Pour encaisser le coût du vieillissement, le gouvernement veut augmenter les recettes et diminuer les dépenses. Comment? En poussant les actifs à travailler plus, plus longtemps et en harmonisant les différents régimes.
Pousser les actifs à travailler plus, plus longtemps et «harmoniser» les différents régimes: c’est la vaste réforme que promet la coalition Arizona. Avec pour cible un horizon financier: soutenir la viabilité d’un régime dont le coût va croître durant près d’un demi-siècle encore. Ainsi, selon le comité d’étude sur le vieillissement, les dépenses de retraite, si aucune politique n’est modifiée, passeraient de 11,2% du PIB en 2023 à 12,3% en 2029, puis à 13,7% en 2070. En euros, cela représente plus de quatorze milliards supplémentaires, dont plus de six milliards d’ici à 2030. Un chiffre encore, plus éclairant: en 2050, plus de 23 euros sur 100 dépensés par l’Etat seront alloués aux pensions, contre seize euros en 1995. Un coût que l’Arizona entend freiner. Et ce sera long et graduel.
Muscler la carrière
C’est la modification la plus importante de la réforme: la notion de «travail effectif». Actuellement, un tiers de la pension est calculé sur la période d’inactivité. La définition du «travail effectif» est «toilettée». Les années de prépension (appelée désormais «régime de chômage avec complément de l’employeur»), de chômage de longue durée et d’emplois de fin de carrière pèsent moins dans le calcul de la pension. En 2027, elles ne seront pas prises en compte si elles représentent 40% de la carrière. Cette limite de 40% diminue chaque année de cinq points de pourcentage pour atteindre 20% en 2031. En clair, à partir de 2031, une période de chômage de neuf ans sur une carrière de 45 ans ne sera plus intégrée au calcul de la pension.
Cette nouvelle estimation rend donc plus difficile l’accès à une pension complète (45 ans) mais aussi à une pension minimum, dont les conditions sont renforcées. Il faut présenter une carrière de 30 ans mais au cours de laquelle il faut avoir travaillé au moins 156 jours par an. En effet, la nouvelle définition de travail effectif s’applique également à la pension minimum. Bart De Wever entend aussi durcir les règles d’accès à la retraite anticipée. La prépension sera possible dès 60 ans à condition de cumuler 42 ans de carrière (contre 44 aujourd’hui) mais comptant chacune 234 jours de travail effectif par an.
Allonger la vie active
C’est cet instrument que l’Arizona veut utiliser. Car si l’âge légal de départ à la pension reste à 66 ans actuellement et 67 ans à partir de 2030, en réalité l’âge effectif oscille autour de 62 ans. A partir de 2026, la personne qui part avant l’âge légal –qui sert désormais de référence– sera pénalisée. C’est ce qu’on appelle «le malus», supprimé depuis 1991. Seuls les travailleurs qui présentent 35 années de travail effectif de 156 jours (et 7.020 jours au total) pourront jouir d’une retraite anticipée sans malus. Les congés de maternité, les crédit-temps destinés à prodiguer des soins et les congés de maladie de courte durée sont comptabilisés. Ceux qui ne remplissent pas ces critères verront leur pension rabotée de 2% par année d’anticipation. Ce sera 4% jusqu’en 2040 et 5% à partir de 2040. Selon un calcul réalisé par Fediplus, organisation spécialisée dans les retraites, pour L’Echo, en cash, un actif qui détale trois ans avant l’âge légal perd près de 80 euros mensuels jusqu’en 2030 et près de 200 euros mensuels à partir de 2040.
A l’inverse, travailler au-delà de l’âge légal entraîne une récompense du même ordre et avec les mêmes conditions. En gain, toujours d’après Fediplus, cela représente un bonus de 79 euros mensuels (jusqu’en 2030) et un peu plus de 170 euros mensuels (à partir de 2040).
Si, au final, la pension des enseignants diminue, elle restera supérieure à celle des autres.
Harmoniser les différents régimes
Toucher au régime plus favorable, celui de la fonction publique, permet aussi de diminuer le coût des pensions, en les alignant sur celui du privé. Comment? En relevant l’âge légal de départ et en diminuant le montant de la pension perçue par les agents statutaires. Ce n’est tout de même pas le big bang. L’Arizona réduit considérablement les avantages des fonctionnaires en matière d’âge de départ, surtout chez les militaires, les conducteurs et les accompagnateurs de train. Mais de manière très progressive: dès 2027, l’âge de départ (55 ans à la SNCB et 56 ans à la Défense) sera relevé d’un an chaque année, jusqu’à atteindre l’âge légal. Ce n’est donc qu’en 2038 pour les militaires et en 2039 pour le personnel de la SNCB que l’âge légal de départ sera aligné sur le reste de la population –dont l’âge légal est 67 ans dès 2030. De même, il ne sera plus possible pour les fonctionnaires d’épargner des jours de maladie non utilisés pour partir avant l’heure à la retraite.
L’exécutif met également fin aux «tantièmes préférentiels». Pour un agent statutaire, chaque année travaillée vaut 1,05 et lui permet donc de partir deux ans plus tôt, puisqu’il atteint plus rapidement une carrière de 45 ans. A partir de 2027, le coefficient d’augmentation sera réduit à 1, sauf pour deux groupes. Une exception est prévue pour les enseignants et les services actifs (pompiers, douaniers, facteurs, contrôleurs aériens, pilotes, etc.) en raison de la pénibilité. Pour eux, le coefficient sera réduit à 1,025 en 2032.
Quant au montant perçu, il est actuellement calculé sur leurs revenus des dix dernières années. C’est avantageux, puisqu’en fin de carrière, les traitements sont plus élevés qu’à l’entrée. A l’avenir, ce montant sera graduellement établi à partir de la moyenne des revenus de l’ensemble de la carrière (comme dans le privé). A terme, leurs retraites diminueront. Mais ce ne sera qu’en 2062, soit dans 37 ans, qu’elles seront calculées sur la base des revenus durant 45 années de carrière. La fameuse péréquation est supprimée dès 2026. Ce mécanisme permet d’aligner le montant des pensions des statutaires –en plus de l’indexation– sur les augmentations salariales des fonctionnaires actifs.
Pour autant, leur pension restera supérieure à celle des autres. Les fonctionnaires conservent en effet un mode de calcul plus avantageux. Pour les salariés et les indépendants, la pension correspond à 60% du salaire moyen brut après une carrière complète. Pour le fonctionnaire statutaire, le pourcentage s’élève à 75%. Ce qui engendre évidemment des montants différents, de l’ordre de 30% en net.