Les acheteurs solos sont de plus en plus nombreux. En 2025, ils représentaient 54% des primo-acquéreurs en Belgique. © Getty Images/Westend61

Acheter seul est désormais plus fréquent qu’acheter en couple: les raisons de ce bouleversement immobilier

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Les acheteurs solos sont désormais majoritaires sur le marché immobilier, pointe une étude menée par Belfius et Immoweb. Une tendance surtout observée dans les grandes villes, comme Bruxelles, où près de sept primo-acquéreurs sur dix se lancent seuls. Mais leur capacité d’emprunt reste bien inférieure à celle des couples.

Se marier, acheter une maison, faire des enfants. Le modèle de réussite sociale qui a longtemps prévalu en Belgique semble s’émousser. Aujourd’hui, le couple exclusif est moins valorisé que par le passé. A tel point que pour la génération Z, avoir un petit copain serait même devenu ringard. Logiquement, ces évolutions bouleversent de nombreux pans de la société, de la chute du taux de natalité aux tendances de consommation, en passant par l’immobilier.

Pour la première fois, ce dernier recense davantage d’acheteurs solos que de duos. En 2025, 54% des jeunes acquéreurs en Belgique ont en effet investi seuls, contre 46% à deux, révèle une étude menée conjointement par Belfius Banque et Immoweb publiée jeudi. Jusqu’alors, les acheteurs solos et en duo se partageaient encore le marché à parts égales, «autour de 50/50», note l’enquête, menée sur les primo-acquéreurs ayant contracté un crédit hypothécaire auprès de Belfius Banque entre janvier et août 2025.

«Nous n’avons pas étudié les motivations spécifiques de chaque profil d’acheteurs, mais nous supposons que le phénomène s’inscrit dans la lignée de ces évolutions démographiques», expose Yousra Dahraoui, porte-parole d’Immoweb. En effet, selon Statbel, la proportion de ménages composés d’une seule personne ne cesse d’augmenter en Belgique, passant de 30 % en 1995 à 36,3 % en 2025.

«Un phénomène urbain»

La part des acheteurs solos est particulièrement élevée à Bruxelles, où deux dossiers de crédit sur trois (67%) sont introduits par une personne seule, faisant de la capitale le véritable épicentre de cette tendance. En Flandre et en Wallonie, ce pourcentage flirte avec les 52%. L’étude ne révèle toutefois pas de fossé genré. A l’échelle belge, l’achat solo concerne 51% d’hommes, contre 49% de femmes. A Bruxelles, par contre, 53% des crédits octroyés par Belfius Banque en 2025 concernaient des femmes, pour 47% d’hommes.

Autre élément marquant: ce sont surtout les centre-villes qui se révèlent être les bastions des acheteurs solos. Que ce soit à Anvers (69%), à Liège (67%), à Charleroi (63%) ou à Gand (58%), les primo-acquéreurs investissent tous davantage en solo qu’en duo. «En dehors des grandes villes, la proportion se stabilise autour d’un dossier sur deux, confirmant que l’achat en solo est avant tout un phénomène urbain», pointe l’étude.

Source: Belfius Banque & Immoweb

48% d’appartements

Un comportement d’achat qui peut s’expliquer par le nombre plus important de célibataires en ville qu’à la campagne. Car malgré les innombrables opportunités de rencontre dans les métropoles, «s’engager amoureusement et faire perdurer une relation y est parfois plus complexe qu’ailleurs», notait à ce propos la journaliste Pauline Machado dans son essai Foules sentimentales: comment la ville impacte l’amour. «L’offre du parc immobilier urbain se prête en outre mieux aux personnes seules, avec une prédominance d’appartements, relève Jonathan Frisch, économiste chez Immoweb. Alors qu’un couple avec un enfant aura tendance à s’installer davantage en périphérie, pour avoir plus d’espace et un jardin.»

D’ailleurs, en Belgique, 48 % des achats réalisés par une personne seule concernent un appartement, contre 17 % parmi les achats effectués à deux, souligne encore l’étude. Partant de ce constat, Immoweb a dressé le «portrait-type» des biens privilégiés par les primo-acquéreurs selon leur profil. En moyenne (toutes régions confondues), un acheteur solo peut s’offrir un bien à 240.000 euros, typiquement un appartement de 77 m² avec deux chambres. Les acheteurs en duo, eux, acquièrent plutôt une maison unifamiliale d’environ 162 m², au prix médian de 338.000 euros, composée le plus souvent de trois chambres et d’un parking privé.

Plus de fonds propres nécessaires

Ces disparités révèlent des capacités d’emprunt différentes. Si les acheteurs solos affichent généralement des revenus médians plus élevés que les acheteurs en duo (2.500 euros contre 2.300 euros par personne), cette supériorité ne compense pas l’avantage du double salaire. «Les personnes seules peuvent généralement emprunter moins car elles ne disposent que d’un seul revenu pour rembourser le crédit, confirme Ruben De Winne Product Manager Crédit hypothécaire chez Belfius Banque. Elles ont donc besoin, au départ, d’un apport personnel plus important

Cette différence se traduit par un taux de quotité moyen (la partie du prix du bien financée par le prêt) plus bas pour les personnes seules. Ainsi, 20% des prêts contractés par des acheteurs solos couvrent plus de 90 % du prix du bien, contre 33 % pour les achats réalisés à deux.

Bref, acheter seul comporte de nombreux défis et nécessite encore souvent une aide familiale extérieure. L’augmentation du nombre de primo-acquéreurs solos ne témoigne en rien d’une plus grande accessibilité financière, avertit Jonathan Frisch. «Il faut distinguer les faits conjoncturels de la tendance sociétale, estime l’économiste d’Immoweb. Aujourd’hui, la hausse des taux d’intérêt a réduit le pouvoir d’achat immobilier, et les prix du marché, bien qu’ils se soient un peu stabilisés, restent en hausse. S’il y a plus d’achats solos, ce n’est pas parce que c’est plus facile, mais bien parce que les évolutions structurelles et sociétales conduisent davantage vers ce type d’opération.»

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