Migrants cherchant à gagner la Grèce face à un gendarme turc sur les côtes © Reuters

Accord migratoire UE-Turquie: un principe simple mais une mécanique aux rouages complexes

Tous les migrants arrivant désormais en Grèce de manière irrégulière seront renvoyés en Turquie : l’accord trouvé vendredi entre l’UE et Ankara est simple sur le principe, mais sa mise en oeuvre dans le respect des règles de l’asile demande une logistique complexe, dont beaucoup de volets restent encore à régler. Explication en 5 points.

– Quels sont les renforts européens prévus en Grèce pour mettre en oeuvre le mécanisme?

Selon la Commission européenne, qui a détaché en Grèce un haut-fonctionnaire comme coordinateur spécial, l’opération mobilisera 4.000 agents dont un millier d’effectifs « militaires et de sécurité  » et 1.500 policiers grecs et européens pour un coût estimé de 280 millions d’euros sur les six prochains mois.

Sur ce total, 2.300 seront des renforts européens, dont 400 experts de l’asile, et 1.500 personnels de sécurité, selon Athènes. Un échange d’observateurs est aussi prévu entre la Grèce et la Turquie.

Paris et Berlin ont annoncé avoir offert en commun jusqu’à 400 policiers et 200 experts de l’asile, la Roumanie 70 experts, l’Autriche 50 effectifs de sécurité, et la Finlande 10 policiers, 10 fonctionnaires de l’immigration et quatre garde-frontières. Seuls sept États membres (Bulgarie, Croatie, Irlande, Lettonie, Malte Royaume-Uni et Suède) n’avaient pas encore communiqué leurs propositions lundi, selon l’exécutif européen.

– Quel traitement pour les migrants soumis au nouveau régime?

Selon les autorités grecques, ils resteront sur les îles, où ils sont désormais détenus dans les cinq hotspots existants (camps d’enregistrement et d’identification), dont la capacité doit être portée à 20.000 places contre quelque 6.000 actuellement.

Ceux ne demandant pas l’asile seront « renvoyés immédiatement » prévoit la Commission, les autres retenus le temps de l’examen de leurs demandes conformément aux règles du droit d’asile que l’UE s’est engagée à respecter.

– Sur quelle base légale s’opèreront les renvois de demandeurs d’asile, en particulier syriens?

Le principe général est que les demandes peuvent être qualifiées de « non admissibles » et rejetées en procédure accélérée si le pays où le renvoi est envisagé, en l’occurrence la Turquie, est considérée comme fournissant une protection suffisante.

Pour ce faire, la Grèce et la Turquie « devront procéder à des ajustements législatifs », Athènes devant en particulier conférer à la Turquie le statut de « pays tiers sûr », ce qui « sera fait ces prochains jours, » selon une source européenne.

Dans tous les cas, ceux jugés menacés, par exemple les Kurdes, ne seront pas renvoyés.

La justice grecque tranchera en cas d’appel des déboutés, suspensifs ou non selon les cas.

La légalité des renvois reste toutefois fortement contestée par les humanitaires. S’il prévoit d’envoyer des effectifs en Grèce, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides n’envisage d ailleurs pas de les affecter au « mécanisme de reconduite vers la Turquie », y indique-t-on.

– Comment et quand s’opéreront les renvois?

Les renvoyés seront acheminés soit par bus via la frontière terrestre soit par bateau directement depuis les îles, selon la Commission, avec une flotte prévue de 28 bus et 8 navires de l’Agence européenne des frontières. Les ports de retour doivent être définis mercredi par Bruxelles et Ankara.

La chancelière allemande, Angela Merkel, a fixé la date des premiers renvois au 4 avril, mais le commissaire européen aux questions migratoires, Dimitris Avramopoulos, a souligné lundi que leur lancement dépendra de la mise en place des renforts européens.

Les demandeurs d’asile syriens renvoyés devront être comptabilisés à part, l’accord prévoyant que pour chaque Syrien renvoyé, un autre soit « réinstallé » de Turquie dans l’UE, dans la limite de 72.000 places.

– Quid des réfugiés et migrants arrivés avant dimanche?

Les autorités grecques en recensent quelque 50.000 bloqués dans le pays par la fermeture de la route des Balkans. En principe tous identifiés et enregistrés, ils sont soit voués à l’expulsion pour ceux considérés comme migrants économiques, ou destinés à intégrer le processus européen de relocalisation, censé en répartir 63.300 dans l’UE sous deux ans.

Ce mécanisme est réservé à certaines nationalités (Syriens et Irakiens pour l’essentiel dans le cas grec), excluant notamment les Afghans ou Iraniens, arrivés en nombre. Pour ces derniers, les règles habituelles de l’asile en Grèce s’appliquent.

Le plan de relocalisation tarde toutefois à démarrer, avec seulement 569 réfugiés envoyés dans 13 Etats membres de Grèce, à laquelle 2.250 places ont été offertes jusque-là. Nombre de réfugiés hésitent encore à y recourir, faute de pouvoir choisir leur pays de destination.

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