Assemblée générale de la Deutsche Bank, le 23 mai à Francfort. Le CEO Christian Sewing a eu du mal à calmer jusqu'à ses actionnaires. © KAI PFAFFENBACH/REUTERS

544 milliards de dollars : les actionnaires ne connaissent pas la crise

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Alors que l’inflation atteint des sommets et que les salaires réels ne décollent pas en Europe, les dividendes versés par les grandes entreprises européennes ont explosé. Et cela irrite les syndicats.

Le chiffre: 544,8 milliards de dollars. C’est le montant des dividendes versés au deuxième trimestre de cette année par les 1 200 plus grandes entreprises mondiales en matière de capitalisation boursière, ce qui représente, selon le bureau Janus Henderson, 90% des dividendes payés à l’échelle internationale. Un record jamais atteint et une hausse affichée de 19%. Henderson estime que les versements atteindront 1 560 milliards de dollars pour l’ensemble de l’année 2022.

Avec le Royaume-Uni, l’Europe fut le principal moteur de cette ascension trimestrielle, affichant une hausse de près de 29%. Ces versements étaient même plus élevés de 15% qu’à la même période en 2019, soit avant la pandémie.

L’autre chiffre: 8,9%. C’est le niveau atteint par l’inflation, en moyenne, dans l’Union européenne, en juillet. Avec retard, le salaire nominal moyen a, certes, commencé à augmenter lui aussi. Mais cette hausse ne parvient pas à compenser la chute du pouvoir d’achat provoquée par l’inflation. Résultat: les salaires réels ne décollent pas, alors que le versement de dividendes bat des records.

Ces derniers ont grossi plus de sept fois plus vite, en Europe, que les salaires. Même en Belgique, où est appliquée l’indexation automatique des salaires, le rapport est de plus de quatre, avec une augmentation des dividendes de 25,1% pour une augmentation de salaire moyenne estimée à 5,9%, relève le syndicat libéral CGSLB en se basant sur des chiffres de la Banque centrale européenne.

Pour la Confédération européenne des syndicats (CES), cet écart montre que les bénéfices excessifs des entreprises sont le moteur de l’inflation. Significatif: les producteurs de pétrole ont contribué à plus des deux cinquièmes à la croissance exceptionnelle des dividendes au deuxième trimestre.

Le CES réitère donc son appel à taxer les surprofits, en particulier des grandes compagnies énergétiques, estimant que le produit de cette taxe pourrait servir à réduire l’écart évoqué plus haut en accordant aux travailleurs une part plus équitable des revenus des entreprises et en participant à la transition énergétique. Reste à voir si ce sera possible, suffisant, efficace.

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