Une famille assassinée par les nazis béatifiée en Pologne, une première

La famille Ulma
La famille Ulma © Belga Images

Un couple de Polonais et leur sept enfants, assassinés en 1944 par des nazis pour avoir caché des Juifs, seront béatifiés dimanche en Pologne, une première pour une famille entière dans l’Eglise catholique.

La béatification, une décision du pape François en vertu de laquelle ces Polonais seront proclamés « bienheureux », sera célébrée dans leur bourg natal, Markowa, dans le sud-est de la Pologne.

Plus de 30.000 personnes, dont un millier de prêtres, le président polonais, le grand rabbin de Pologne et une délégation venue d’Israël, y sont attendues.

La tragédie remonte au 24 mars 1944, lorsque ce village est le théâtre d’un terrible massacre.

Victimes d’une dénonciation par un policier polonais, Jozef Ulma, sa femme Wiktoria, enceinte de sept mois et qui accouchera durant la fusillade, sont abattus par la police allemande sous les yeux de leurs enfants. Ces derniers, Stanislawa, Barbara, Wladyslav, Franciszek, Antoni et Maria, âgés de deux à huit ans, sont à leur tour exécutés, la maison pillée puis incendiée.

Jozef Ulma et sa femme Wiktoria. (AP)

Auparavant, huit Juifs qu’ils avaient cachés dans le grenier de leur ferme sont eux aussi abattus.

Les nazis criblent le plafond: le sang des victimes se répand, une goutte tombe sur une photo représentant deux femmes juives posée sur une table en-dessous. Cette photo a été conservée jusqu’à ce jour comme une « relique » du martyre juif. Shaul Goldmann et ses cinq enfants, dont sa fille Lea, la fille de cette dernière, Reshla, âgée de cinq ans, ainsi que Golda Grünfeld, sont tués.

Après cette exécution, 24 Juifs seront eux aussi tués à Markowa par leurs voisins polonais.

Lors d’un voyage à Markowa pour un reportage sur l’aide de l’Eglise locale aux réfugiés ukrainiens fuyant la guerre après l’invasion russe, une journaliste italienne de l’agence Ansa, Manuela Tulli, reçoit un recueil de photos réalisées par Jozef Ulma, qui, sur son temps libre, documente la vie familiale à la ferme.

C’est un album touchant, qui retrace la vie de la famille avec des scènes du quotidien, « on voit les enfants courir pieds nus dans l’herbe, faire les devoirs, la mère étendre le linge », décrit à l’AFP Mme Tulli, co-autrice d’un ouvrage sur la tragédie avec le prêtre polonais Paweł Rytel-Andrianik.

Le couple Ulma a reçu la médaille et le titre « Juste » attribué par l’Etat d’Israël.

« C’est une histoire d’amour et d’amitié, quand les Juifs ont demandé l’aide, ils ont ouvert leur porte. Ils ont vécu ensemble un an et demi, cuisiné et mangé ensemble », raconte la journaliste italienne.

Baptême du sang

Au-delà des faits, c’est la première fois que l’Eglise accorde la béatification à une famille entière.

Le Vatican a également décidé de béatifier l’enfant dont Wiktoria était enceinte, alors que d’ordinaire une personne non baptisée ne peut être béatifiée. Car, selon le Dicastère pour la cause des saints, le département du Vatican en charge des questions de béatification et canonisation, le septième enfant « est né au moment du martyre de la mère ». « Ce dernier a donc été ajouté au nombre des enfants, martyrs eux aussi. De fait, dans le martyre des parents, il a reçu le baptême du sang », précise un communiqué du dicastère.

Dans le cas de cette famille, morte en martyrs, le Vatican n’a pas besoin d’un miracle pour accorder la béatification. Un miracle est cependant indispensable pour la canonisation, lorsqu’une personne est proclamée saint ou sainte, même dans le cas de martyrs.

Un musée portant le nom des Ulma, dédié aux Polonais ayant sauvé des juifs, a ouvert à Markowa en 2016. Et depuis 2018 la Pologne consacre le 24 mars au souvenir des Polonais ayant sauvé des juifs pendant l’occupation allemande.

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