Les Belges, les plus riches du monde, vraiment? « Ce rapport oublie un élément fondamental »

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Les Belges, les plus riches du monde ? Le récent rapport du Global Wealth Report rend « très sceptique » l’économiste Bruno Colmant. D’abord, parce que son interprétation est cruciale : il convient de distinguer richesse médiane avec richesse moyenne. Ensuite, parce que l’étude en elle-même omet un élément fondamental. Explications.

Le dernier rapport du Global Wealth Report, réalisé par Credit Suisse et UBS, fait parler de lui. Et pour cause, il établit que la Belgique est championne du monde de la richesse médiane, soit le seuil de richesse que dépassent 50% de population. Avec 249.040 dollars par adulte, notre pays devance l’Australie et Hong Kong. De quoi affirmer que les Belges sont les plus riches du monde? Pas si vite.

« Ce rapport me laisse extrêmement sceptique », juge l’économiste Bruno Colmant (ULB), membre de l’Académie royale de Belgique. « En réalité, ils ont réalisé une somme de la richesse mobilière et immobilière, mais ils ont omis d’y soustraire les dettes hypothécaires et les crédits, qui sont gigantesques. C’est un élément fondamental, car si on demande aux Belges moyens ce qu’ils possèdent, peu arriveront à 250.000 euros s’ils déduisent leurs emprunts », argumente-t-il.

Autre chiffre qui nourrit l’incrédulité de l’économiste : 40%. C’est le pourcentage de Belges qui, selon lui, ont frôlé le seuil de pauvreté en 2022 à cause de l’inflation. « Je suis donc préoccupé par ce rapport, qui contient surtout des données macroéconomiques peu affinées. »

Les Belges, les plus riches ? La richesse médiane n’est pas la richesse moyenne

D’autant plus que la Belgique est loin d’être en tête de l’autre classement établi par l’étude, celui de la richesse moyenne, dominé par la Suisse.

A ne pas confondre avec la médiane, la moyenne prend en compte le PIB annuel, divisé par le nombre d’habitants. « A ce niveau-là, on n’est pas du tout numéro 1 », fait remarquer Bruno Colmant.

Néanmoins, l’étude de Credit Suisse fait sens à certains égards. « Ce qu’elle dit, c’est qu’on est un pays très endetté au niveau de l’Etat, et plutôt riche au niveau des particuliers. Le fait que notre richesse médiane soit assez élevée signifie tout simplement qu’on dénombre moins de pauvres chez nous que dans d’autres pays. »

Pour Bruno Colmant, cette conclusion démontre également que la Belgique abrite une société assez égalitaire, à l’opposé de ce qu’on observe aux Etats-Unis, par exemple. « La Belgique est plutôt un pays de classe moyenne. C’est-à-dire que beaucoup de citoyens sont confortables économiquement, mais tous ensemble. En d’autres termes, peu deviendront milliardaires du jour au lendemain. La richesse médiane capture bien cet aspect. »

Pourquoi la Belgique se démarque-t-elle autant au niveau de la richesse médiane ?

Bruno Colmant y voit deux causes principales. « D’abord parce que notre pays héberge des centres d’actionnariats avec des sociétés très importantes. »

« Mais, surtout, poursuit-il, le Belge est un épargnant-né. Notre pays a un taux d’épargne très important. Les gens veulent posséder une maison très jeune. La mentalité n’est pas la même en France ou en Espagne, par exemple, où la location reste importante. Le fait d’avoir cette propension d’épargne importante et de vouloir être propriétaire rapidement font que les gens dépensent beaucoup au début de leur vie, mais ont un actif immobilier considérable ensuite. »

Enfin, au cours de l’année 2022, la fortune privée nette totale a chuté de 2,4% au niveau mondial. Une première depuis la crise financière de 2008. Pour Bruno Colmant, cette baisse s’explique principalement par « la crise du Covid, qui a ralenti l’activité économique pendant plusieurs mois et dont les répercussions se font ressentir avec un peu de retard. »

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