Les cartes de crédit s’affichent à tous les prix, ceux-ci étant liés aux services offerts, à la limite de prélèvement, au type de remboursement, aux assurances éventuelles. Un même produit peut coûter beaucoup plus cher d’une banque à l’autre. Gare aussi aux coûts oubliés.
Ce bout de plastique, glissé dans le portefeuille, est peut-être la dernière chose à ne pas oublier avant de partir. La carte de crédit offre une sécurité au moment de profiter de ses vacances, étant acceptée pratiquement partout et offrant une facilité de paiement confortable.
Visa ou Mastercard, classique ou gold, avec ou sans assurances, avec ou sans services supplémentaires, à paiement différé ou étalé: comparer les cartes de crédit proposées en Belgique expose à un dédale de prix et de conditions diverses. Avec un client noyé, et parfois captif d’une proposition au sein de sa banque, qu’il accepte par défaut de comparaison, sans savoir qu’il peut parfois trouver moins cher ailleurs.
«Les cartes sont effectivement souvent associées à des packs au sein des banques et elles incluent divers avantages, comme des assurances, une assistance, du cashback, etc. Grâce à ces services, les banques incitent les clients à regrouper tous leurs produits, que ce soit l’épargne, l’assurance ou les crédits, ce qui renforce la relation avec le client et le fidélise», analyse Mikael Petitjean, professeur de finance à l’UCLouvain.
Pour les émetteurs des cartes de crédit, des rentrées financières multiples
Une fois la carte obtenue, la banque profite de rentrées provenant de plusieurs postes, notamment des commissions. «Les services offerts via les cartes de crédit permettent aux banques de capter des revenus stables, qui peuvent être importants, car les banques perçoivent une commission interbancaire sur chaque transaction», explique le professeur. L’an dernier, 283 millions de paiements par cartes de crédit belges ont été effectués, dont 220 millions à l’étranger, selon les données de la Banque centrale européenne. Même en ne captant que quelques centimes par opération, les sommes en jeu peuvent être importantes.
Ensuite, il y a le prix de possession et d’utilisation de la carte de crédit, le coût visible que le client peut facilement comparer. «Les frais liés à une carte de crédit peuvent en effet varier considérablement, principalement en fonction des limites d’utilisation, des services et des assurances associées, détaille Julie Frère de Testachats. Mais le vrai coût ne vient pas tant du prix de la carte de crédit. Celle-ci, parfois gratuite avec un pack comprenant un compte courant dans une banque, s’accompagne de l’ouverture d’une ligne de crédit. C’est là que se trouve le vrai modèle économique.»
Une mine d’or potentielle pour les établissements proposant du crédit à la consommation, qui «n’est d’ailleurs pas sans présenter un risque de surendettement», prévient encore Testachats. Mieux vaut bien se renseigner sur le TAEG (taux annuel effectif global) de sa carte en cas de retard de paiement ou dans le cas d’un étalement du remboursement. «Le TAEG dépend du risque présenté par le client mais aussi du coût de refinancement, soit le prix auquel une banque emprunte des fonds pour financer ses activités. Pour réaliser une marge bénéficiaire, la banque doit emprunter à un coût inférieur au TAEG, sachant qu’elle doit couvrir le coût de refinancement, ses coûts opérationnels et les provisions pour risque, liées au non-remboursement», poursuit Mikael Petitjean.
Quel type de carte bancaire?
Le TAEG, tout en restant dans les clous légaux (maximum 16,5% actuellement), peut varier plus ou moins fortement selon les établissements, et également selon le type de carte. La «vraie» carte de crédit, qui offre une réserve et permet un étalement des paiements grâce à l’ouverture d’une ligne de crédit, peut avoir un taux différent des cartes de crédit dites «à débit différé», qui reportent à un moment précis du mois les paiements à effectuer. L’argent est alors seulement avancé par la banque, pour quelques jours, avant d’être débité du compte en banque. Si la réserve est suffisante, les frais ne s’appliquent pas, le taux aura peu d’importance.
Les «néobanques», 100% numériques, peuvent ici offrir de meilleures offres aux clients, grâce aux frais de fonctionnement réduits par rapport aux banques traditionnelles. Avec d’autres limitations malgré tout. «Elles ont souvent un IBAN non belge et ne sont pas toujours couvertes par le fonds de garantie belge. Elles proposent principalement des cartes à prépaiement ou à débit différé. Peu de néobanques offrent une vraie réserve de crédit ou une réserve renouvelable, style cartes Gold/Platinum avec TAEG», constate encore le professeur.
Outre les banques, d’autres opérateurs comme des chaînes de magasins proposent des cartes de crédit, parfois à bon prix et certaines selon le principe de l’ouverture de crédit. La possession de la carte est parfois gratuite, la chaîne espérant réaliser sa marge via le remboursement et ses intérêts. «Plusieurs enseignes comme Media Markt, Fnac ou Carrefour proposent des cartes de crédit avec réserve, utilisables dans leur réseau et au-delà. Ils agissent comme intermédiaires entre le client et Buy Way, qui est le prêteur officiel. Ils s’attaquent effectivement au marché du crédit à la consommation de proximité, ce qui pousse les banques à repenser leurs produits pour rester attractives», avance Mikael Petitjean.
Les enseignes proposent également des offres d’achats avec paiement étalé, non lié à une carte de crédit, mais fonctionnant sur le même principe d’une avance d’argent. Combien représente toutes ces nouveautés sur le marché du crédit alternatif? «Cela reste difficile à évaluer avec précision, mais le marché belge « hors banques traditionnelles » devrait se situer au minimum autour de 500 millions d’euros annuels, avec un potentiel pour atteindre près d’un milliard d’euros dans les prochaines années», ajoute-t-il.
D’autres coûts pour l’utilisation
Au moment de la comparaison, le prix de possession du moyen de paiement peut donc difficilement faire la différence à lui seul. La confusion entre carte à débit différé et à étalement de paiement est parfois savamment entretenue, noyée dans les petits caractères des conditions d’utilisation. Et les nouveaux acteurs, bancaires ou hors banque, complexifient encore le jeu de la comparaison.
Ces différences s’accompagnent également d’autres coûts moins évidents, notamment en vacances. A l’étranger, en restant dans la zone euro, les paiements Visa ou Mastercard n’occasionnent pas de frais supplémentaires. Hors zone euro, le taux de change et d’éventuels frais de conversion s’ajoutent à l’addition, tant pour une carte de crédit que de débit d’ailleurs. «Nous conseillons aux clients de bien se renseigner sur les taux de change des banques. En général, payer par carte de crédit revient moins cher. Le retrait d’argent cash par carte de crédit s’accompagne également de frais, partout, même dans la zone euro. Mieux vaut donc, si nécessaire, plutôt faire un seul gros retrait que plusieurs petits», conseille Charline Gorez, porte-parole de Febelfin, qui chapeaute le secteur bancaire belge.
A prendre en compte également, le montant limite qui peut être utilisé via sa carte, pouvant grimper jusqu’à plusieurs milliers d’euros pour les cartes premium. Chaque carte possède une limite de base qui peut être modifiée, parfois seulement un nombre restreint de fois par année. Augmenter ce montant pour les vacances réduit donc déjà les possibilités. Ce qui ajoute un nouveau motif de complexité pour juger les différentes offres… Au moment du comparatif final, avec tous ces critères, le consommateur n’oubliera pas que la règle reste immuable: ce qui coûte de l’argent, c’est d’en emprunter, que la carte soit gratuite ou payante.