dans la souffrance des proches et, finalement, je ne vois pas l’utilité de montrer les extraits du tir mortel. » Selon lui, les images qui suivent le tir sont suffisantes pour l’intérêt général. « J’aurais flouté le visage de la victime par respect », indique-t-il encore.

« Vu que l’on n’est pas dans un traitement robotisé, il y aura toujours une différence de traitement au niveau des médias. Le curseur sera plus ou moins orienté du côté de la protection et respect des personnes en fonction du journaliste, du média et de son public », conclut M. Dumont.

L’ex-secrétaire général du CDJ, André Linart, est revenu sur la diffusion et le traitement de l’image d’un policier au sol abattu après l’attentat de Charlie Hebdo et les met ainsi en parallèle avec l’attaque de l’ambassadeur russe. « On ne connait pas beaucoup de médias qui n’ont pas relayé ces images. Elles témoignent de la détermination et de la froideur des auteurs. Toutefois, certains médias ont flouté la victime. C’est une mesure intermédiaire entre le choix de diffuser ou non des extraits de ce type. »

M. Linart juge toutefois la diffusion des extraits de l’attaque de l’ambassadeur russe assez exceptionnelle. « J’espère qu’au sein des rédactions, on s’est posé les bonnes questions avant de les relayer. L’intérêt général justifie néanmoins de les porter à l’attention du public. Je me garderai donc de les condamner », explique M. Linart.

L’ex-secrétaire général du CDJ estime enfin qu’un autre élément est à prendre en compte: les médias n’ont plus le monopole de la diffusion des informations. « Si un média refuse de les relayer. La concurrence le fera ou elles seront accessibles sur les réseaux sociaux. On comprend, donc, que certains médias se disent que si ces images circulent de toute façon, autant les diffuser tout en proposant une mise en perspective. »

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