Le remplacement des compteurs électriques mécaniques par des modèles communicants se poursuit chez les particuliers. Si la pose du nouvel appareil est une obligation, la fonction communicante peut se refuser, moyennant démarche. Peu de ménages le font et les raisons de maintenir la connexion active gardent la préférence des experts du secteur.
Les gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) poursuivent le déploiement des compteurs électriques communicants, avec pour objectif un parc entièrement renouvelé pour débuter l’année 2030. Ces appareils permettent de mesurer l’électricité prélevée et injectée dans le réseau, afin d’envoyer ces informations en temps réel aux GRD. Une masse de données devenue essentielle, dans un marché électrique bouleversé notamment par l’expansion de l’énergie renouvelable sur le réseau.
Un rappel a fait du bruit dans ce dossier, de la part de l’Autorité de protection des données (APD), concernant la possibilité de refuser la fonction communicante de ces appareils. Dans un avis rendu fin septembre, l’APD jugeait la contrainte de l’activation de la fonction communicante ni «nécessaire» ni «proportionnée» en regard des objectifs poursuivis. Elle dénonçait également «le traitement de données relatives à la santé des utilisateurs». En effet, dans le texte amendé proposé par la ministre wallonne de l’Energie, Cécile Neven (MR), les seuls cas de refus autorisés étaient liés à la démonstration d’une électrosensibilité de la part du client final, certificat médical à l’appui.
Fin octobre, le Gouvernement wallon disait avoir tenu compte de cet avis, élargissant la possibilité d’opt-out –la désactivation volontaire de la fonction communicante– sans restriction, tout en martelant l’objectif de généralisation des compteurs communicants d’ici fin 2029. Les autorités précisent qu’environ 23% des clients Ores, 20% des clients Resa et 21,5% des clients des plus petits gestionnaires de réseau sont déjà équipés. La proportion de refus de la fonction communicante resterait faible, de l’ordre de 2% à 3%, selon la ministre Neven, interrogée en ce sens en septembre dernier au parlement de Wallonie.
Comment refuser la fonction communicante?
Pour refuser la fonction communicante, le client doit le préciser à son GRD maximum quinze jours calendrier après la pose de l’appareil, afin de bénéficier de la gratuité de la démarche. Passé ce délai, la facture sera de 126,06 euros hors TVA (tarifs 2025), précise la Cwape, le régulateur wallon des marchés de l’électricité et du gaz. La démarche exacte dépend de l’opérateur: téléphone chez Ores, formulaire chez Resa. Pour les plus petits GRD, mieux vaut se renseigner en amont.
La désactivation de la fonction communicante a comme première conséquence l’obligation de relever manuellement les index de son compteur, afin de les fournir à son GRD. Certaines interventions doivent également se faire sur place, mais plus globalement c’est tout le système qui perd de son intérêt. «Avoir ces informations de consommation en temps réel est devenu un vrai enjeu, qui touche à notre sécurité d’approvisionnement en électricité, note Benjamin Wilkin, directeur de l’asbl Energie Commune. Cela permet de pousser à la flexibilisation de notre consommation, de lancer de nouveaux contrats qui incitent à consommer à certains moments, etc. Accepter la fonction communicante, en réalité, c’est participer à l’intérêt général, pour pouvoir soulager le réseau électrique.»
Utile pour le réseau et le client final
En transmettant ces informations, l’utilisateur contribue à une meilleure connaissance du réseau, notamment aux endroits sensibles. Le phénomène des décrochages d’onduleur, soit l’arrêt de la production d’électricité photovoltaïque dans une installation domestique, a mis en avant, par exemple, les endroits où le réseau n’avait pas la capacité d’absorber l’électricité produite.
L’association BeProsumer, qui défend les droits des détenteurs de panneaux photovoltaïques, ne dit pas autre chose et conseille également de maintenir la fonction communicante dans l’intérêt du réseau. «Cette fonction joue un rôle crucial, permettant aux GRD d’avoir une vue précise sur l’état de la tension dans le réseau basse tension. Cette visibilité est essentielle pour cibler les optimisations nécessaires et réaliser des investissements judicieux, évitant ainsi des dépenses inutiles qui pourraient, à terme, alourdir la facture des consommateurs», affirme-t-elle.
Les informations transmises servent aussi au client directement, rappelle encore Benjamin Wilkin. «Mieux connaître ses propres comportements de consommation et d’injection, lorsqu’on possède des panneaux photovoltaïques, reste essentiel. Cela permet de consommer plus intelligemment, de lancer des appareils énergivores au bon moment. Qu’on lie obligatoirement l’accès du client au port P1 de l’appareil (NDLR: qui permet de suivre sa consommation et d’automatiser le fonctionnement de certains appareils par exemple) à l’activation de la fonction communicante du compteur ne me choque pas. C’est participer au bien commun d’un côté, pour gagner aussi sur un plan personnel.»
Des craintes sur les données personnelles
Les GRD et les fournisseurs d’électricité jouent la carte de l’information, pour rassurer les clients sur le bien-fondé de la fonction communicante. Avec parfois énormément de transparence, comme Luminus, qui n’hésite pas à citer les avantages mais aussi les inconvénients d’un compteur communicant par rapport au compteur mécanique.
Parmi les craintes parfois évoquées, certaines concernent la transmission d’informations personnelles sur le client. Connaître la consommation électrique représente bien quelque chose de sensible et voir ces données transiter en temps réel, par Internet, provoque chez certains des inquiétudes. Mais gare au fantasme Big Brother.
«Ces craintes sont totalement légitimes, il faut absolument garantir le respect des données personnelles, aucun acteur ne dira le contraire. Mais ces craintes sont mal placées. Le marché de l’énergie fonctionne sous le regard d’un régulateur totalement indépendant, avec des contrôles et des garde-fous. On peut faire la comparaison avec les réseaux sociaux par exemple, qui siphonnent nos données, sans que plus personne ne réalise vraiment ce qu’ils savent de nous, dans un marché peu voire non régulé. Le contexte est totalement différent pour l’énergie, où, clairement, il n’est pas permis de faire tout et n’importe quoi», tranche Benjamin Wilkin.
Le fait de laisser le choix au consommateur, de désactiver ou non la fonction, participe sans doute à la plus grande acceptation du système et respecte le choix des personnes se déclarant électrosensibles, juge encore l’expert. Mais derrière ce choix, il convient donc de réaliser les enjeux de la transition énergétique qui se joue.