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Perte de bénéfices, concurrence, pub… Le streaming en zone de turbulences

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Concurrence accrue, bénéfices en recul, coupes dans les contenus, arrivée de la pub… Après des années de croissance à deux chiffres, les plateformes de streaming par abonnement doivent revoir leur modèle économique, dans un marché où, décidément, rien n’est jamais gagné.

C’est la survie des plus forts sans les dérives de Squid Game, la lutte pour le trône sans les meurtres de House of the Dragon, la course au temps de cerveau des abonnés sans l’avidité – quoique – d’un zombie de The Last of Us. Ces quinze dernières années, les plateformes de vidéo à la demande par abonnement (ou SVOD, pour Subscription Video on Demand) ont connu un essor fulgurant, poussé par une reconversion au départ anodine au sud de la Silicon Valley. Quand Netflix se lance dans le streaming en 2007, délaissant la location et la livraison à domicile de DVD, elle accélère le bouleversement attendu des modes de diffusion et de consommation des contenus fictifs ou documentaires. Voici venue l’ère de la vidéo «over-the-top» (OTT): plus besoin de télévision, ni même d’un opérateur télécom, pour piocher allègrement, jusqu’à la boulimie, dans un catalogue en pleine expansion. Assouvir l’envie du consommateur, où et quand il le souhaite. Le modèle de Netflix, poussant d’emblée bien plus loin son appétit que les acteurs existants de la vidéo à la demande, était voué à connaître un engouement sans précédent, facilité par l’adoption des supports mobiles.

Après l’hypercroissance, serait-ce déjà la récession? Les acteurs établis entrent à tout le moins dans une phase de stabilisation.

Entreprises technologiques, chaînes de télévision, opérateurs télécoms, studios de production… Il n’en fallait pas davantage pour que d’innombrables acteurs se lancent, à grand renfort de milliards d’euros, dans la course du streaming. L’ endettement n’est pas un problème, puisqu’il s’agissait avant tout, du moins pour les plus grands d’entre eux, d’écraser la concurrence, en jouant sur les économies d’échelle. Un pari que Netflix a finalement gagné. La société californienne est désormais rentable: ses revenus divers, qu’elle doit majoritairement à ses 230 millions d’abonnés, dépassent les montants faramineux qu’elle consacre chaque année à la production ou à l’acquisition des droits de diffusion de milliers de programmes. Aujourd’hui, les principaux challengers, à savoir Amazon Prime Video et Disney+, ne peuvent pas en dire autant. Ils disposent toutefois d’une marge de manœuvre conséquente et peuvent encore rester déficitaires sur le segment «streaming» de leur modèle économique.

Mais, deux ans seulement après son dernier pic de croissance, lors de la crise sanitaire, le secteur se voit désormais confronté à d’importants signaux d’alerte, certes induits par l’inflation et la guerre en Ukraine. Au premier semestre 2022, Netflix enregistre une perte d’abonnés pour la première fois de son histoire, contribuant à faire plonger le cours de son action en Bourse. Si elle dépassera finalement ses objectifs en la matière à la fin de l’année, le bilan financier s’avère moins étincelant qu’auparavant, comme en témoignent des bénéfices nets bien plus faibles que les prédictions.

A tel point que le géant du streaming se voit contraint de licencier, de céder à l’arrivée de la publicité sur certaines formules, d’augmenter ses prix et de réduire son budget 2023 pour les productions propres. Après l’hypercroissance, serait-ce déjà la récession? Tandis que certaines initiatives échouent peu après leur lancement (Salto et Lionsgate+ en France, notamment), les acteurs établis entrent à tout le moins dans une phase de stabilisation, singulièrement dans les marchés d’ Amérique du Nord et d’Europe. Où l’argent restera toutefois bel et bien le nerf de la guerre.

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