Dysmorphie financière
Pour les ménages belges, un million d’euros de capital et 5.500 euros net par mois et par ménage sont indispensables pour être heureux. © Getty Images

La moitié des Belges ne peut se passer d’un revenu complémentaire: dysmorphie financière ou besoin réel?

Alors qu’une majorité de Belges se dit satisfaite de son salaire, certains travailleurs estiment nécessaire d’obtenir des revenus supplémentaires, par exemple via un flexi-job ou un statut d’indépendant complémentaire.

Pour le Belge, le salaire peut être un sujet sensible, voire tabou. Mais dans un climat d’incertitudes économiques, les langues se délient. Sept travailleurs belges sur dix ne s’en cachent pas: ils souhaiteraient disposer de plus de revenus, selon un sondage réalisé par la caisse d’assurances sociales Xerius.

Non que leurs revenus les mécontentent –57% des travailleurs jugent d’ailleurs leur salaire satisfaisant à très satisfaisant–, mais 35% des personnes interrogées estiment qu’un revenu complémentaire leur est indispensable. Pour 13%, cet argent supplémentaire est même «très indispensable». Pourtant, la majorité des Belges affirme ne pas avoir de problèmes financiers, et 44% de ces travailleurs sont même en mesure d’épargner.

Des différences entre Gen Z et baby-boomers

Près de 30% des répondants ne peuvent cependant pas en dire autant, parvenant à peine à joindre les deux bouts, sans aucune marge de manœuvre financière. «Ce ne sont pas les jeunes qui ont des problèmes financiers, mais les plus de 45 ans, commente Stéphanie Gowenko de Xerius. La génération Z (1995-2012) et la génération Y (1980-1994) s’en sortent très facilement. Leur situation diffère radicalement de celle de la génération X (1965-1979) et des baby-boomers (1946-1964). Ces deux dernières générations travaillent davantage à temps partiel et ont moins souvent une activité complémentaire.»

D’après le baromètre 2024 d’Easyvest portant sur le lien entre argent et bonheur, la génération Z aurait des aspirations financières moins élevées que leurs prédécesseurs. «De façon générale, les aspirations en termes de capital semblent diminuer avec les générations, comme si le présent semblait davantage importer aux jeunes que l’avenir, avance la fintech spécialisée en gestion de portefeuille et en conseils d’investissement. Mais le potentiel manque de recul de la plus jeune génération par rapport au coût de la vie –notamment du fait de l’immobilier ou de la charge familiale– pourrait aussi expliquer ce désintéressement relatif.»

Selon Statbel, en 2022, un travailleur à temps plein gagnait en moyenne 4.076 euros brut par mois. Le salaire médian était, lui, de 3.728 euros brut par mois. C’est plus que les 2.300 euros brut mensuels qui seraient nécessaires, selon la FGTB, pour vivre décemment en Belgique. Ces montants ne sont toutefois pas suffisants, selon l’enquête d’Easyvest. Pour les ménages belges, un million d’euros de capital (net de dette) et 5.500 euros net par mois et par ménage sont indispensables pour être heureux. Des chiffres loin des niveaux réels de capital et de revenu des quelque 1.600 personnes interrogées par le baromètre, qui se situent plutôt à respectivement 440.600 et 4.460 euros.

Dysmorphie financière

Cette obsession de l’argent porte désormais un nom: la dysmorphie financière. Elle se caractérise par une déformation de la perception qu’ont les individus de leur situation financière, qu’elle soit sous ou surévaluée. Les réponses sont diverses: dépenses à outrance, dettes pour maintenir un train de vie, ou, à l’inverse, épargne parcimonieuse. Les réseaux sociaux jouent ici un rôle non négligeable. Avec un principe simple: être vu. Les utilisateurs aspirent à avoir le même train de vie que les influenceurs, tandis que certains font tout (ou presque) pour que les autres croient qu’ils ont une vie de rêve.

Le terme dysmorphie financière n’est pas reconnu en tant que pathologie psychiatrique ou psychique officielle, néanmoins, de nombreux thérapeutes et experts financiers l’utilisent pour qualifier les angoisses financières irrationnelles. Hélène Ducourant, sociologue de la consommation interrogée par Le Monde, se montre cependant prudente. Pour elle, le concept de dysmorphie financière n’est rien de moins qu’un symptôme de la psychologisation du social.

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