7 outils de planification successorale pour les familles recomposées
Plusieurs instruments permettent aux familles recomposées, quelles qu’elles soient, d’organiser leur succession. Tous ont leurs particularités et leurs limites.
Les familles recomposées peuvent déroger à la dévolution légale et organiser leur succession, pour différentes raisons: éviter les discussions le décès venu, protéger les enfants d’une précédente union, préserver le conjoint ou partenaire, établir une forme d’équilibre entre les uns et les autres ou encore léguer quelque chose à des beaux-enfants avec lesquels des liens particuliers auraient été tissés. Pour ces divers cas de figure, des outils existent. Seuls ou combinés, ils permettent de réaliser des planifications successorales adaptées à une grande variété de situations familiales.
Protéger les enfants d’une précédente union
On peut vouloir protéger ses enfants au-delà de ce que prévoit la dévolution légale. Pour éviter qu’ils se sentent lésés par rapport au conjoint survivant, par exemple, ou pour anticiper des tensions futures entre ce dernier et ses beaux-enfants, appelés à devenir respectivement usufruitier et nus-propriétaires dans le scénario prévu par la dévolution légale.
Dans ce cas, le pacte Valkeniers peut être une bonne option. Spécialement imaginée pour les familles recomposées, elle permet de limiter les droits successoraux du conjoint survivant et, plus précisément, de toucher à son droit d’usufruit sur l’ensemble de la succession. Dans l’hypothèse la plus «ambitieuse», elle permet ainsi de n’octroyer au conjoint survivant qu’un droit d’habitation sur la maison familiale et un droit d’usage sur les «meubles meublant» d’une durée de six mois.
«Mais on n’est pas obligé d’aller si loin, affirme Ariane Joris, responsable du département Estate Planning chez Degroof Petercam. Dans le cadre d’une clause Valkeniers, on peut aussi prévoir de limiter le droit d’usufruit sur le logement familial ou sur une résidence secondaire, par exemple.»
Cette clause s’ajoute au contrat de mariage. Les époux doivent donc obligatoirement s’entendre sur le fait de l’introduire, même si elle ne doit pas être forcément réciproque.
Plus connu, le testament est un autre outil qui permet de limiter les droits successoraux du conjoint survivant. Avec cette option, impossible d’aller aussi loin qu’avec la clause Valkeniers puisque la législation prévoit qu’en cas de testament, on ne peut toucher à la réserve du conjoint survivant, laquelle est au moins constituée de l’usufruit de la moitié de la succession et doit comprendre au moins l’usufruit du logement familial. Par ailleurs, le testament est, lui, une démarche unilatérale.
Prémunir le partenaire survivant
Il est possible, à l’inverse, de protéger le partenaire ou le conjoint survivant et d’organiser la succession de telle sorte qu’il reçoive davantage que prévu dans le cadre de la dévolution légale. Par exemple qu’il recueille la pleine propriété sur des biens ou des actifs.
Une première façon de faire est d’utiliser la donation ou le testament. En la matière, la législation a posé des limites. Il n’est pas possible de léguer à son partenaire, à son conjoint ou à toute autre personne d’ailleurs, plus de la moitié de son patrimoine. Et ce, pour une raison simple: la moitié de celui-ci est réservée aux enfants. C’est ce qu’on appelle la réserve légale. «Il faut, en outre, toujours garder à l’esprit que, sauf clause particulière, ce qu’on donne à son partenaire ou à son conjoint reviendra, au décès de ce dernier, à ses enfants à lui…», prévient Ariane Joris.
Si l’on veut favoriser son conjoint – le cohabitant de fait ou légal n’est ici pas concerné –, il est également possible d’inclure certaines clauses dans le contrat de mariage. C’est le cas, notamment, de la clause dite d’attribution optionnelle. Elle permet à des conjoints mariés sous le régime de la communauté des biens ou sous celui de la séparation des biens avec adjonction d’une société d’acquêts de se laisser une possibilité au moment du premier décès: celle pour le survivant de recueillir en pleine propriété une partie ou même la totalité des biens du patrimoine commun. «Attention, il ne faut toutefois jamais perdre de vue la question de la réserve légale, souligne la responsable Estate Planning de Degroof Petercam. Elle ne peut en aucun cas être affectée.»
Assurer un équilibre entre partenaire et enfants
Il est aussi possible de favoriser son partenaire sans pour autant défavoriser ses enfants. La clause «de residuo» – à insérer dans une donation ou un testament – autorise ce genre d’équilibre grâce à un mécanisme original permettant de désigner des bénéficiaires successifs: d’abord son partenaire puis, au décès de celui-ci, ses enfants et non ceux du partenaire, comme le prévoit normalement la législation.
La clause de residuo ne peut toutefois pas tout. Par exemple, elle ne peut empêcher le premier bénéficiaire – c’est-à-dire le partenaire – de disposer librement des biens reçus. A son décès, les seconds bénéficiaires ne recevront que ce qui reste.
«Si l’on choisit cette option, il faut veiller à ce que les biens soient encore suffisamment traçables au moment du décès du partenaire survivant, conseille Ariane Joris. Et qu’ils puissent être distingués de ce qui était ses actifs propres.»
De nouveau, les dispositions prises ne peuvent en aucun cas affecter la réserve légale.
Léguer quelque chose à des beaux-enfants
La réalité des familles recomposées est parfois celle de beaux-parents et de beaux-enfants qui ont vécu de nombreuses années sous le même toit. Des liens forts peuvent avoir été tissés avec l’envie de traduire plus tard cette proximité dans une succession. «Pour le faire, il existe là aussi plusieurs possibilités, informe Ariane Joris. Mais il est nécessaire d’y songer car des beaux-enfants n’héritent pas automatiquement d’un beau-père ou d’une belle-mère. Si l’on veut que ce soit le cas, je conseille de toujours en informer ses propres enfants pour éviter toute mauvaise surprise au moment du décès.»
La première des solutions est, bien sûr, la donation ou le testament. Dans ce cas de figure comme dans les autres, la réserve légale ne peut être affectée. Et si elle l’est, les enfants pourront contester et intenter une action en réduction à l’égard des beaux-enfants. Il est toutefois possible, depuis plusieurs années, de tenir à l’écart de ce «calcul» certaines donations effectuées dans le passé à l’avantage des beaux-enfants. Comment? En concluant ce qu’on appelle un pacte successoral global avec les enfants et les beaux-enfants. Par celui-ci, les premiers renoncent à intenter une action en réduction contre les seconds.
Une autre option existe: l’adoption. En effet, un beau-père ou une belle-mère qui aurait tissé des liens forts avec son bel- enfant peut décider de l’adopter. D’un point de vue successoral, la procédure a une conséquence majeure: le bel-enfant est mis sur un pied d’égalité avec les éventuels enfants biologiques et peut réclamer sa part dans la succession. Deux types d’adoption existent: simple et plénière. A travers la première, l’enfant préserve les liens avec sa famille d’origine et donc ses droits successoraux dans celle-ci. A travers la seconde, il les rompt.
Autre différence: l’adoption simple peut concerner des personnes tant mineures que majeures ; l’adoption plénière uniquement des enfants mineurs. Dans les deux cas, la démarche relève d’une procédure judiciaire. Elle est donc laissée à l’appréciation d’un juge.
Et si l’on se mariait?
Parmi tous les «outils» à disposition pour organiser une succession, une série sont liés au mariage. Comme le pacte Valkeniers ou la clause d’attribution optionnelle. Attention, ces deux intruments ne découlent pas automatiquement du mariage. En effet, les deux clauses doivent être ajoutées au contrat. Au moment de l’union, ou ultérieurement avec un acte modificatif.
En outre, si le pacte Valkeniers est accessible aux conjoints quel que soit leur régime matrimonial, la clause d’attribution optionnelle ne l’est qu’à ceux mariés sous les régimes de la communauté des biens ou de la séparation des biens avec adjonction d’une société d’acquêts. Ce qui est logique puisqu’il est question, pour rappel, par cette dernière, de permettre à un conjoint survivant de recueillir en pleine propriété une partie ou la totalité même du patrimoine commun ou de la société d’acquêts.
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