L’or continue à se démarquer en bourse. Lundi, le prix de l’once a atteint 3.809 dollars, soit une hausse d’environ 45% depuis le début de l’année 2025. Un investissement devenu incontournable? Dans le contexte géopolitique actuel, miser sur le métal précieux comporte des avantages indéniables, mais aussi un revers de la médaille…
Un record absolu. Lundi, le prix de l’once d’or (environ 31,1 grammes) a augmenté de 1,3% au début des échanges, pour atteindre 3.809 dollars. Le métal précieux n’avait jamais été aussi cher. Serait-ce le bon moment pour miser sur cette valeur refuge?
Si sa tendance boursière à la hausse est indéniable, l’or engendre souvent mythes, fascinations et fausses informations. Dans l’imaginaire collectif, il campe toujours sur la première place du podium… souvent à tort.
Mais depuis début 2024, «l’or est clairement un bon investissement», juge Anh Nguyen, professeur en finance (UCLouvain) et gestionnaire de fonds (Nagelmackers). Rien que sur l’année 2025, le prix de l’or a déjà augmenté d’environ 45%, soit nettement plus que de nombreux autres investissements. En trois ans, la hausse de ce précieux métal se chiffre à plus de 130%.
Valeur de l’or en augmentation: l’action des banques centrales
Plusieurs raisons expliquent cette percée. La principale vient des banques centrales qui, ces dernières années, ont fortement redirigé leurs achats vers l’or. De cette manière, elles constituent des réserves de change. Une sorte de réserve stratégique qui se différencie de la devise nationale. «L’or fait partie de la diversification des avoirs des banques centrales», indique Bernard Keppenne, Chief Economist chez CBC.
Historiquement, les banques centrales ont pourtant sous-investi dans l’or. La tendance s’est désormais inversée, et, depuis deux bonnes années, elles investissent massivement dans le métal jaune.
La Chine, par exemple, a acquis plus d’or qu’elle ne comptait en acheter au départ. Au regard des sanctions prises par les Européens et les Américains à l’encontre de la Russie, d’autres pays (notamment d’Europe de l’Est) se sont rendus compte que l’or les protégeait en cas de choc économique. «Il se trouve physiquement dans les coffres des banques centrales nationales et n’est pas impacté par les mesures de rétorsion en cas de conflit», relève Bernard Keppenne.
La dynamique initiée par les banques centrales, inhérente à l’instabilité géopolitique mondiale, se chiffre très clairement. En 2022-2023, environ 1.000 tonnes d’or ont été achetées par les institutions nationales. «Les banques centrales achètent de l’or en vendant du dollar, rappelle Anh Nguyen. C’est une bonne façon, pour elles, de diversifier leurs réserves.»
L’or et l’effet Trump
Ce n’est pas tout: le retour au pouvoir de Donald Trump a déclenché une véritable ruée vers l’or chez les Américains, qui ont redouté que le métal soit impacté par de nouvelles taxes douanières à l’importation, chères au président américain. Bon nombre de citoyens ont fait des provisions avant qu’il ne soit trop tard… «Beaucoup de particuliers et de banques américaines ont rapatrié de l’or en grande quantité au printemps 2025. Des tonnes d’or –physique, donc– ont été déplacées du Royaume-Uni vers les Etats-Unis par bateaux, explique le professeur de finance. Le retour de Trump augmente l’incertitude et la potentielle volatilité des marchés, ce qui pousse les investisseurs à se tourner davantage encore vers l’or, dont la qualité première reste la protection.»
En outre, les attaques à répétition du locataire de la Maison-Blanche contre la banque centrale américaine, la FED, et la politique douanière agressive du gouvernement américain renforcent les inquiétudes quant à l’indépendance de la banque centrale.
Aux Etats-Unis, l’or physique est principalement stocké à Fort Knox, base militaire située au Kentucky. Elle abrite 274 milliards de dollars en lingots d’or. En Europe, une réserve stratégique se situe à Londres.
Or: le contexte de baisse des taux
Le contexte géopolitique n’est pas le seul facteur qui explique la hausse de l’or. La baisse successive des taux d’intérêt par la BCE (malgré une pause en juillet 2025) a également incité les investisseurs à se repositionner sur l’or. Pourtant, les observateurs ont souvent tendance à dire que «l’actif ne rapporte rien». Dans le sens où conserver un lingot d’or ne va pas fournir des revenus. Contrairement à l’obligation, qui va générer de l’intérêt, et l’action, qui donnera du dividende. «Mais lorsque les taux baissent, l’or, qui ne donne “rien”, devient plus attractif. Son intérêt relatif augmente, souligne Anh Nguyen. On constate un mouvement de sortie des marchés obligataires vers l’or.»
Lorsque les taux baissent, l’or, qui ne donne «rien», devient plus attractif. Son intérêt relatif augmente.
Miser sur l’or n’a pour autant rien d’un «investissement miracle», nuance Bernard Keppenne. «Pendant 10 à15 ans, l’or n’a pratiquement pas bougé, il a même été fortement corrigé, et les investisseurs ont réalisé des moins-values, rappelle le Chief Economist chez CBC. C’est un actif qu’il est intéressant d’avoir dans son portefeuille, mais de façon limitée.»
Quelle proportion de son portefeuille faut-il consacrer à l’or?
L’or physique peut en outre déboucher sur une série de contraintes pratico-pratiques: il faut pouvoir le négocier et le stocker, ce qui engendre des frais supplémentaires. L’économiste conseille dès lors «de réserver 3 à 4% de son portefeuille d’investissement à l’or, mais jamais plus.»
Quant au type d’investissement, Anh Nguyen suggère de se diriger vers de l’or papier (ETF), semblable à une action, qu’on peut facilement acheter via sa plateforme boursière. «Il faut s’assurer que cet ETF propose de l’or physique, qui renforce l’investissement. Cette option a l’avantage d’être assez limpide: on peut acheter et revendre facilement. Une flexibilité qui est plus complexe avec l’or physique», compare Anh Nguyen.
La troisième possibilité réside dans l’achat d’actions minières. «On parle alors d’un investissement indirect et plus risqué, car ces sociétés peuvent avoir leurs propres problèmes… et leurs cours peuvent se différencier du cours de l’or.»
On peut réserver 3 à 4% de son portefeuille d’investissement à l’or, mais jamais plus.
Bref, l’or n’est pas l’actif qui va donner le plus de rendement direct sur le long terme. Il protège surtout de l’inflation. Sur une petite dizaine d’années, le rendement moyen du métal noble est de l’ordre de 5 à 6%. «L’or ne produit pas de revenu, c’est son gros problème. Il est utile en fond de portefeuille, en guise de matelas de sécurité. Il permet de pouvoir convertir son épargne en cash, sans devoir vendre des actions qui, elles, dans les moments difficiles, perdent en valeur», résume Anh Nguyen.
NDLR: cet article a été initialement rédigé en février 2025 et a été mis à jour par la rédaction le 29 septembre 2025.