COP 27 : comment les géants de la fast-fashion doivent se réinventer

Le Vif

Lors de la COP 27, les représentants du secteur de la mode ont fait part de leurs inquiétudes : parviendront-ils à réduire leurs émissions de CO2 de moitié d’ici 2030 ?

L’industrie de la mode représente des coûts sociaux et environnementaux non-négligeables. L’UNFCCC, la Conférence de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, estime que le secteur produit chaque année 2,1 milliards de tonnes de CO2 , soit 2 à 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. L’industrie de la mode consommerait plus d’énergie à elle-seule que les secteurs de l’aviation et du transport maritime réunis.

Les vêtements sont essentiellement produits dans des pays asiatiques dont les industries sont alimentées par des énergies carbonées, le charbon ou le pétrole. La Chine à elle-seule représente 43,5% des exportations de textiles. Les produits sont ensuite envoyés vers d’autres pays, essentiellement aux Etats-Unis et en Europe. Le secteur, tant au niveau de la production, du transport et de la vente, est donc particulièrement gourmand en énergie.

D’après Valérie Swaen, professeure à la Louvain School of Management, cette surconsommation énergétique est due au modèle de la fast-fashion. « Le principe de ces enseignes est de renouveler fréquemment leurs collections et de créer chez les consommateurs un sentiment d’obsolescence psychologique. Les clients en veulent plus, achètent les derniers produits et se lassent de ceux qu’ils possèdent déjà », explique-t-elle. Cette affirmation se vérifie en chiffres : entre 2000 et 2015,le nombre de collections proposées et de vêtements produits ont doublé. Selon les sources, la production oscille entre 100 et 150 millions de tonnes de vêtements par an.  

« Sommes-nous sur la bonne voie ? Peut-être »

En 2016, les parties à l’Accord de Paris se sont engagées à diminuer leurs émissions de carbone afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5° Celsius. Pour cela, des décisions politiques sont nécessaires, mais pas que… Les ONG pointent du doigt le rôle des multinationales. C’est pourquoi, en 2018, 130 enseignes ont adhéré à la Charte de l’industrie de la mode pour l’action climatique. Parmi elles, Burberry, H&M Group, Adidas, Chanel, Nike, Puma et des fournisseurs majeurs comme Crystal Group et TAL Apparel.

Par cette Charte, les signataires se sont engagés à réduire leurs émissions de 50% d’ici 2030 afin d’atteindre la neutralité carbone pour 2050. Un objectif ambitieux et difficile à atteindre, d’après les témoignages recueillis par Belga. Malgré les efforts de ces dernières années, les objectifs des enseignes sont loin d’être atteints et les signataires de la Charte ne cachent pas leurs doutes. « Sommes-nous sur la bonne voie ? Peut-être », a conclu sans plus de conviction Stefan Seidel, responsable du développement durable de la marque Puma.

70% du CO2 est émis lors de la production

L’ONG Global Fashion Agenda (GFA), engagée dans la transition écologique de l’industrie de la mode, estime que 70% des émissions de CO2  sont imputables à la phase de production. L’organisation incite donc les enseignes à opter pour des énergies renouvelables. Mais d’après la vice-présidente au développement durable de Crystal Group, ce n’est pas suffisant. « Même si nous installions des panneaux solaires sur la totalité de nos vingt usines, cela ne représenterait que 17% de la consommation de l’ensemble du groupe », a-t-elle expliqué au micro de Belga.

« Il ne s’agit pas simplement d’agir sur la consommation d’énergie. Le renouvelable ne suffira pas », prévient Valérie Swaen, spécialiste des enjeux du développement durable et de la transition. Une autre règle pour mieux produire est de collaborer avec les fournisseurs. « C’est vrai pour tous les secteurs, à partir du moment où on remonte la chaîne, il faut travailler main dans la main avec ses collaborateurs », remarque Valérie Swaen. Mais les géants de la fast-fashion rencontrent un problème de taille : « Nous avons plus de 800 fournisseurs », a souligné Leyla Ertur, responsable du développement durable pour H&M, au micro de Belga. « L’industrie de la mode est devenue de plus en plus complexe et plus la chaîne de valeur est complexe plus il est difficile de la contrôler », précise Valérie Swaen.

Vendre de manière responsable

La production n’est pas le seul aspect sur lequel agir. Global Fashion Agenda insiste également sur les abattements à prévoir dans le processus de post-production : 20% des réductions des émissions de CO2 sont de la responsabilité des vendeurs. Les enseignes doivent commander des quantités de vêtements proportionnées, limiter la surproduction et réfléchir à la fin de vie de leurs produits. H&M, par exemple, a mis en place un système de recyclage des vêtements usagés. Leurs clients peuvent leur rendre les vêtements qu’ils n’utilisent plus en échange d’un bon d’achat en magasin. Une stratégie à double tranchant : « Le recyclage est une bonne idée, reconnait Valérie Swaen, mais le bon d’achat ne fait que nourrir le cycle de consommation dans lequel on s’enferme. C’est une solution qui nourrit le modèle de la fast-fashion. »

Enfin, l’ONG Global Fashion Agenda estime que les consommateurs peuvent agir à hauteur de 20% sur les émissions de gaz carbonique dans le secteur de la mode. « Je ne jette pas la pierre aux enseignes. Tous les acteurs de cette industrie portent une certaine responsabilité et les consommateurs aussi, précise Valérie Swaen. Il est important d’avoir conscience de l’impact environnemental de nos pratiques de consommation, tout comme il faut que les marques entament une vraie remise en question. »

« Il y a des pistes »

Malgré les difficultés rencontrées par les géants de la fast-fashion, Valérie Swan n’est pas pessimiste : « Il y a des pistes : réduire le nombre de collections, produire des vêtements de meilleure qualité, ne pas inciter les consommateurs à renouveler leur garde-robe à chaque saison, utiliser d’autres matériaux, intégrer le coût écologique et de social de la production au prix du produit fini,… »

Bref, les grandes enseignes se sont engagées dans un processus de transition mais la route est longue et demande autant de moyens que de volonté.  

Erin Gérard

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