Corgis, fortune, privilèges… La vie d’Elizabeth II, de A à Z

La Reine Elizabeth, le 15 juillet 2022.
Olivier Rogeau Journaliste au Vif
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Le plus long règne de l’histoire britannique s’est achevé. Retour sur la vie d’Elizabeth II, ses pouvoirs et privilèges, sa fortune et ses corgis, ses relations avec sa famille et ses Premiers ministres.

Rien de prédestinait Elizabeth Windsor, née le 21 avril 1926, à gravir un jour les marches du trône. Elle se retrouve princesse héritière à 10 ans, en raison de l’abdication de son oncle. Edouard VIII laisse la couronne à son frère cadet George VI, père d’Elizabeth, pour pouvoir épouser Wallis Simpson, une Américaine deux fois divorcée. « De façon totalement imprévue, la petite princesse est projetée sur le devant de la scène », commente l’historien Francis Balace, spécialiste des affaires royales. Autre date-clé de l’existence de la future reine : le 13 septembre 1940, pendant le Blitz, le palais de Buckingham est touché par les bombes allemandes. La famille royale, qui avait refusé de quitter Londres, a failli être tuée.

Sept ans plus tard, Elizabeth épouse Philip Mountbatten, son cousin au 8e degré par la reine Victoria. Un mariage d’amour entre deux êtres aux caractères opposés. Le prince n’a jamais caché sa frustration de devoir rester dans l’ombre des Windsor. Le couple, qui connaîtra quelques orages en 73 ans de complicité, aura quatre enfants, Charles (1948), Anne (1950), Andrew (1960) et Edward (1964). Le 2 juin 1953, à l’âge de 27 ans, la princesse devient reine et succède officiellement à son père, décédé un an et demi plus tôt. Le couronnement en l’abbaye de Westminster est la rencontre paradoxale entre un rituel figé depuis des siècles et une innovation technique : pour la première fois, un événement majeur est diffusé en direct à la télévision dans plusieurs pays européens.

Cheffe du Commonwealth, la reine verra la plupart des anciennes colonies britanniques s’émanciper de la Couronne. Quelques jours après avoir fêté son jubilé, début juin 2022, Elizabeth II a atteint un nouveau cap de longévité avec le deuxième plus long règne de l’histoire après celui du Roi-Soleil, Louis XIV, qui régit la France de 1643 à 1715, soit 72 ans et 110 jours sur le trône.

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Pourquoi la reine nonagénaire, affaiblie depuis plusieurs années, ne pouvait-elle pas abdiquer ? Comment la mort du prince consort, son plus proche soutien, a changé la dynamique royale ? Que révèle l’attachement viscéral d’Elizabeth II à l’Ecosse ? Quel sens avait le tête-à-tête hebdomadaire entre la souveraine et le chef du gouvernement ? Réponses à ces questions et à beaucoup d’autres sous forme de petit dictionnaire, de A comme « abdication », à Z comme « Zelensky ».

Abdiquer ? Jamais ! Très croyante et cheffe suprême de l’Eglise anglicane, Elizabeth II, reine par la grâce de Dieu, avait fait le serment religieux de servir son peuple jusqu’à sa mort. En 1947, à l’occasion de ses 21 ans, la future souveraine déclarait déjà que toute sa vie serait consacrée à cette tâche. « Lors de son couronnement, cérémonie dirigée par l’archevêque de Cantorbéry, le monarque est oint avec de l’huile consacrée, signale Francis Balace. Cette huile représente le saint chrême, qui a servi pendant des siècles à l’onction des rois de France lors du sacre. Elizabeth II se considérait investie d’une mission d’essence divine dont elle n’aurait pu se délivrer. »

L’abdication a longtemps été synonyme de désaveu ou d’abandon dans toutes les monarchies. Mais le Royaume-Uni se distingue aujourd’hui d’autres royautés européennes, où la tendance, chez les souverains âgés et fatigués, est de laisser la place à leur successeur. C’est le scénario privilégié de longue date aux Pays-Bas et au grand-duché de Luxembourg. En 2014, le roi d’Espagne, Juan Carlos, s’efface, acculé par des scandales financiers et les révélations sur ses anciennes maîtresses. En Belgique, le mot abdication renvoyait à l’épilogue de la « question royale », qui a déchiré le pays. Mais le sujet n’est plus tabou depuis le départ à la retraite, en 2013, d’Albert II. Philippe suivra-t-il un jour l’exemple de son père ? « Seule certitude, il n’abdiquera pas, sauf circonstances imprévisibles, avant que l’avenir de la monarchie soit assuré, estime le professeur Balace. Il attendra qu’Elisabeth, son héritière, soit mariée et ait un ou plusieurs enfants. »

C’est à Balmoral qu’Elizabeth II a passé ses derniers moments. Elle prenait chaque année ses quartiers d’été dans cette résidence royale privée, située dans le nord de l’Ecosse. L’occasion pour la reine de profiter du grand air et du calme, libérée des fonctions royales et du protocole. Elle y recevait ses enfants et petits-enfants et y invitait aussi, une semaine par été, son Premier ministre. La propriété de 20 000 hectares ne fait pas partie du Crown Estate, le domaine de la Couronne. Le château et son parc ont été achetés en 1853 par la reine Victoria, arrière-arrière-grand-mère d’Elizabeth, et son mari, Albert de Saxe-Cobourg-Gotha. Le prince consort a fait agrandir la bâtisse du XVe siècle pour la transformer en une construction néogothique, curieux mélange de schloss germanique et de forteresse de chef de clan écossais. Ouvert au public entre avril et juillet, Balmoral est source de revenus grâce au tourisme. Les visiteurs peuvent se balader dans les jardins, entrer dans la salle de bal du château, ou encore séjourner dans l’un des cottages du domaine.

Ici avec Harold Wilson

Au cours de son règne, Elizabeth a vu se succéder quinze Premiers ministres. Son tête-à-tête hebdomadaire avec le chef du gouvernement a lieu dans le bureau de la souveraine, au palais de Buckingham. Pendant quinze mois de pandémie, de la mise en place du confinement, en mars 2020, à la fin juin 2021, ces rencontres n’ont pu se tenir, ce qui n’était jamais arrivé auparavant. Elizabeth II a passé la plus grande partie de cette période au château de Windsor, à l’ouest de Londres, et s’est entretenue chaque mercredi par téléphone avec Boris Johnson, alors le chef du gouvernement conservateur. Par la suite, les audiences privées en présentiel ont repris. Mardi 6 septembre, c’est aussi en colloque singulier que Liz Truss, la nouvelle Première ministre, avait vu sa nomination officialisée par la reine, dont l’état de santé n’avait pas permis qu’elle revienne à Londres.

En 1992, le prince Charles, héritier du trône, se sépare de son épouse, l’iconique Diana Spencer, qui décède cinq ans plus tard dans un accident de voiture à Paris. Les relations entre les deux dames n’ont pas toujours été au beau fixe, notamment à cause des frasques du couple princier. La reine, qui respectait Diana, s’est toutefois opposée à des funérailles nationales pour la “princesse des cœurs”, rappelant que celle-ci n’était plus membre de la famille royale, mais elle a finalement embrayé sur le chagrin de tout un peuple. Cet événement tragique forcera la monarchie à moderniser sa communication et à mettre en scène la vie et les activités de la famille royale. En 2011, le prince William, petit-fils de la souveraine et second dans l’ordre de succession, épouse Kate Middleton.

Elizabeth II ne s’est jamais remise de la disparition de son mari, décédé le 9 avril 2021, à 99 ans. Depuis lors, elle s’est retrouvée bien seule à assumer fonctions et dysfonctionnements de sa famille. La disparition de Philip a privé la reine de son conseiller de l’ombre et plus proche soutien. Elle a changé la dynamique au sein de la famille royale, ce qu’Elizabeth a mal vécu. Le prince consort, qui portait le titre de « duc d’Edimbourg » dans les documents officiels, n’avait pas accès à la boîte rouge de la souveraine, remplie chaque soir des documents officiels et diplomatiques et des correspondances royales, mais il donnait son avis à sa femme sur les questions d’ordre familial, personnel et philanthropique. Il était son « rocher », son point d’ancrage, comme elle disait.

Après le décès du prince consort, son rôle de conseiller a été repris par le prince Charles, avec lequel la reine et son mari ont toujours eu une relation compliquée, voire distante. Le prince consort trouvait son fils aîné trop timide. Il déplorait son incapacité à masquer ses émotions et estimait qu’il n’avait pas l’étoffe d’un futur roi. La maniaquerie et l’égocentrisme de Charles sont aussi mis en avant par la journaliste Tina Brown, autrice de The Palace Papers : Inside the House of Windsor, the Truth and the Turmoil (avril 2022), livre d’anecdotes sur la famille royale.

« Le prince de Galles se retrouve régent, sauf de nom », a estimé l’historien Ed Owens, dans le Guardian. Sauf que la reine est restée aux commandes, même si elle a délégué la plupart de ses apparitions publiques. Chaque semaine, elle a continué à recevoir le Premier ministre en audience. C’est au château de Windsor, où elle vit, qu’on a continué à envoyer les boites de cuir rouge qui contiennent les rapports des ministres et la correspondance diplomatique. Symboliquement, lors du discours du trône, Charles n’était pas assis sur le trône, mais sur le siège plus petit réservé au consort. La couronne était placée à côté de lui, là où la reine prend place habituellement. « Pour que la régence soit proclamée, il aurait fallu constater la déficience mentale de la reine, mais elle a conservé jusqu’au bout toute sa tête », relève Francis Balace.

A l’instar de la reine Victoria, Elizabeth II était une amoureuse des paysages sauvages et des vallées verdoyantes des Highlands. Reine d’Angleterre, elle était aussi souveraine d’Ecosse. A Edimbourg, elle ouvrait, comme à Londres, les sessions du Parlement. Chaque année, elle prenait ses quartiers pendant une semaine au palais de Holyrood, à l’est de la ville. Elle y accordait audiences au Premier ministre et aux grands dignitaires de la nation écossaise. Son fils aîné, Charles, est, lui aussi, très attaché à l’Ecosse. Les Windsor se considèrent comme un trait d’union entre Edimbourg et Londres, un rôle non négligeable, alors que se profile la tenue d’un second référendum consultatif sur l’indépendance de l’Ecosse. La Première ministre écossaise Nicola Sturgeon dit vouloir l’organiser le 19 octobre 2023, alors que le gouvernement britannique s’oppose au projet. Le premier référendum s’était tenu en 2014. Le non à l’indépendance l’avait remporté à 55,30 %, mais le Brexit pourrait changer la donne : il a forcé les Ecossais à quitter l’Union européenne, alors qu’ils avaient voté à 62 % pour y rester.

La reine Elizabeth œuvrait à la réconciliation entre le Royaume-Uni et l’Irlande. En 1977, à l’occasion du 25e anniversaire de son couronnement, elle se rend en Irlande du Nord, déchirée depuis huit ans par le conflit entre loyalistes protestants et séparatistes catholiques. Les jours qui ont précédé sa venue, des engins incendiaires provoquent des centaines de milliers de livres de dégâts dans Belfast. Le 11 août, elle se rend à l’université de Coleraine (80 km au nord-ouest de Belfast). Peu avant son arrivée, l’IRA affirme y avoir déposé une bombe. Elizabeth II y prononce une fervente prière pour le rétablissement de la paix, adjurant protestants et catholiques à mettre fin à la « violence insensée ».

En 2011, Elizabeth effectue un voyage officiel en Irlande. Il y avait cent ans qu’un monarque britannique ne s’y était plus rendu officiellement. La visite de la reine sera accueillie favorablement par 81% des Irlandais.

Le président irlandais Michael D. Higgins a exprimé ses condoléances, saluant « une amie remarquable de l’Irlande« . « Au moment où nous offrons nos condoléances à tous nos voisins au Royaume-Uni, à la suite de la mort d’une remarquable amie de l’Irlande, nous nous rappelons du rôle joué par la reine Elizabeth dans la longue amitié » entre les deux pays à l’histoire tourmentée, a affirmé le président.

Figure immuable et rassurante dans une époque troublée (terrorisme islamique, Brexit, pandémie, guerre en Ukraine…), la reine a joui, au cours des deux dernières décennies, d’une popularité inégalée. Il n’en a pas toujours été ainsi. 1992 a été une « annus horribilis » pour la souveraine, celle de la retentissante séparation de Charles et Diana. La photo d’Elizabeth en bottes et ciré errant au milieu des décombres fumants du château de Windsor ravagé par un incendie cette année-là, a symbolisé, aux yeux du public, le désarroi d’une dynastie désemparée. Quel contraste avec les célébrations du Golden Jubilee, les cinquante ans de règne, en 2002, qui ont rencontré un immense succès populaire. L’événement a marqué, aux yeux des royalty watchers, le début d’un nouvel âge d’or, celui d’une monarchie réconciliée avec son époque. Vingt ans plus tard, Elisabeth II est restée en retrait de son jubilé de platine, en raison de son était de santé déclinant. Son infection de février 2022, un Covid long, l’avait laissée épuisée.

Katherine et Nerissa Bowes-Lyon étaient les nièces d’Elizabeth Bowes-Lyon, la mère d’Elizabeth II. En 1963, le Burke’s Peerage (considéré comme le bottin de la noblesse britannique) avait annoncé que Nerissa et Katherine étaient mortes en 1940 et 1961 alors qu’elles étaient bien vivantes. Nées avec de graves difficultés d’apprentissage, les sœurs ont été admises dans un établissement psychiatrique, le Royal Earlswood Hospital de Redhill, à Londres, en 1941.

En 2011, un documentaire intitulé « The Queen’s Hidden Cousins » avait révélé l’indifférence de la famille royale envers les sœurs internées. D’après une source proche de la famille royale britannique interrogée par le journal britannique The Independant, la reine Elizabeth n’a pas apprécié la diffusion du documentaire et affirme que la famille rendait régulièrement visite à Nerissa et Katherine.

Lors de l’entretien accordé à Oprah Winfrey par le prince Harry et son épouse, diffusé en mars 2021, Meghan Markle a utilisé l’expression « la Firme » pour désigner les membres influents de la famille Windsor. La duchesse de Sussex les considère comme une grande entreprise, qui entretient une relation ambiguë avec les tabloïds britanniques. L’expression « The Firm » n’est pas nouvelle. La famille royale a déjà été qualifiée ainsi par George VI, père d’Elizabeth II.

Après la mise à l’écart d’Andrew et le retrait d’Harry et de Meghan, la presse britannique a qualifié de « sept mercenaires » ou de « nouvelle Firme » le noyau dur de la famille royale. Le groupe est composé du prince Charles, héritier de la couronne, et de son épouse Camilla, duchesse de Cornouailles. En font aussi partie William et Kate, duc et duchesse de Cambridge, vitrine glamour de la monarchie, et la princesse Anne, fille de la reine, présidente de nombreuses associations caritatives. S’y ajoute le prince Edward, le plus jeune fils d’Elizabeth II, et sa femme Sophie Rhys-Jones, comtesse de Wessex. La Firme investit dans l’immobilier, négocie la retransmission télé des événements qui mettent en scène la famille royale, accorde des Royal Warrants aux fournisseurs de la Couronne, mandats qui permettent à ces entreprises d’afficher des armoiries dans leurs publicités.

Surnommée la princesse rebelle, brûlant la vie par les deux bouts, la princesse Margaret, sœur cadette de la reine, fait parler d’elle pour ses frasques, bousculant bienséance et convenances.

Après avoir dû renoncer à son amour pour l’écuyer Peter Townsend, divorcé, elle épouse en 1960 Antony Armstrong-Jones, photographe de mode un peu bohème. Le couple divorce en 1978, après un énième scandale dû à leurs infidélités étalées dans la presse. Il s’agissait alors du premier divorce royal depuis Henri VIII et Anne de Clèves en 1540.

Durant les années 1980, elle souffre de problèmes de santé en raison de sa consommation excessive d’alcool et de cigarettes. Atteinte de plusieurs accidents vasculaires cérébraux, Margaret meurt le 9 février 2002, quelques mois avant sa mère, la Queen Mum.

Elizabeth II n’a exercé aucun pouvoir politique. « C’était une fiction et une hypocrisie de parler de “gouvernement de la reine”, remarque Francis Balace. Depuis le XVIIIe siècle, le souverain britannique règne mais ne gouverne pas. » Elizabeth II n’a pas pour autant été un chef d’Etat « potiche ». Elle a eu un rôle institutionnel : elle a nommé les Premiers ministres, même si elle n’a eu d’autre choix que de désigner le chef de la majorité. Elle pouvait nommer aussi les Lords, signer des lois, consulter et mettre en garde ses ministres. Dans son ouvrage La Constitution anglaise, le journaliste du XIXe siècle Walter Bagehot définit ainsi les trois pouvoirs du monarque : « Formuler des avertissements, dispenser des encouragements et donner des conseils. »

« La famille royale est la première attraction touristique du Royaume-Uni, remarque Francis Balace. A côté des écuries royales de Buckingham Palace, le visiteur tombe sur l’Official royal souvenirs and gifts shop (la boutique de souvenirs royaux officiels). Les bénéfices du magasin servent à l’entretien du palais. Toutes les assiettes en porcelaine et articles de maison à l’effigie d’Harry et de Meghan ont disparu, tout comme avaient été escamotés les objets représentant la princesse Diana. »

La reine était la seule Britannique à ne pas avoir eu besoin de passeport pour voyager. Elle pouvait conduire sans permis et sans plaque d’immatriculation. Elle bénéficiait aussi de pouvoirs à la fois étranges et loufoques : en vertu d’une loi de 1324, promulguée sous le règne d’Edouard II, elle possédait tous les dauphins, baleines, esturgeons et marsouins du Royaume-Uni. La souveraine pouvait réclamer, au nom de la couronne, l’un ou l’autre de ces poissons ou mammifères pêchés en mer dans un rayon de 5 kilomètres autour des côtes du pays. Elle était également propriétaire de tous les cygnes en liberté du Royaume-Uni, mais exerçait ce droit uniquement sur la centaine de volatiles de la Tamise. Concrètement, il existe une charge à plein temps de “swan marker” (marqueur de cygnes) de la monarchie. Ce haut fonctionnaire compte chaque année les cygnes royaux lors d’une cérémonie qui remonte au XIIe siècle.

Le monarque britannique est entouré, aujourd’hui encore, par un protocole très strict, hérité de la tradition. « La révérence due à la reine est restée une barrière infranchissable, confirme Francis Balace. On ne pouvait la toucher. François Mitterrand avait suscité un malaise en saisissant le coude d’Elizabeth, qui avait trébuché. Quel contraste avec le roi et de la reine des Belges ! »

En 1923, Elizabeth Bowes-Lyon, issue d’une famille noble écossaise, épouse le prince Albert, duc d’York, fils du roi George V et de la reine Mary. Le couple aura deux enfants : Elizabeth et Margaret. En 1936, la vie de la famille bascule : Edouard VIII, le frère du prince Albert, abdique pour épouser Wallis Simpson. Albert est couronné sous le nom de George VI et Elizabeth devient reine consort.  

Durant la Seconde Guerre mondiale, le couple royal incarnera la résistance au fascisme au Royaume-Uni. Le 6 février 1952, Elizabeth perd son époux, et sa fille aînée monte sur le trône. Devenue Queen Mum, Elizabeth Bowes-Lyon vivra encore 50 ans sans son mari. « Au fil des ans, j’ai rencontré de nombreuses personnes qui ont perdu un membre de leur famille, parfois dans des circonstances extrêmement tragiques. Je m’estime donc chanceuse que ma mère ait pu avoir une vie longue et heureuse », déclarera Elizabeth II lors du décès de sa mère à 101 ans.

Les générations de corgis élevés par Elizabeth II resteront, comme son look et ses chapeaux colorés, indissociables de son image. La popularité de la race des corgis pembrokes, originaire du Pays de Galles, a explosé grâce à la souveraine, dont c’étaient les chouchous. De ses 18 ans à sa mort, elle a possédé une trentaine de ces petits chiens, qu’elle considérait comme faisant partie de la famille – ce qui n’a pas empêché William et Harry de se plaindre de leurs aboiements incessants. Dans chacune des résidences royales, une pièce leur était réservée, la « Corgi Room ». A leur mort, ils sont enterrés dans le jardin du château de Balmoral ou sur le domaine de Sandringham (Norfolk).

Au casting de la vidéo diffusée à l’occasion des Jeux olympiques d’été 2012 à Londres figurent deux des compagnons à quatre pattes de Sa Majesté. Les célèbres toutous accueillent, en haut du grand escalier de Buckingham Palace, un agent très spécial, James Bond, sous les traits de son interprète au cinéma depuis 2006, Daniel Craig. The Queen et 007 quittent le palais en hélicoptère, laissant les chiens sur le perron.

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Des corgis tiennent aussi un rôle vedette dans la série The Crown, qui retrace le règne d’Elizabeth de 1947 à nos jours (diffusée depuis 2016 sur Netflix). Sorti en 2019, Royal Corgi, film d’animation belge, raconte l’histoire de Rex, chien préféré de la reine, qui voit sa vie paradisiaque bouleversée après avoir mordu par inadvertance Donald Trump, président des Etats-Unis. Lors de la célébration des 70 ans du règne d’Elizabeth II, en juin 2022, ses corgis ont été mis à l’honneur, déclinés sous forme de marionnettes géantes, statues colorées, figurines tricotées, vaisselle, biscuits…

En janvier 2020, le prince Harry et son épouse Meghan Markle font part sur les réseaux sociaux de leur volonté de « prendre leurs distances avec la famille royale ». Le couple veut mener son existence en toute indépendance, libéré des contraintes de l’institution monarchique. La presse britannique tire alors à boulets rouges sur les « voyous de la royauté ». « Harry et son épouse voulaient l’argent du beurre sans devoir faire tourner la baratte, commente Francis Balace. L’ancienne actrice américaine s’est, en outre, mis à dos son personnel, des cuisiniers aux femmes de chambre, qui ne supportait plus ses exigences sans limite. »

Cette crise du « Megxit » a secoué la famille royale. Harry, Meghan et leurs deux enfants, Archie et Lilibet, vivent aujourd’hui dans une villa de luxe du quartier de Montecito, à Santa Barbara, aux Etats-Unis, un manoir de style toscan acheté près de 15 millions de dollars. Ce retrait volontaire des enfants terribles des Windsor les a conduits à être écartés de tout rôle officiel. Le duc et de la duchesse de Sussex ont cessé de représenter Sa Majesté. La reine et son entourage n’ont pas digéré les accusations de racisme proférées par le duc et la duchesse de Sussex lors de leur entretien explosif avec la journaliste Oprah Winfrey.

Dans les faits, une transition tacite s’est imposée ces dernières années outre-Manche : le prince de Galles a remplacé sa mère nonagénaire dans de nombreux domaines, dont les déplacements à l’étranger et en province, la réception des invités d’honneur et la remise de médailles. Le 10 mai 2022, le prince Charles a lu, devant la Chambre des Lords, le discours du trône écrit par le gouvernement, la reine étant empêchée pour des raisons de santé. Les commentateurs ont qualifié ce moment « d’historique ». Elizabeth II n’a manqué la lecture du discours que deux fois au cours de son long règne, quand elle était enceinte d’Andrew, puis d’Edward.

Si Elizabeth a régné mais pas gouverné, elle a été le symbole de l’unité de la nation, rôle essentiel à une époque où les revendications autonomistes se sont faites plus pressantes, en particulier en Ecosse. En tant que cheffe du Commonwealth, elle a pu influencer en certaines occasions les décisions de politique internationale relatives aux anciennes colonies britanniques. La reine a parrainé des centaines d’organisations philanthropiques, une tradition dans la famille royale. « N’y figurent pas des groupes de défense des LGBT et autres associations militantes de ce type », relève Francis Balace.

Durant son règne à la longévité exceptionnelle, Elizabeth II parcourt les quatre coins de la planète. C’est d’ailleurs au Kenya, alors colonie britannique, que sa vie bascule. Le 6 février 1952, le roi George VI succombé succombe à un cancer du poumon. Elizabeth, qui s’est couchée princesse, se réveille reine.

Certains de ses voyages revêtiront une portée symbolique: ainsi, le 27 mai 1965, elle se rend à Berlin, alors divisé, où plus d’un million de Berlinois viennent l’acclamer. « Par sa présence et par l’enthousiasme qu’elle a déclenché, Elizabeth II, malgré les affirmations répétées venant de l’autre côté du mur, a confirmé que Berlin-Ouest appartient à la famille occidentale », écrit l’AFP.

Ses voyages au Canada, membre du Commonwealth, seront à plusieurs reprises marqués par les poussées de fièvre indépendantistes au Québec. En 1990, alors que le pays traverse une nouvelle crise constitutionnelle liée au Québec, la reine prononce devant le Parlement un discours enflammé, rédigé par elle-même et ses proches collaborateurs et non par le gouvernement canadien comme le veut la tradition. « Je souhaite du plus profond du cœur que les Canadiens s’unissent et demeurent ensemble au lieu d’insister sur les différences qui ne pourront jeter que de nouvelles semences de divisions », y affirme-t-elle.

« Plus qu’un Premier ministre, Winston Churchill a été un ami et un guide pour Elizabeth II durant les premières années de son règne, rappelle Francis Balace. La souveraine avait peu confiance en elle à l’époque, mais elle a pris de l’assurance avec l’âge, en particulier dans ses rapports avec ses chefs de gouvernement. Notre roi Baudouin, inquiet et compassé lors de son accession au trône, a connu une évolution très similaire dans ses relations avec le monde politique. »

Le prince Andrew, duc d’York, troisième enfant de la reine, a dû se mettre en retrait des activités de la monarchie et de la vie publique en raison de sa proximité douteuse avec le multimillionnaire Jeffrey Epstein, criminel sexuel décédé en prison en 2019. Les tentatives de Buckingham Palace d’étouffer le scandale dans lequel s’est englué le fils préféré d’Elizabeth n’ont pas empêché les tabloïds britanniques de revenir régulièrement sur l’affaire. En février 2022, un accord à l’amiable a été conclu entre le prince d’York et Virginia Giuffre, ancienne esclave sexuelle d’Epstein. L’Américaine de 38 ans affirmait avoir eu des rapports non consentis avec Andrew entre 1999 et 2001, alors qu’elle était mineure. Elle voulait le voir jugé lors d’un procès civil à New York. Les termes financiers de l’accord n’ont pas été dévoilés. L’affaire était embarrassante pour la famille royale. La souveraine a tout de même été contrainte de lâcher l’infréquentable : en janvier 2022, elle a privé son fils de son titre d’altesse royale, de ses titres militaires et de tous ses parrainages d’associations.

L’invasion de l’Ukraine par l’armée russe, le 24 février 2022, et la situation tragique des populations ukrainiennes n’ont pas laissé la reine indifférente. Les Windsor n’ont pas le droit d’exprimer leur opinion sur la politique intérieure ou internationale, mais la souveraine a tenu à réagir au désastre. Elle a fait un « généreux don », début mars, au Disasters Emergency Commitee, regroupement d’associations qui collectent des fonds pour répondre aux catastrophes à l’étranger. Quelques jours plus tard, lors d’un entretien avec Justin Trudeau, organisé au château de Windsor, Elisabeth II se tenait devant un bouquet de fleurs jaunes et bleues, les couleurs du drapeau ukrainien. Ce que le Daily Mail a interprété comme un message subtil de soutien au pays. Le 6 juin 2022, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait félicité la reine à l’occasion de l’anniversaire de platine de son règne

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