Les banques belges poursuivent l’abaissement des taux sur les comptes d’épargne et ce n’est peut-être pas totalement terminé. L’inflation, scrutée attentivement, et la réaction de la Banque centrale européenne (BCE) seront déterminantes. Projection.
L’épargnant belge, éternel dindon de plus en plus plumé? La rapidité avec laquelle les établissements bancaires ont adapté leurs taux à la baisse, dans le sillage de la dernière décision de la Banque centrale européenne (BCE), le laisse penser. L’institution a en effet diminué ses taux directeurs de 25 points de base au début du mois de juin, ramenant le taux de facilité de dépôt à 2%.
Cette nouvelle baisse, la huitième depuis l’été 2024, lorsque le taux s’établissait encore à 4%, permet de revenir à un niveau considéré comme «neutre», car similaire à l’inflation. «Nous sommes tout proche de la fin du cycle de diminution avec ce niveau de 2%. Ces baisses successives étaient attendues et anticipées. La BCE a maintenant annoncé une pause, ce qui devrait maintenir ce niveau jusqu’en septembre, avec une possible nouvelle baisse à ce moment-là, c’est en tout cas ce qu’on anticipe. Mais depuis l’annonce de la BCE début juin, il y a clairement une couche d’incertitude qui s’est ajoutée», analyse Charlotte de Montpellier, économiste chez ING.
Cette incertitude concerne notamment la situation en Iran, avec l’entrée des Etats-Unis, de manière frontale, dans le conflit qui oppose la République islamique à Israël. Le risque d’inflation est là, avec des impacts possibles sur les prix du pétrole et de l’énergie. «On ne peut pas prédire tout ce qui se passera. Mais la BCE sait que le monde est plus inflationniste aujourd’hui. Elle anticipe le fait que ce sera encore le cas à l’avenir, dans les prochaines années. Donc les taux d’intérêt devraient rester un peu plus élevés que ce qu’ils étaient auparavant, pour combattre cette hausse des prix. L’institution n’a pas tellement de raison d’aller plus bas que ce taux», poursuit-elle.
La passivité qui rapporte… aux banques
Une nouvelle baisse des taux directeurs en septembre, cela signifie un risque de voir à nouveau les taux des comptes d’épargne, fortement liés, suivre le mouvement. «Il y a effectivement encore un peu de marge pour certaines baisses si on anticipe cette diminution côté BCE. Cela étant, il faut bien se dire que les taux sont déjà particulièrement bas en Belgique, autour de 0,8% en moyenne, par rapport à d’autres pays européens. Sur certains comptes qui rapportent, tout compris, seulement 0,5%, que peut-on encore véritablement diminuer?», s’interroge Nicolas Claeys de Testachats invest.
Les taux de base de nombreux comptes s’affichent effectivement sous le demi-pourcent et la prime de fidélité reste un instrument qui demande de la patience, avec l’obligation de ne pas toucher à son argent pendant douze mois. C’est pourtant via ce biais que les meilleurs taux se dénichent. «Les meilleurs comptes d’épargne sont effectivement ceux jouant sur la prime de fidélité, avec des conditions particulières. On déniche encore plus de 2% voire 2,5% sur certains produits spécifiques, avec un montant minimum ou maximum à détenir, ou bien avec des versements mensuels limités à quelques centaines d’euros. Cela demande de la patience pour bouger son argent via ces produits d’épargne, mais perdre 0,1% de primes de fidélité pour multiplier par six le taux global via un autre compte épargne, cela reste une possibilité à étudier. Le problème vient du fait que les clients laissent encore trop souvent dormir leur argent sur des produits « historiques », qui ne rapportent plus rien. Les banques jouent sur cette passivité et en bénéficient», constate l’expert en investissement.
«Si baisse il doit encore y avoir, chaque institution décidera où c’est le plus important de maintenir les taux plus élevés et où elle peut se permettre de les baisser. Cela dépend de la stratégie commerciale de chaque banque, ajoute Charlotte de Montpellier. Maintenant, d’un point de vue plus global, c’est clair qu’en regardant les comptes à terme par exemple, on ne retrouvera pas les niveaux d’il y a quelques mois. La situation a nettement changé. Certaines banques baisseront peut-être encore un peu les taux sur ces produits. Sur les comptes d’épargne en revanche, il reste probablement moins de marge de manœuvre. Mais encore une fois, chaque institution bancaire posera ses choix.»
Ne pas laisser l’inflation grignoter son épargne
Le client doit donc éviter de rester les bras croisés, car même en restant dans son établissement bancaire, il reste des possibilités d’épargner mieux, sans risque, avec de meilleurs produits. Même si battre l’inflation avec un simple compte épargne s’apparente à une chimère. «Chacun fera le bilan dans sa situation, mais en effet, laisser dormir son argent sur un compte épargne est souvent pénalisé, car l’inflation dévalue la valeur de l’argent. C’est d’autant plus vrai en Belgique, où l’inflation a eu tendance ces dernières années à être plus forte qu’au sein de la zone euro», ajoute l’économiste d’ING.
Comment sécuriser au mieux son argent? Tout dépend de l’horizon et des risques que l’épargnant est prêt à prendre. Le compte épargne présente l’intérêt d’être très liquide, permettant de récupérer son argent à tout moment. Les comptes à terme d’un an, que certains ont sécurisés lorsque les taux étaient plus favorables l’été dernier, arriveront à échéance prochainement et ces produits n’affichent plus les mêmes rendements aujourd’hui.
Pour éviter de voir son argent fondre sur un compte épargne et protéger son pouvoir d’achat, il faut donc probablement penser à une échéance un peu plus longue, en prenant potentiellement un peu plus de risques. Une opération à faire en connaissance de cause, tout en gardant un bas de laine pour les dépenses imprévues et les gros achats anticipés (nouvelle voiture, travaux, etc.). Le compte d’épargne garde une vraie utilité pour ces scénarios, avancent les deux spécialistes interrogés.
L’importance de comparer les offres
Le client a donc les cartes en main et il ne tient qu’à lui de comparer. Pour l’y aider, les banques doivent fournir un calculateur d’épargne, permettant de connaître le montant «perdu» côté prime de fidélité si l’argent quitte le compte d’épargne à tel moment. Une perte qui n’aura pas lieu lors du transfert d’argent au sein de la même banque, sur un produit d’épargne différent, pour peu que le montant soit d’au moins 500 euros et dans la limite de trois opérations par an.
«Quand on voit la lenteur à laquelle les banques ont remonté les taux lors des hausses de la BCE et la vitesse de diminution actuelle, c’est effectivement décourageant pour l’épargnant. Le secteur bancaire reste une forme d’oligopole en Belgique, contrôlé par quelques grands établissements, déplore encore Nicolas Claeys. Les taux ne sont pas toujours très lisibles et nous plaidons depuis longtemps pour la fusion du taux de base et de la prime de fidélité. Mais il faut oser comparer et utiliser les outils à disposition pour cela. L’épargnant doit se réveiller et bouger, particulièrement s’il se contente de laisser dormir ses économies sur un compte d’épargne historique», conclut-il.