Dans son autobiographie, l’ancienne Première ministre néo-zélandaise met en exergue la gentillesse comme objectif politique. Radicalement à contre-courant.
Au tournant des décennies 2010 et 2020, Jacinda Ardern a marqué la vie politique par sa conduite des affaires publiques en tant que Première ministre de Nouvelle-Zélande (octobre 2017-janvier 2023). Elle raconte cette carrière riche et brève dans Un autre art du pouvoir (1), sa passionnante autobiographie.
Des événements dans sa jeunesse, découvre-t-on, ont sans doute forgé la personnalité qu’elle est devenue une fois engagée en politique. Une hospitalisation pour une pathologie infantile, la maladie de Kawasaki; le prosélytisme en tant que fidèle de l’Eglise mormone, puis la prise de distance avec la religion en raison de convictions personnelles plus progressistes; la prise de conscience de l’histoire douloureuse des Maoris, les premiers habitants de Nouvelle-Zélande, à la faveur du séjour de la famille dans la ville de Murupara, à majorité autochtone, et l’enseignement humaniste d’un professeur…
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Ce parcours explique sans doute pourquoi Jacinda Ardern a acquis «un impitoyable sens de la responsabilité» et une grande disposition à l’empathie. Ce qu’elle-même prenait encore pour une faiblesse, un député de son parti, Trevor Mallard, lui signifia en début de carrière la force qu’elle pouvait représenter: «Promettez-moi de ne pas chercher à vous endurcir. […] Vous ressentez les choses parce que vous avez de l’empathie, parce que vous faites attention aux autres. Dès que vous changerez ça, vous cesserez d’être bonne dans ce que vous faites.» Ce conseil fut suivi à la lettre pendant ses deux mandats de Première ministre au cours desquels elle fut confrontée à des événements inédits.
«Nous pensons que certains postes nécessitent certains traits de caractère. Ne faut-il pas le remettre en question?»
Successivement, l’attentat commis par un suprémaciste blanc contre des fidèles musulmans dans deux mosquées de Christchurch le 15 mars 2019 (51 morts), l’éruption du volcan Whakaari/White Island neuf mois plus tard (22 personnes décédées) et l’épidémie de Covid au début de l’année 2020 éprouvèrent la capacité de gouvernance de la néophyte et mirent en avant son incroyable capacité d’écoute de ses concitoyens.
A l’heure du bilan de sa gouvernance, Jacinda Ardern explique qu’elle «voulait montrer que parfois nous pensons que certains postes, certains rôles nécessitent certains traits de caractère, certains comportements et que c’était quelque chose qu’il fallait peut-être remettre en question». Parmi ces valeurs, l’ancienne Première ministre devenue professeure à l’université Harvard peut se targuer d’avoir réhabilité la gentillesse.
(1) Un autre art du pouvoir. Mémoires,
par Jacinda Ardern, Flammarion, 512 p.