crédits hypothécaires
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Le bond spectaculaire des crédits hypothécaires: «Agir maintenant permet de sécuriser son pouvoir d’achat immobilier»

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

La baisse des taux hypothécaires couplée aux droits d’enregistrement réduits ont fait exploser l’octroi de crédits immobiliers au premier trimestre 2025. Un moment à saisir pour les acheteurs. Le contexte pourrait bientôt ne plus être si favorable…

52.500: voilà le nombre de contrats de crédit hypothécaire conclus en Belgique au premier trimestre de 2025. Montant total: 9,6 milliards d’euros, selon les dernières statistiques dévoilées par Febelfin, fédération belge du secteur financier. Un véritable bond pour le marché immobilier, qui voit augmenter de plus de 32% le nombre des contrats de crédit octroyés par rapport au premier trimestre de l’an dernier.

«Le nombre de demandes de crédits poursuit sa tendance positive des derniers trimestres et confirme une confiance retrouvée dans le marché de l’immobilier», commente Ivo Van Bulck, Directeur du Retail Credit Committee de Febelfin.

Crédits hypothécaires: deux effets clairs

Deux effets peuvent expliquer cette explosion des volumes de crédits hypothécaires. «Les taux, qui sont réajustés à la baisse, et les frais d’enregistrement, diminués à 3% en Wallonie», cite Jonathan Frisch, économiste chez Immoweb.

La situation actuelle contraste fortement avec les dernières dynamiques immobilières. Petit coup d’œil dans le rétro: depuis 2022, et la hausse continue des taux pendant deux ans, le marché a connu une forte baisse de la production de crédits. Avec des taux plus élevés, le pouvoir d’achat immobilier a logiquement baissé.

En janvier 2024, le secteur a même connu un creux historique dans la demande de crédits hypothécaires. Mais depuis janvier 2025, le contraste est saisissant, avec une augmentation de plus de 80% de contrats signés. Ce regain d’activité trouve un lien direct avec la baisse des taux d’emprunt moyens (de 3,8% en janvier 2024, les taux semblent se stabiliser sous la barre des 3%). «La corrélation inversée entre la baisse des taux et l’augmentation du nombre de crédits est évidente», analyse Jonathan Frisch.

Cette baisse des taux est bien l’élément fondateur: elle influe davantage sur le volume de crédits octroyés que l’effet lié aux droits d’enregistrement réduits. «Car les crédits délivrés augmentent réellement depuis janvier 2024, soit un an déjà avant l’entrée en vigueur des droits d’enregistrement réduits en Wallonie», remarque l’économiste d’Immoweb.

Crédits hypothécaires: montants empruntés et mètres carrés achetés en augmentation

Le volume des crédits contractés n’est pas le seul élément à monter en flèche. Les montants empruntés, eux aussi, connaissent une sérieuse augmentation, d’environ 51% par rapport à l’année passée, estime Febelfin. Le montant moyen emprunté pour l’achat d’un logement s’élève désormais à environ 214.000 euros. «Si les taux diminuent, le Belge achète directement davantage de mètres carrés: + 12 m² depuis décembre 2023, chiffre Jonathan Frisch. Ici, l’indexation automatique des salaires a également soutenu le pouvoir d’achat immobilier.» Ce regain intervient après une perte de près de 20 m² entre début 2022 et le point bas, en décembre 2023.

«La reprise du marché immobilier est visible, mais elle reste fragile.»

Jonathan Frisch

Economiste chez Immoweb

Si la reprise du marché immobilier est donc visible, «elle reste encore un peu fragile», tempère Jonathan Frisch. Car une certaine pression persiste en raison des taux obligataires, c’est-à-dire les taux longs auxquels les Etats empruntent qui ont fortement augmenté. «Ceux-ci servent également de référence pour les taux hypothécaires.»

Taux: des forces contraires et une stabilisation

Et donc, même si la Banque centrale européenne (BCE) a diminué ses taux directeurs pour la sixième fois consécutive (actuellement à 2,25%, le taux le plus bas depuis 2023), les taux hypothécaires se stabilisent autour des 3% et ne suivent pas la même diminution incitée par la BCE. Parce que dans leurs calculs, les banques prennent aussi en considération l’instabilité économique actuelle. «Bien que les taux directeurs baissent, la pression des taux obligataires pousse dans le sens inverse, ce qui provoque un léger réajustement et empêche les taux de crédit de suivre la courbe initiée par la BCE», relève Jonathan Frisch.

«Bien que les taux directeurs baissent, la pression des taux obligataires pousse dans le sens inverse, ce qui provoque un léger réajustement et empêche les taux de crédit de suivre la courbe initiée par la BCE.»

Jonathan Frisch

Economiste chez Immoweb

La guerre commerciale instaurée par Trump a donc un impact direct sur le crédit hypothécaire, même si celui-ci n’est pas toujours limpide. «On pourrait penser que les tarifs de Trump font baisser l’activité économique en Europe, et poussent donc la BCE à diminuer ses taux pour relancer l’économie. A contrario, les taxes américaines créent de l’inflation aux Etats-Unis, et freinent la Fed à réduire ses taux. Or, la BCE a tendance à s’aligner avec l’organisme américain. Ces forces contraires, in fine, font que les taux sont en train de se stabiliser, voire d’augmenter légèrement», analyse l’économiste.

Une fenêtre d’achat qui pourrait bientôt se refermer

Dès lors, les personnes qui ont contracté un crédit hypothécaire au premier trimestre l’ont-elles fait à un moment propice? «Oui, cette période était une belle fenêtre d’opportunité pour acheter, car les taux ne vont plus diminuer significativement, prédit Jonathan Frisch. D’autant plus que les prix, eux, et en raison de la baisse des droits d’enregistrement, ne cessent d’augmenter.» Pour l’économiste, «la fenêtre d’opportunité actuelle pourrait bientôt se refermer. Si les prix continuent à augmenter, sans baisse significative des taux, le pouvoir d’achat immobilier se dégrade.»

Il est désormais clair que les taux ne reviendront plus aux niveaux de 2022 (entre 1,5% et 2%). «C’est une réalité que les acheteurs ont accepté, ce qui explique aussi l’augmentation des achats. La frustration face à une possible occasion manquée en 2022 s’est estompée.»

Deux pics successifs

Selon une autre étude conjointe réalisée par Immoweb et Belfius, deux pics successifs d’octroi de crédits ont été observés en Wallonie. Le premier en décembre 2024 (où les volumes de crédits ont doublé par rapport à novembre 2024), le second en janvier 2025. «Le premier pic correspond à la suppression annoncée du chèque habitat en début d’année, qui a incité certains ménages à anticiper leur achat en décembre, tandis que d’autres ont préféré attendre janvier afin de bénéficier des droits d’enregistrement réduits.»

«La réduction des droits d’enregistrement a clairement influencé la production de crédits destinés aux primo-acquéreurs, avec des dynamiques différentes en Wallonie et en Flandre. Les acheteurs ont adapté le timing de leur achat en fonction des dispositifs qui leur étaient les plus favorables», explique Ruben De Winne, product manager crédit hypothécaire chez Belfius.

«La fenêtre d’opportunité actuelle pourrait bientôt se refermer. Si les prix continuent à augmenter, sans baisse significative des taux, le pouvoir d’achat immobilier se dégrade.»

Jonathan Frisch

Economiste chez Immoweb

Avec des taux hypothécaires stabilisés, des prix orientés à la hausse, et un printemps qui est historiquement le trimestre le plus dynamique en matière de prix, «le pouvoir d’achat immobilier pourrait commencer à reculer dès les mois à venir», prévoit l’étude d’Immoweb.

Dans ce contexte, donc, «les réductions des droits d’enregistrement récemment appliquées en Flandre et en Wallonie renforcent l’intérêt d’un achat rapide pour sécuriser les conditions et les prix actuels.»

Un moment à saisir. «Agir maintenant permet de sécuriser son pouvoir d’achat immobilier», assure enfin Jonathan Frisch.

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