Le nucléaire a encore de l’avenir en Belgique avec le vote, ce jeudi, d’un plan visant à assurer la stabilité des prix de l’électricité faisant la part belle au nucléaire. © BELGA

Le nucléaire est relancé en Belgique, avec l’aide de l’Arizona: «L’Etat partagera les risques avec Engie»

Sylvain Anciaux

Le parlement a adopté, ce jeudi, une proposition de loi portée de longue date par les libéraux, supprimant le plan de sortie du nucléaire et ouvrant même la porte à l’intensification de ce mode de production d’énergie. Pour l’Etat, cela aura un coût. Pour le citoyen, il est encore trop tôt pour le dire.

C’est un débat vieux de plus de 20 ans qui se clôture en séance plénière de la Chambre, ce jeudi après-midi, avec le vote d’une loi visant «à garantir la sécurité d’approvisionnement en électricité et la maîtrise des coûts du mix électrique». Alors qu’en 2003, la coalition assemblant socialistes, libéraux et écologistes déterminait l’an 2025 comme celui de la sortie du nucléaire, cette perspective s’est aujourd’hui éteinte. Peu rentable, Engie avait pourtant d’autre plans pour l’approvisionnement énergétique de la Belgique. C’était sans compter le coup de pouce financier du gouvernement Arizona (et de la Vivaldi avant lui) qui investira activement dans les réacteurs prolongés.

En clair, les réacteurs de Doel 4 et Tihange 3 sont prolongés jusqu’en 2035 après des travaux nécessaires qui pourraient coûter jusqu’à deux milliards d’euros. D’autres centrales qui se sont arrêtées ou s’arrêteront en 2025 pourraient être relancées à l’avenir. «Mais cette prolongation aura également un coût énorme, avertit Fabienne Collard, chercheuse au Crisp spécialisée dans la politique énergétique. Tihange 1, Doel 1 & 2 ne sont actuellement pas aux normes de sécurité pour être prolongées de dix ans.»

Encore trop tôt pour s’assurer d’une baisse des prix de l’énergie

Il faut dire que le mix énergétique belge a pas mal évolué, ces deux dernières décennies. «En 2024, 42% de l’électricité belge était produite par le nucléaire, et 20% par le gaz, rappelle Fabienne Collard. La proportion de nucléaire pourrait tomber à 10 ou 15% une fois qu’il n’y aura plus que deux des sept centrales en activité. Si ça ne suffit pas, il faudra faire appel au gaz, ce qui pèsera sur la facture des Belges.»

Le risque est réel. Malgré une demande historiquement basse durant l’été 2023, la consommation électrique repart depuis à la hausse. Via un système d’encadrement des prix de l’électricité, en cas de prix bas, le fournisseur d’électricité devrait y trouver son compte, tout comme le consommateur devrait être protégé en cas de tarifs élevés. Electrabel, la filière d’Engie, a proposé à la Creg (Commission de Régulation de l’Electricité et du Gaz) un prix pivot qui est actuellement examiné. Comment vont fluctuer ces prix, précisément? «C’est impossible à dire pour le moment, affirme Francesco Contino, expert en énergie et professeur à l’école polytechnique de l’UCLouvain. Le prix varie en fonction de la quantité de CO2 générée pour produire l’électricité

Engie, gagnant à tous les coups?

A ce petit jeu, Engie a plusieurs atouts dans sa main. «La politique générale d’Engie ne va plus vers le nucléaire, souligne Fabienne Collard. C’est une entreprise gazière.» La firme dispose d’ailleurs d’une nouvelle centrale à Flémalle. De surcroît, l’Etat belge a entériné une participation financière de 50% dans la filiale chargée de gérer Doel 4 et Tihange 3. «Cela coûte à Engie de poursuivre le nucléaire, admet Francesco Contino. L’entreprise ne veut probablement pas être à la merci de décisions politiques ultérieures. Les revirements des différents gouvernements impliquent de poser aujourd’hui des garanties. Désormais, l’Etat partagera les risques avec Engie.»

A travers cette révolution du paysage énergétique belge pour les 80 à 100 années à venir, selon le ministre de l’Energie Mathieu Bihet (MR), Engie va devoir traverser les obstacles liés à l’Etat. Ce jeudi, l’Echo révélait que le chiffre d’affaires du groupe observe une croissance de 5,6% au premier trimestre de 2025.

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