Laurent-Désiré Kabila lors d'une conférence de presse, en novembre 1996. © GETTY IMAGES

Président Laurent-Désiré Kabila, à Bruxelles

 » C’est à vous qu’il appartient maintenant de démontrer que nous avons eu raison de vous faire confiance « 

 » On va faire de ce Congo un grand pays démocratique, un pays prospère « 

 » Notre diplomatie, qui est une diplomatie maintenant de combat, nous a amenés ici pour expliquer à la communauté internationale, notamment en Belgique, les réalités de chez nous, qui sont le plus souvent déformées. Surtout quand on prend des victimes pour des agresseurs.

Nous nous sommes rendus compte que le peuple congolais était, une fois encore, absent des préoccupations de ceux qui cherchent les droits humains. Son calvaire ne compte pas du tout. On se soucie des agresseurs, ces tueurs, des sanguinaires, que tout le monde connaît, et on dit qu’ils n’ont pas le droit de se défendre, les Congolais. Parce qu’ils se défendent, on dit  » ils tuent les Tutsis « . Il fallait donc que le peuple congolais ne se défendît pas. Et que maintenant on n’ose pas libérer son pays. Parce que chaque geste dans la direction d’expulser l’ennemi est vu comme une tentative de créer un génocide. Nous avons écouté avec consternation ce genre d’abomination. Et c’est une injustice insupportable. Je vais vous avouer, mes chers compatriotes, que la lutte continue. Et qu’il faut la continuer. C’est du moins la conclusion à laquelle ma délégation et moi-même sommes arrivés.

Après avoir rencontré d’éminentes personnalités, nous nous sommes laissés dire que le Congo a identifié l’ennemi dans une tribu. Nous avons dit  » quelle tribu « , et ils ont parlé de  » tribu tutsie « . Or tout le monde le sait, l’armée rwandaise, burundaise, sont des armées mono-ethniques. Et lorsque l’armée rwandaise est venue chez nous, on a vu une seule ethnie : Tutsi. Alors, si le peuple se défend contre l’agression de Tutsis, armés, on dit qu’on veut exterminer les Tutsis ! Alors qu’est-ce qu’il faut faire ? Les laisser liquider le peuple congolais, physiquement ? Les laisser nous asservir, comme ils l’ont fait chez eux avec la majorité hutue ? […]

Vous avez un grand travail, vous, nos compatriotes, ici, et je suis content que vous ayez tous pris conscience du fait qu’à travers votre discours vous déplorez l’incompréhension de ceux qui ont la voix dans la communauté internationale. Nous venons de séjourner quelque 48 heures ici. Notre propos était de dire aux autorités belges qu’elles ne doivent pas demeurer passive devant la violation flagrante de la charte des Nations unies, devant l’agression que subit notre pays, la menace de la perte de notre souveraineté et de notre indépendance. Nous avons demandé aux autorités belges de peser de tout leur poids auprès d’autres décideurs de la communauté internationale et en particulier de l’Union européenne afin de faire respecter les droits du peuple congolais. D’exiger le retrait des troupes d’occupation de notre territoire.

[…] L’agression a une motivation économique, vous connaissez : tous ces pillages faits à l’Est, de mines, de café. C’est la raison de nos mésententes avec nos anciens alliés. L’autre motivation, c’est de prendre le peuple congolais pour un peuple mineur, lui dire ce qu’il doit faire. Museveni ( NDLR : Yoweri Museveni, président de l’Ouganda depuis 1986) l’avait dit :  » Le Congo a besoin d’un dirigeant faible, Kabila est trop fort, on lui dit faites ceci, il refuse.  » Et qu’est-ce qu’on nous disait de faire ? De donner à Museveni et ses frères des concessions. Parce qu’ils s’y trouvaient déjà. Je ne sais pas s’ils coopéraient avec les mobutistes, avant mais ils disaient qu’ils avaient le droit d’avoir ces concessions. […] Le droit de frauder le café, le bois, la papaye, l’or. Et comme on ne pouvait accepter que ces choses se fassent autrement que par le canal légal établi, c’était une source de mésentente.

Enfin, l’expansion territoriale est une autre motivation. L’empire Hima-Tutsi a besoin de territoire, des terres congolaises. Et vous savez que nous ne sommes pas d’accord. Je viens d’apprendre que vous n’êtes pas d’accord non plus. Alors, cette guerre qu’on nous impose, qui est une guerre injuste, nous devons la dénoncer. Nous sommes venus la dénoncer parce qu’il y avait une duplicité dans l’attitude de beaucoup de pays de la communauté internationale.

[…] Il faut rappeler que ce sont des pays membres de l’ONU, de l’OUA ( NDLR : l’Organisation de l’unité africaine) qui avec leurs armées ont envahi la terre congolaise. Dans le cas du Koweït, on n’a pas demandé aux Koweïtiens de discuter avec les Irakiens. Nous avons vu, tous, une armada pour aller rétablir l’ordre. Dans notre cas, on nous dit  » négociez avec l’agresseur « . Partant de tous les exemples que nous avons donnés, dire à une victime dans les crocs d’un crocodile de négocier avec le crocodile qui veut la dépecer, ce n’est quand même pas de l’indulgence de la part de la communauté internationale ! C’est pourquoi à Kinshasa, il est difficile de tenir un autre langage que le langage de solidarité de tout un peuple.

[…] La résistance est là. Que vous soyez du Kivu, du Maniema, la résistance est nationale. Comme je vous ai dit ici, vous devez lutter, vous, Congolais.

[…] Le Congo doit avoir sa conscience tranquille. Il est en retard de développement, tout le monde le sait. Nous n’avons pas le temps de nous occuper des affaires des Rwandais. Nous n’irons pas là-bas. Le contraire, ce n’est pas possible. Voyez-vous ? Allez chercher quoi! Qu’est-ce qu’on va chercher là-bas! Je ne vois pas ce qu’il faut aller chercher là-bas. Ils ont du café ? Nous aussi nous avons du café. Ils ont des bananes ? Nous en avons nous aussi. Et puis quoi encore ? Il n’y a plus rien ! C’est que les Congolais ne peuvent pas aller massacrer les gens sans motif. Le malheur est que notre sous-sol est trop riche. C’est pourquoi nous sommes convoités. Je ne nous vois pas aller faire des aventures inutiles ailleurs. Nous sommes assez occupés chez nous et nous avons assez de choses à faire.

Alors, mes amis, restons unis. Et parce que nous avons besoin de cette unité, demeurez solidaires face à nos ennemis, grands et petits. La raison est de notre côté. Et puis notre pays est riche. S’il n’y a pas de guerre, vous avez vu quand on a commencé la reconstruction. On a nettoyé Kinshasa et autres rien qu’avec l’argent de chez nous. Et nous continuerons à faire ces choses-là. On va faire de ce Congo un grand pays démocratique, un pays prospère. Restez vigilants. Criez fort que vous êtes victimes d’une injustice et que la communauté internationale doit la réparer.

Je vous remercie. « 

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